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octobre 2004 Espace musique, espace fourre tout à Radio-Canada Disparition de la chaîne culturelle à Radio-Canada
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le 12 octobre 2004
Bien que je ne sache même pas lire une partition, j’aime passionnément la musique dite classique et j’ai besoin d’en écouter tous les jours comme j’ai besoin de respirer. Pendant plus d’un quart de siècle, j’ai été une auditrice assidue de la chaîne culturelle de Radio-Canada où j’avais des rendez-vous quotidiens avec les grands compositeurs de toutes les époques, et avec des animatrices et animateurs intelligents, cultivés, eux-mêmes amoureux de cette musique, et qui savaient nous la faire apprécier. Aujourd’hui, je me sens en deuil. Après avoir grugé la chaîne culturelle pendant plusieurs années consécutives, la Société Radio-Canada a fini par la faire disparaître, cet automne, au profit d’une chaîne de musique continue, Espace musique, sans âme ni personnalité. Pour bien souligner cette dépersonnalisation, on parle d’"espace", non d’émissions avec leurs titres propres et la couleur que leur donne l’animation. On semble avoir donné aux animatrices et aux animateurs de musique classique la consigne de se faire oublier. Ce n’est qu’une question de temps pour qu’on supprime ce type même de musique en inventant le prétexte que personne ne l’écoute. La direction de Radio-Canada espère que l’auditoire assidu de la chaîne culturelle se dirigera vers la première chaîne. Dans un communiqué daté du 1er septembre, le vice-président Sylvain Lafrance souligne que la première chaîne est « parmi toutes les radios, la plus écoutée chez les francophones ». Eh bien, ne comptez pas sur moi pour adopter la première chaîne. Non pas que je mette en doute sa qualité, je n’en apprécie tout simplement pas le ton. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai été si longtemps une fidèle auditrice de la chaîne culturelle, tant pour la musique que pour les autres émissions de culture. M. Lafrance prétend que « la rédéfinition des deux chaînes radio de Radio-Canada est le fruit d’une vaste réflexion et d’une large consultation avec nos publics et nos partenaires ». Ah oui ! Quand donc cette consultation a-t-elle eu lieu ? Il est faux, comme le prétend encore M. Lafrance, que Radio-Canada « remplit pleinement sa mission de service public ». Radio-Canada a tout bonnement sonné le glas de la culture et de l’information. Elle a ajouté quelques émissions "culturelles" à la première chaîne, mais pour combien de temps ? Lorsqu’elle décidera qu’elles ne sont pas rentables, elle les supprimera en douce, comme elle a supprimé la chaîne culturelle sous le même prétexte. Au mépris des auditrices et des auditeurs de l’ancienne chaîne culturelle, ainsi que de son rôle de service public, Radio-Canada a choisi de se soumettre à la loi du commerce. La chaîne Espace musique ne présente même pas de bulletin d’information complet. Imitant la chaîne Radio Classique de Jean-Pierre Coaillier, elle se contente de brèves manchettes. La place de la musique classique est réduite à la portion congrue, notamment au profit du jazz. J’aime le jazz, mais je n’apprécie pas qu’on le sème ici et là, à toute heure du jour ou de la nuit, même dans les "espaces" qui sont censés être consacrés à la musique classique ou à d’autres musiques. Sur semaine, par exemple, la quatrième heure de "l’espace" du matin (où j’aurais préféré à l’animation Mario Paquet et sa poésie, en laisant l’excellent Michel Keable au concert de la soirée) est souvent un mélange de différents genres de musique, comme le sont les "espaces" de l’après-midi et les cinq heures (5 heures !) qu’on a confiées le dimanche à François Dompierre, un animateur qui n’a pas perdu l’habitude de tout ramener à sa personne. Tout le monde se targue d’éclectisme, à cet "espace" que je n’ose qualifier de radio, comme si c’était le nec plus ultra de la qualité et de la modernité. Certain de mes animateurs et animatrices préférés ont survécu à la destruction sauvage de la chaîne culturelle de Radio-Canada. Carole Trahan, par exemple, qui faisait le bonheur d’un vaste auditoire à l’Échappée belle, anime maintenant l’"espace" de 6 à 10 heures, les samedi et dimanche. Trop tôt. Elle perd sans doute une partie de son auditoire. Le samedi, elle est suivie de Sylvia L’Écuyer, une autre de mes préféré-es. Jusqu’ici, ces deux-là semblent rester fidèles à elles-mêmes et nous offrent leurs réflexions, commentaires, compétences le plus simplement du monde. Jusqu’à ce qu’on les oblige à se dépersonnaliser peut-être ? Je regrette cependant l’absence du remarquable Gilles Dupuis qui a animé et réalisé « La grande fugue », à la chaîne culturelle, pendant de nombreuses années. Pourquoi faire disparaître une émission de cette qualité ? Je regrette également Michel Ferland, dont la passion pour la musique, notamment l’art vocal, est si communicative. Quant à l’"espace" de la chanson animé par Sophie Durocher, je ne peux tout simplement pas l’écouter. Non que je n’aime pas la chanson. Mais cette émission n’a ni la bonne plage horaire ni la bonne animatrice. Qui a envie de se faire bombarder à 10h du matin de ce pot-pourri de chansons de toutes les époques présenté par une animatrice qui semble avoir de la difficulté à reprendre son souffle et nous essouffle par le fait même ? Pourquoi n’a-t-on pas confié l’animation de cet "espace" à Cynthia Dubois, par exemple, de 16h à 18h ? Cette animatrice extraordinaire est reléguée à 3 heures de la nuit. Ou encore, à Élisabeth Gagnon, qui s’y connaît dans le domaine ? Encore heureux que le concert de 20h ait échappé à la hache des charcuteurs. Mais cela ne suffit pas à dissiper le caractère superficiel et l’impression de vide que l’on éprouve à l’écoute de cette chaîne. La radio de Radio-Canada n’est plus ma radio. Je qualifierais cette nouvelle chaîne d’Espace fourre tout. Je ne pardonne pas à la Société Radio-Canada de nous avoir enlevé ce joyau qu’était la chaîne culturelle, avec ses émissions sur la littérature, les beaux-arts, les sciences, ses débats de société, et cette musique classique à profusion que j’écoute maintenant à Radio Classique et sur mon système de son, mais sans profiter d’une animation éclairée. La Société Radio-Canada n’a jamais investi dans la promotion de la chaîne culturelle le dixième de ce qu’elle a investi dans la promotion de la première chaîne. Ensuite, elle ose affirmer que la chaîne culturelle n’était pas assez écoutée. La Société Radio-Canada considère que nous ne méritons pas une véritable chaîne française consacrée à la culture. Je ne suis pas d’accord. C’est pourquoi j’appuie le Mouvement pour une radio culturelle au Canada (MRCC) qui demande au CRTC de tenir des audiences publiques sur le sujet. Lisez ce qui suit et appuyez le MRCC en écrivant à l’adresse indiquée plus bas. – Lire : « Le Nouvel Espace Musique de Radio-Canada - La chaîne culturelle pulvérisée ». Le Mouvement pour une radio culturelle au Canada (MRCC) soutient et revendique une radio publique de qualité en matière culturelle. Il conteste la décision de Radio-Canada de supprimer la Chaîne culturelle sur la bande FM. Le mouvement demande au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) la tenue d’audiences publiques sur la situation actuelle et sur l’avenir de la culture à la radio d’État, tant en ce qui concerne la musique classique que la littérature, la philosophie, les beaux-arts, la danse, le cinéma et les sciences. Appuyez le Mouvement pour une radio culturelle au Canada (MRCC) en écrivant par courriel ou par la poste à : Mouvement pour une radio culturelle au Canada (MRCC) Bien cordialement, Jean Portugais Vous pouvez aussi écrire au CRTC à cette adresse : info@crtc.gc.ca. Les Carnets de Sisyphe 2002-2003 |