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jeudi 10 juin 2004


Témoignage
Image corporelle et identité féminine

par Vittoria Pazalle






Écrits d'Élaine Audet



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Je suis une femme dans la trentaine, mariée, mère de famille et qui occupe un emploi. Or, me définir n’a pas toujours été aussi simple !

En effet, j’ai souffert de TCA (Troubles du Comportement Alimentaire, dont anorexie et boulimie) de 12 à 28 ans, soit une grande partie de ma jeunesse.

Aujourd’hui guérie, je ne cesse de vouloir comprendre ce qui a déclenché ces troubles. Et je peux désormais affirmer que ceux-ci me ramenaient en grande partie à l’identité féminine.

Alors que je suis née dans une famille traditionaliste, j’ai commencé à connaître le courant féministe au début de mon adolescence. Quelle aventure que ce bouleversement !

Il se trouve que, très tôt déjà, je n’étais pas une petite fille qui attendait seulement de se marier pour devenir une gentille épouse et une mère de famille dévouée. Je ne sais pourquoi, j’aspirais à quelque chose d’autre. Or, en sus de certains problèmes personnels, j’avais trouvé la solution avec l’anorexie d’avoir un corps ascétique et asexué afin de ne pas rentrer dans le moule que l’on me proposait.

En effet, on me disait qu’une petite fille devait jouer à la poupée, s’habiller en robe, avoir les cheveux longs et aimer le rose, alors que les poupées ne m’intéressaient pas, que je n’aimais que les pantalons, les cheveux courts et trouvais cette couleur abêtissante ; qu’une femme était toujours douée pour la couture et la cuisine, alors que je détestais cela et constatais que les plus grands couturiers et cuisiniers étaient essentiellement des hommes ; que je devais tout faire pour être belle pour plaire aux garçons et un jour pouvoir enfin me marier, alors que je considérais par exemple le maquillage comme un masque pour cacher la vérité (soit un mensonge pour tromper les hommes) et estimais que je n’étais pas un animal que l’on allait vendre à la foire, et surtout que j’avais, en sus d’un physique, une cervelle (particularité qui n’était apparemment importante que pour le sexe masculin !).

Je ne pouvais pas admettre également certaines idées comme de valoir moins qu’un homme, d’avoir systématiquement à me soumettre et m’effacer une fois mariée, et même me sacrifier tout naturellement en devenant mère. Ces sous-entendus ne provenaient guère des hommes, mais bien essentiellement des modèles féminins de ma propre famille que je voyais déçues, amères et usées au fur et à mesure des années alors qu’elles étaient cependant réellement les piliers centraux du cercle familial.

Combien de fois ai-je entendu lors d’une grossesse que l’on souhaitait que les futurs enfants aient l’intelligence du père et la beauté de la mère ! Que dire si le père n’était pas particulièrement un génie et la mère somme toute banale ?

Comment pouvais-je me retrouver dans tant de contradictions ?

J’ai même fini par croire que je n’étais pas une vraie petite fille à force de ne pas correspondre à ce que l’on me donnait comme modèles !

Puis en grandissant, à force de lire des magazines, je voulais être comme les filles de mon âge et j’ai fini par confondre beauté et minceur. Je croyais même que plus je serais mince, plus je serais acceptée par les autres et m’aimerais. Mais j’avais beau maigrir, je n’arrivais toujours pas à me plaire. Et c’est ainsi que la descente infernale de l’anorexie s’est installé. A la fin, je ne percevais plus mon corps que comme un "emballage", un boulet, et surtout une prison et une punition par rapport à la condition des hommes que je voyais beaucoup plus libres.

Or il m’a fallu plusieurs années de thérapie pour me rendre compte que ce que l’on m’avait décrit comme des signes d’infériorité était des faits tout à fait normaux.

Par exemple, les menstruations qui étaient perçues autrefois uniquement comme la fin de l’enfance et la perte de l’innocence pour une petite fille, et surtout le début de grosses contraintes (le devoir de se changer en cachette, sautes d’humeur, divers petits maux physiques) sont en fait un processus tout à fait normal qui nous permet tout de même, il serait hypocrite de l’oublier, de nous reproduire.

On m’avait même prétendu que la sexualité de la femme était naturellement beaucoup moins nécessaire chez la femme que chez l’homme (au point de croire que l’infidélité masculine s’expliquait), alors que l’on sait aujourd’hui que pour nous ce processus est d’abord mental (d’où notamment l’attrait du romantisme ou des préliminaires) et que chez l’homme c’est principalement visuel.

Ou encore, en culpabilisant la femme sur son corps, ses besoins, sa sexualité et ses désirs notamment par le moyen de la religion et des préjugés, il est évident que la femme se dissociait de son corps et pouvait même finir par en avoir honte. Or il me semble que le vrai sous-entendu derrière ce tabou vient en partie du fait que l’homme devait trouver des moyens d’être sûr de la véritable transmission de ses gènes pour sa descendance et de la fidélité de son épouse (qui n’avait ainsi pour sûr guère l’idée de le tromper).

Ou encore, aujourd’hui, épouse et maman d’une fille et d’un garçon, je suis aussi très heurtée par l’image de la femme véhiculée dans les médias. L’idéal féminin étant devenu longiligne, où sont les courbes et la spécificité féminine tant célébrées par les artistes ? Ou encore sachant qu’une femme doit avoir un minimum de graisse pour déclencher les menstruations, pourquoi arborer des modèles si chétives qu’elles ne peuvent être physiologiquement appelées "femmes" ?

Après la libération sexuelle grâce notamment aux moyens de contraception, sur les photos la femme paraît passer du stade de proie (comme nos ancêtres) à celui de chasseur. Alors que nos grands-mères vivaient dans l’extrême du fameux corps sale, animal et symbole du péché (comme la fameuse chemise de nuit avec un trou dans le bas-ventre), nous passons à un corps trop souvent dénudé, provoquant et exhibé à tout-va.

Ainsi, de plus en plus le corps de la femme n’est plus qu’un "atout commercial" !

Et comment s’y retrouver ? Nous voyons par exemple la femme traditionnelle (comme la souriante mère de famille à la limite de la niaiserie heureuse avec son petit paquet de lessive X), la femme super-woman (cadre dynamique, sachant allier, elle, parfaitement maternité et monde du travail, revenant du bureau sereine, disponible et sentant toujours bon), la "célibattante" moderne qui veut être libre et sans attaches ou celle qui ne veut pas grandir, ou encore "l’affirmée" sous le mode agressif (clamant "Moi je fais ce que je veux de mon corps", voire "Ce n’est pas de ma faute si je suis belle et que j’assume !").

Mais a-t-on besoin de montrer un corps pratiquement nu ou dans des positions obscènes pour vendre des produits de plus en plus basiques tels que du sucre ou un jus de fruit ? De nos jours, les mannequins défilent sans vergogne vêtues de tissus si fins qu’elles dévoilent leur poitrine ou leur postérieur. Ou encore les jeunes vedettes exhibent sans pudeur seins, ventre, jambes, et fessiers. Faut-il obligatoirement en passer par là (le fantasme masculin) pour attirer l’attention et faire vendre ?

Tel un étalage de boucherie, dans la publicité, la femme me semble tel un vulgaire morceau de viande !

De nos jours, où est donc la beauté, et tout simplement la spécificité de la femme ? A force de tout montrer, où peut-il y avoir encore de la sensualité, le libre court à l’imagination, la poésie, le charme et le mystère ?

Mais surtout, comment peut-on inspirer du respect chez les gens, et avant tout chez la gent masculine, si l’on ne respecte même pas son corps ?

Nous sommes donc à une époque charnière où après avoir frôlé deux extrémités, il est nécessaire de trouver une juste moyenne. Sachant que la mode est aussi le reflet de la société (exemple nihiliste en période de crise économique ou androgyne), n’y a-t-il pas un juste milieu avec la simplicité, la féminité et l’élégance (sans retomber bien entendu dans le simplisme ou les clichés des classes très favorisées) ?

Alors que l’on a longtemps défini la féminité principalement par l’aspect extérieur ou des stéréotypes, ou les gens en fonction des carcans de leur âge, sexe, nationalité, classe sociale ou religion, quand définira-t-on enfin tout simplement les personnes en fonction de ce qu’elles sont et aspirent à devenir ?

Lorsque l’on passe une bonne partie de son temps à se soucier de son apparence en suivant les diktats de la mode notamment pour plaire ou tout simplement pour se sentir acceptée par les autres, il est évident que l’on n’a guère de temps à se consacrer à ce qui est le plus important : son intériorité (confiance en soi, estime de soi, pratiquer certaines activités pour son propre plaisir et non pour ce que les autres vont penser de soi, faire attention à soi d’abord pour soi et non pas uniquement pour plaire aux autres, etc).

Or, quand nous serons plus sûres de nous et plus affirmées, nous serons beaucoup moins les victimes de cette société de consommation qui nous vend essentiellement du rêve et qui se doit, on l’oublie trop souvent, de créer constamment de nouveaux besoins (cf. course aux nouveaux produits de beauté dont on ignore l’efficacité, recours grandissant à la chirurgie esthétique pour ressembler à des modèles toujours nouveaux, etc.) pour faire acheter.

Aussi, si certaines femmes dans d’autres pays doivent porter le voile ou des anneaux autour du cou, nous les femmes occidentales sommes en fait plus ou moins contraintes de suivre les modèles des magazines : soit pas le droit de grossir, de se laisser aller, de vieillir ou d’être différente de certains modèles à la mode. Sommes-nous donc vraiment aussi libres que nous le croyons ?

Par conséquent, à travers mon parcours, je voudrais donc affirmer qu’une petite fille qui aimait être en pantalon, avoir les cheveux courts et jouer avec des voitures peut aussi devenir une femme et être fière de l’être ! Je n’envie pas les caractéristiques dites masculines car je sais que certaines comme l’action, l’initiative et me défendre ont été étouffées par mon éducation et que je peux aussi les exploiter si je les réveille. En outre, je ne me sens plus inférieure, mais tout simplement différente.

Et, en fait, dorénavant pour me définir, je peux dire que je veux tout simplement être moi-même, me respecter et m’aimer !

Vittoria*

* Auteure de "Anorexie et Boulimie : Du Corps à l’Ame" (Ed. Michel d’Orion) : Témoignage d’ESPOIR et de GUERISON sur la souffrance des TCA (Troubles du Comportement Alimentaire) et sur son processus de reconstruction grâce à une thérapie voir en ligne.

Anorexie et Boulimie : Journal Intime d’une reconstruction, Editions Dangles, Paris, 2007, 325 pages ; 15 cm x 21 cm ; ISBN 2703307152. Adresse des Editions Dangles. Réédition et mise à jour en mars 2007.
Pour en savoir plus sur les TCA :

 Anorexie et boulimie : témoignage de Vittoria Pazalle

Mis en ligne sur Sisyphe, le 24 juin 2004



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Vittoria Pazalle
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L’auteure a publié Anorexie et boulimie, journal intime d’une reconstruction, aux Éditions Dangles, en 2007. Elle administre un site web : www.vittoria-pazalle.com



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  • la femme
    (1/1) 22 décembre 2006 , par





  • la femme
    22 décembre 2006 , par   [retour au début des forums]

    cet article é génial sa ns montre bien késke c une femme je voudré vs dire bravo pake francho i déchire cet article merci de ns montré sou notre vré nature bravo


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