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samedi 5 mai 2007

La violence domestique comme torture - Une guerre de basse intensité contre les femmes ? (1er de 3 articles)

par Jules Falquet, sociologue






Écrits d'Élaine Audet



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Cet article, que nous présentons en trois parties en raison de sa longueur, a paru en 1997 dans Nouvelles Questions Féministes, Vol. 18, 3-4, pp 129-160, sous le titre « Guerre de basse intensité contre les femmes ? La violence domestique comme torture, réflexions sur la violence comme système à partir du cas salvadorien », et en espagnol en 2002 sous le titre « La violencia doméstica como forma de tortura, reflexiones basadas en la violencia como sistema en El Salvador », dans Revista del CESLA, n°3, pp. 149-172, Centro de estudios latinoamericanos, Universidad de Varsovia. La violence domestique ou conjugale ayant les mêmes racines où que ce soit dans le monde, cette analyse a donc une portée universelle. Comme on le verra, elle est toujours d’une criante actualité.

Les trois parties de cette étude :

 La première partie de ce texte intitulée « La violence domestique comme torture : une guerre de basse intensité contre les femmes ? »
 La deuxième partie intitulée « La violence domestique comme torture : effets psychodynamiques de la violence »
 La troisième partie intitulée « Logiques sociales de la violence domestique et de la torture »

******

Cet article doit beaucoup à de nombreuses femmes : celles qui ont témoigné de la violence qui leur a été faite, celles qui ont suscité, recueilli et analysé ces témoignages et toutes celles qui ont lutté contre cette violence d’une manière ou d’une autre. Je remercie en particulier Mercedes Cañas, première Salvadorienne a avoir osé aborder cette question de front, en pleine guerre civile révolutionnaire, Anne-Marie Devreux pour ses encouragements à développer cette réflexion et ses remarques, et Anne Hugon pour m’avoir aidée à démêler les fils de ma pensée.

Résumé

Cet article aborde, notamment à travers l’exemple du Salvador, les ressemblances entre la violence domestique exercée contre les femmes et la torture dite politique. Au niveau des méthodes et de la structure des actes, on trouve d’étonnants points communs entre les deux phénomènes. En étudiant ensuite les effets psychodynamiques sur les personnes affectées, d’autres rapprochements inquiétants peuvent être faits. Enfin, quand on observe les résultats sociaux collectifs des deux phénomènes, on constate dans les deux cas une certaine démoralisation et une passivité induite chez les groupes sociaux affectés. Dans un deuxième temps, on étudie les parallèles qu’on peut tracer entre les techniques de guerre de basse intensité et la violence contre les femmes dans son ensemble. Il apparaît alors que la violence contre les femmes relie étroitement la sphère privée et la sphère publique et qu’il s’agit d’un rapport social central dans le maintien de l’oppression des femmes.

*****
    "Violence : (1215 "abus de la force") Faire violence : agir sur quelqu’un ou le faire agir contre sa volonté, en employant la force ou l’intimidation. Faire violence à quelqu’un : le contraindre en le brutalisant ou en l’opprimant. La violence : force brutale pour soumettre quelqu’un. Une violence : acte par lequel s’exerce cette force." (Petit Robert mis à jour pour 1989)

La présente réflexion sur la violence a commencé au Salvador, petit pays d’Amérique centrale profondément marqué par douze ans de guerre civile révolutionnaire d’une extrême brutalité. En plein conflit, alors que la violence militaire - assassinats, massacres perpétrés par l’armée, enlèvements, torture - masquait toutes les autres violences, le premier groupe féministe du pays, la CONAMUS (1), se donnait pour objectif central la lutte contre la violence faite aux femmes. Plus, même : une des premières féministes du pays, Mercedes Cañas, osait comparer la violence domestique et la torture, en soulignant le fait - de toutes et tous connu - que certains maris/compagnons frappaient leur femme de manière à ne pas laisser de traces, comme des tortionnaires expérimentés (Cañas, 1989). Cet exemple avait le mérite de mettre clairement sur le même plan :
 un phénomène "politique" unanimement réprouvé comme la torture, qui donne lieu à des campagnes publiques de dénonciations, à des déclarations et des réglementations internationales,
 et un phénomène invisible, quotidien, "privé" et "naturel" : la violence qu’exerce un mari/compagnon sur sa femme.

Loin de toute prétention à une réflexion exhaustive ou spécialisée sur la violence, mais profondément frappés par le rapprochement effectué par Mercedes Cañas, nous avons tenté ici de synthétiser quelques réflexions ultérieures auxquelles nous nous sommes livrés en étudiant de plus près la psychologie sociale de la guerre. A travers le prisme du cas salvadorien - comment peut-on être Salvadorienne ? - n’est-ce pas une image nouvelle et étrangement familière qui nous revient ?

Nous suivrons d’abord la piste ouverte par Cañas, en soulignant certaines ressemblances marquantes qui existent entre la torture et la violence domestique. En effet, tant une partie des méthodes que des effets psychodynamiques de la violence domestique sont étonnamment proches de ceux de la torture dite politique. Dans un deuxième temps, nous élargirons la perspective de violence domestique à celle de la violence faite aux femmes dans son ensemble. Nous tenterons de montrer que, loin d’être un phénomène naturel, individuel - un moyen mécanique pour les hommes d’obtenir de "meilleures" prestations domestiques ou une soupape pour la frustration masculine - la violence contre les femmes doit être replacée dans un contexte global qui lui permet d’exister. Suivant les réflexions de Christine Delphy sur la constitution de la sphère privée comme une sphère de non-droit (Delphy, 1995) et une série d’analyses recueillies par Martin Baró (2), sociologue salvadorien qui a beaucoup étudié les dynamiques psychosociales de la guerre (Baró, 1990), nous évoquerons donc le contexte des actes de violence - violence dite politique ou violence dite privée -, ce qui les rend possible collectivement, socialement. Enfin, nous pousserons la réflexion plus loin en ébauchant une comparaison entre la "guerre de basse intensité", dont la torture est un élément-clé, et la violence faite aux femmes, où la violence domestique occupe une place de choix. En effet, dans ces deux phénomènes, on peut voir deux systèmes de contrôle social, réputés exceptionnels mais qui fonctionnent également en temps ordinaire pour garantir la perpétuation de l’ordre social existant. La vionence, tant politique que contre les femmes, bien loin d’être un errement douloureusement incompréhensible ou un regrettable débordement de cruauté individuelle, apparaît alors au contraire comme une véritable institution, qui lie la sphère privée et la sphère publique, l’idéel et le matériel, et qui est à la fois relation sociale et mécanisme de reproduction des rapports sociaux.

Des ressemblances entre torture politique et violence domestique

Précisons que dans cet article, nous entendrons par violence domestique la violence exercée par un mari/compagnon contre une femme adulte au sein du foyer (3). Nous distinguerons dans cette violence domestique trois formes différentes de violence, qui sont généralement étroitement mêlées : les violences physique, psychologique et sexuelle. La violence physique inclut les coups, les gifles, les bourrades violentes, mais aussi les pincements, les étirements, les torsions et autres manières plus subtiles de faire mal. La violence psychologique comprend toutes sortes de remarques désagréables, les insultes, les cris, les menaces envers la femme, les enfants, la famille ou les tierces personnes, l’enfermement, la destruction d’objets appréciés, la privation de relations avec des tiers, l’accaparement de l’attention, l’intimidation, le traitement dévalorisant. La violence sexuelle inclut le viol conjugal, mais aussi le refus de relations sexuelles et les insultes sur le corps ou sur la moralité.

Un témoignage recueilli par Mercedes Cañas illustre la violence domestique ordinaire au Salvador (Cañas, 1989). Il s’agit du récit d’une femme qui a joint un avocat pour entamer une procédure de divorce :

    "Après que j’aie parlé à l’avocat, mon mari m’a appelée au bureau. Il m’a dit que quand je rentrerais à la maison nous allions parler et que j’allais regretter d’essayer de le traîner dans la boue. Je tremblais, je tremblais, je tremblais. Ma mère est venue me chercher et elle m’a dit "allons à la maison". J’étais décidée à tout, à tout. Je me suis dit : c’est le moment de dire tout. Je ne reste pas un jour de plus avec lui. Ou je le tue ou il me tue. Mais vraiment, moi, vraiment définitivement, je disais : je le tue. Nous sommes arrivées et ça a commencé. Bon, bref, un moment il m’a attrappée et il m’a jetée dans le jardin. Moi, j’ai attrappé l’enfant. Je le serrais, je me suis dit comme ça peut-être qu’il s’abstiendra de me frapper. Mais comme ça, avec l’enfant, il m’a envoyée valser dans le jardin. J’ai l’habitude d’être en robe de chambre à la maison - il était déjà environ 7 heures et demie du soir et cette zone où nous vivions était très sombre. Il m’a mise nue, il a déchiré ma robe de chambre et il m’a frappée, frappée. Je ne sais pas comment j’ai réussi à me dégager. J’ai été dans la cuisine. J’ai sorti un couteau, je voulais le tuer. Je me moquais bien de tout. Je ne pensais à rien. J’ai juste pris le couteau et je suis sortie le chercher. Quand il a vu que j’avais le couteau, il est parti en courant. Mais j’ai glissé sur une flaque d’eau ou de Coca qu’il y avait par terre. Quand il a vu que j’étais tombée, il s’est jeté sur moi. Il me bourrait de coups de pieds, dans les seins, partout où il pouvait. Ma mère est arrivée, elle lui a sauté dessus, je ne sais vraiment pas comment. Je ne me rappelle pas très bien, mais si ma mère ne lui avait pas pincé le nez, il m’arrachait le doigt. Il m’avait attrapé le doigt avec ses dents. J’ai la cicatrice ici."

Intimidation et menaces, violence en présence d’un enfant et humiliation devant des tiers, coups dans les parties du corps réputées les plus sensibles, tentative de mutilation : nous avons ici un tableau de violence domestique qui n’a guère à envier à une scène de torture telle qu’on peut l’imaginer. Voyons en parallèle une définition de la torture formulée par Elizabeth Lira et Eugenia Weinstein, deux Chiliennes spécialisées dans le traitement psychologique des personnes torturées (Lira, Weinstein, 1990) :

    "Amnesty International définit comme torture un processus qui va du malaise, résultat de mauvais traitements, jusqu’à la douleur intolérable conduisant à la mort. On comprend ainsi la torture comme l’application délibérée et systématique de la douleur aiguë d’une personne sur une autre, dans le but d’obtenir des informations ou des confessions, ou de produire une intimidation sur des tierces personnes. Cette douleur est produite par des formes de châtiment qui infligent une douleur physique ou une souffrance psychologique qui affectent la volonté du sujet, et dans notre expérience, tente délibérément d’affecter ses liens affectifs, ses loyautés et ses croyances."

Sans confondre les deux phénomènes différents que sont la torture et la violence domestique, nous verrons ici que les ressemblances sont marquantes et vont bien au-delà de la cruauté des mauvais traitements psychologiques ou de la brutalité des coups.

Méthodes

Tant sur le plan des méthodes que des résultats psychologiques obtenus sur les personnes qui en font l’objet, violence domestique et torture ont d’étonnants points communs. L’enfermement dans un espace clos et hors des règles sociales normales, dans un espace de non-droit, est une première méthode commune à la torture et à la violence domestique. Il s’agit souvent dans les deux cas de l’organisation d’un face à face dans un lieu d’où les cris sortent rarement - cellule ou intimité privée du foyer - ou s’ils sont entendus, ne sont pas écoutés. Les témoins disparaissent, se taisent ou ne peuvent pas intervenir, subissant la même menace. En effet, d’autres personnes détenues, également impuissantes, sont parfois prises à témoin de la torture, comme les enfants assistent souvent à la violence domestique en silence. Si dans beaucoup de cas de violence domestique, l’homme se contente de surveiller les allées et venues de la femme et de restreindre ses heures et lieux de sortie, il n’est pas exceptionnel que certains l’enferment à clé et lui ôtent papiers et argent, la plaçant dans une véritable situation de réclusion arbitraire (4). De même que dans la torture, certaines formes de violence domestique incluent à divers degrés le contrôle sur l’utilisation du temps, sur le sommeil et l’alimentation, voire la privation relative de ceux-ci. On retrouve ici ce dont parlent notammment les travaux de Colette Guillaumin sur l’appropriation du corps, du temps et de l’attention des femmes par les hommes - y compris dans les rapports de sexage ordinaires "sans violence" - ainsi que ceux de Nicole Claude Mathieu quand elle évoque les effets de l’épuisement sur la conscience des dominé-e-s (Guillaumin 1992, Mathieu 1985).

Quant à des techniques plus complexes, notamment de dépersonnalisation, elles sont parfois mises en œuvre dans la vie domestique comme sans y penser. Une femme interviewée par Mercedes Cañas raconte comment son mari la traite (Cañas 1989) : "[J’ai été maltraitée] plein de fois, beaucoup de fois. Bon, réellement physiquement, ça a été beaucoup de fois mais... C’est aussi, comment vous dire : comme ça, avec des mots. C’est-à-dire qu’il ne disait jamais mon nom, il ne disait que des grossièretés - je ne sais pas comment appeller ça."

Enfin, quand un mari tente de convaincre sa femme que personne ne l’aidera, que sa famille et les personnes sur qui elle pourrait compter ne peuvent rien, quand il intercepte son courrier et ses communications téléphoniques ou l’empêche de voir des personnes qui pourraient l’aider, on peut aisément comparer ces techniques de démoralisation et d’isolement à celles des tortionnaires. Aussi bien dans la torture politique que dans la violence domestique, la victime est placée dans une position d’isolement matériel, moral et social destinée à la fragiliser et à organiser son impuissance relative ou absolue face à qui la maltraite.

Concernant l’exercice de la violence purement physique, les points communs entre torture et violence semblent assez évidents. Malgré l’absence de chiffres ou de données systématiques, il faut souligner à quel point la violence domestique peut être brutale : les coups peuvent faire jaillir le sang, rompre les os, démettre les membres, voire causer la mort. Le refus d’accès aux soins, même quand ils sont manifestement nécessaires, se présente d’ailleurs aussi bien dans certains cas de violence domestique que dans la torture. Par ailleurs, certains récits de femmes enceintes torturées font état de coups dans le ventre ayant causé la perte de l’enfant, comme le témoignage emblématique de Domitila Chungarra, fameuse Indienne impliquée dans la lutte des femmes de mineurs en Bolivie (Viezzer, 1982). Or les travaux de Mercedes Cañas, dans le cas du Salvador, font apparaître que bien des cas d’avortements involontaires sont liés à la violence domestique, notamment en raison de la grande fréquence des coups portés au ventre et ce, malgré le respect social théoriquement accordé à la maternité et aux femmes enceintes (Cañas, 1989). Enfin, il est important de rappeler que dans les deux cas, des armes plus ou moins sophistiquées peuvent être brandies ou utilisées. Tous ces éléments sont présents dans un témoignage cité par Cañas (Cañas 1989) :

    "C’est un homme bien bête, névrosé. Il a tous les vices du monde, il a toujours les nerfs en boule. Quand il était énervé contre moi, il se défoulait sur les petits, il les frappait, et... pas des coups de pieds. Seulement une fois il a donné des coups de pieds à l’un. Mais [il les frappe] avec la ceinture ou avec le mètre avec lequel il travaille [il est tailleur]. C’était juste par colère. Une fois aussi, il était complètement saoul et il allait tuer le grand avec la serpe. Et une autre fois, il a failli me tuer. Il a toujours un couteau passé à la ceinture, un jour il s’était endormi et moi, pour être gentille, j’ai eu peur qu’il se tue et j’ai voulu le lui retirer. Il l’a senti et il a failli me tuer, directement. Physiquement, [il m’a frappée] plein de fois, j’ai même fini à l’hôpital à cause de lui. Une fois, cette joue, il me l’a démise d’un seul coup. J’ai été un mois sans pouvoir manger. Des coups de pieds, il me tire les cheveux, il me gifle tout le temps. La dernière fois qu’il m’a frappée - ça a été la dernière fois parce que cette fois-là j’ai commencé à ne pas aimer - j’ai passé un mois à l’hôpital. Il m’a frappée... mais comme on frappe un homme - sauf que seulement le corps, surtout le buste, le ventre, les jambes... Il m’a vraiment frappée fort, j’ai été à l’hôpital, je ne pouvais même plus respirer."

Dans la violence domestique comme dans la torture, la violence physique est intimement mêlée à des mauvais traitements psychologiques qui font appel à des techniques parfois très élaborées - même si, dans le cas de la violence domestique, elles semblent souvent utilisées inconsciemment. Déstabilisation par des torrents d’injures étourdissantes, cris et gestes brusques, menaces et simulacres de coups qui alternent avec des coups réels, gradation du harcèlement mais aussi imprévisibilité et toute-puissance de la personne qui maltraite, font partie du tout-venant de la violence domestique comme de la torture. Du côté de la torture, on trouve les simulacres d’exécution, assortis de grâce tout aussi arbitraire et provisoire. De l’autre, le témoignage de cette Salvadorienne, qui redoute toujours d’être assassinée en pleine rue par son compagnon persécuteur (Cañas 1989) : "[J’ai supporté parce que] j’ai peur de lui, qu’il aille me faire quelque chose dans la rue. Il est mauvais, capable de vous pousser pour que vous vous fassiez écraser ou un truc dans ce genre-là. Il est capable de simuler un accident."

Cette puissance, qui s’exerce matériellement, est également mise en scène et produite par le rapport social particulier qui s’établit entre les deux personnes : elle semble toute-puissance. C’est pourquoi elle est particulièrement déstabilisante et écrasante pour la personne maltraitée, au point que sa perception de la réalité peut en être fortement altérée. On peut mettre en parallèle le fait que telle femme battue pense que son mari/compagnon est en quelque sorte doué d’une force surhumaine ou d’une capacité de nuire qui rendent vaine toute tentative de se défendre, et le fait que dans le souvenir de certaines personnes torturées, le tortionnaire semble plus grand et même en quelque sorte plus beau qu’il ne l’est en réalité (5).

On l’a vu, l’exercice de la violence simultanément sur d’autres personnes pour faire augmenter la tension et transformer la victime en spectatrice impuissante, voire co-responsable de la violence exercée sur les autres, est employée par certains maris qui frappent à la fois la femme et les enfants, ou menacent de se venger sur ces derniers. De la même manière, certains tortionnaires n’hésitent pas à menacer de mort des tierces personnes chères à leur victime, notamment ses enfants ou ses parents, et à rendre responsable la victime de ce qui pourrait leur arriver.

La violence sexuelle est présente aussi bien dans la violence domestique que dans la torture. Soulignons que dans le cas de la torture, les mauvais traitements sexuels et le viol sont classiques mais cependant considérés comme relativement graves. Il ne s’agit pas tant d’un "à côté" divertissant pour les bourreaux ou de l’exercice d’un "droit" sur le butin de guerre que d’une composante à part entière de la torture, dont les effets spécifiques peuvent être utilisés à dessein, y compris de manière massive et systématique, comme l’a montré la guerre en ex-Yougoslavie. Notons que la transmission de maladies sexuelles, le fait de "salir" et parfois d’obliger à porter, puis à garder un enfant produit du viol, sont autant d’éléments supplémentaires possibles et particulièrement destructeurs de la torture sexuelle. Au sein des foyers salvadoriens, la violence sexuelle, le viol conjugal ou incestueux et les grossesses forcées, avec les traumatismes qui en résultent généralement, sont monnaie courante. Pourtant, tant que tout cela "reste en famille", cette violence passe en quelque sorte inaperçue, socialement anodine et anecdotique.

Un dernier parallèle particulièrement révélateur peut être établi avec une des techniques psychologiques de torture les plus courantes - réputée pour sa perversité et son efficacité -décrite par Elizabeth Lira et Eugenia Weinstein (Lira, Weinstein, 1990) :

    "la technique du tortionnaire bon, qui à la différence du reste de ses semblables qui maltraitent et humilient, se montre aimable, compatissant, paternel [...] L’extrême vulnérabilité du torturé le rend sensible aux démonstrations de protection et d’appui qui lui sont offertes, pouvant tomber dans une relation spéciale de dépendance envers le tortionnaire aimable. Il s’agit d’une forme de manipulation d’une cruauté raffinée pour pousser [...] la personne à être tentée de croire et à avoir confiance en l’un de ses propres bourreaux. Découvrir que pendant la torture on s’est senti dépendant de l’un des tortionnaires est une auto-révélation qui emplit la personne affectée d’angoisse, de culpabilité et d’agressivité."

Dans le cycle de la violence domestique, les deux rôles - bourreau et personne compréhensive - sont tenus par une seule personne : le compagnon. Combien de femmes ont l’impression de ne pas avoir le même homme devant elles dans les deux cas ? Si une femme garde souvent espoir que son tortionnaire domestique change, c’est que bien souvent il change en effet - par moments - pour redevenir le mari/compagnon aimant et tendre qu’elle apprécie. Il s’agit de l’essence même de la classique phase de "lune de miel" qui succède généralement aux crises de violence. D’ailleurs, il n’est pas rare que l’homme lui-même argue d’une espèce de "possession" schizophrénique à la Dr Jekyll et Mr Hyde, qui transforme l’homme civilisé qu’il est en victime d’une violence intérieure qui jaillit malgré lui. Cette espèce de double personnalité est renforcée - voire permise - par la séparation entre sphère privée et sphère publique : l’immense majorité des compagnons violents, des violeurs et des pères incestueux dans la sphère privée projettent à l’extérieur une image innocente de respectable travailleur, bon père et bon mari.

 Lire la 2e partie de cet article intitulée « La violence domestique comme torture : effets psychodynamiques de la violence »

Notes

1. La Coordinadora nacional de mujeres salvadoreñas (CONAMUS), apparue en 1986, est le premier groupe de femmes salvadorien encore existant à s’être revendiqué du féminisme. Sa première campagne de lutte contre la violence faite aux femmes était résumée dans le slogan : "La violence contre les femmes n’est pas naturelle. Dénonce-la".
2. Ignacio Martín Baró a payé ses réflexions de sa vie : il a été assassiné par l’armée salvadorienne en novembre 1989, ainsi que cinq autres professeurs de l’Université jésuite de la UCA et leurs deux femmes de ménage.
3. La violence contre les enfants en tant que tels n’entre pas dans notre cadre de réflexion. Bien entendu, la violence contre les femmes commence par une violence contre les fillettes, et il existe des liens profonds et complexes entre la violence domestique contre les femmes et la violence domestique contre les enfants. Cependant, chacune possède des spécificités et une analyse de la violence contre les enfants dépasse notre propos. On sait également que toutes les femmes ne vivent pas au sein de couples hétérosexuels. Même si la violence domestique est très majoritairement le fait d’hommes contre des femmes, il existe des violences de femmes envers des hommes ou envers d’autres femmes. Pour leur analyse, nous renvoyons aux - rares - travaux existants.
4. On verra à ce sujet d’impressionnants témoignages sur l’enfermement et la torture sexuelle, à la maison ou en prison, cités par Catharine MacKinnon (MacKinnon, 1994).
5. C’est ce qui apparaît notamment dans le témoignage de la Flaca Alejandra, une cadre du MIR chilien capturée, torturée et passée pendant de longues années du côté de la police politique, interviewée des années après les faits par une de ses anciennes compagnes de lutte qu’elle a dénoncée. On verra la vidéo de Carmen Castillo, Guy Girard, La Flaca Alejandra, Santiago de Chile-Paris, 1994. Documentaire de 59 minutes pour l’INA/FR3.

Références

BANDURA, Albert. (1975). Análisis del aprendizaje social de la agresión. In RIBES IÑESTA, Emilio ; BANDURA, Albert (compilateurs) (1975). Modificación de la conducta : análisis de la agresión y de la delincuencia. México : Trillas.
CAÑAS, Mercedes. (1989). Maltrato físico a la mujer salvadoreña. San Salvador : UCA (Tesis para la licenciatura en sociología).
DELPHY, Christine. (1995). "L’état d’exception : la dérogation au droit commun comme fondement de la sphère privée". Nouvelles Questions Féministes, Vol. 16, n° 4.
DELPHY, Christine. (1997).
DOBLES OROPEZA, Ignacio. (1990). « Apuntes sobre psicología de la tortura ». In MARTÍN BARÓ, Ignacio (compilateur) (1990), Psicología social de la guerra : trauma y terapia. San Salvador : UCA.
DIVERS AUTEURS. (1993). Afirmación y resistencia. El papel de la comunidad como apoyo. Barcelone : Virus.
EZEKIEL, Judith. (1996). "Anti-féminisme et anti-américanisme : un mariage politiquement réussi". Nouvelles Questions Féministes, Vol. 17, n°1.
GARAÍZABAL, Cristina ; VÁSQUEZ Norma. (1994). El dolor invisible de la guerra, Una experiencia de grupos de auto-apoyo con mujeres salvadoreñas. Madrid : Talasa, Hablan las mujeres.
GUILLAUMIN, Colette. (1992). « Pratique du pouvoir et idée de nature ». In GUILLAUMIN, Colette. Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de Nature. Paris : Côté-femmes.
LIRA, Elizabeth ; WEINSTEIN, Eugenia. (1990). « La tortura. Conceptualización psicológica y proceso terapéutico ». In MARTÍN BARÓ, Ignacio (compilateur). Psicología social de la guerra : trauma y terapia. San Salvador : UCA.
MACKINNON, Catharine. (1994). « A propos de la torture ». Projets féministes (Droit, culture et pouvoir), n°3, octobre 1994.
MARTÍN BARÓ, Ignacio. (1983). Acción e ideología : psicología social desde centroamérica. San Salvador : UCA, San Salvador.
MARTÍN BARÓ, Ignacio (compilateur). (1990). Psicología social de la guerra : trauma y terapia. San Salvador : UCA.
MATHIEU, Nicole Claude. (1985). « De la conscience dominée ». MATHIEU Nicole Claude (Textes réunis par). L’arraisonnement des femmes. Essais en anthropologie des sexes. Paris : EHESS.
MAUGIN PELLAUMAIL, Marcelle (1979). Le masochisme dit féminin. Paris : Stanké.
NOIZET, Pascale. (1996). L’idée moderne d’amour. Entre sexe et genre : vers une théorie du sexologème. Paris : Kimé.
SECRETARÍA NACIONAL DE LA FAMILIA. (1992). Adolecencia. San Salvador : Unidad de Asistencia al Adolescente de la SNF, OPS, UNICEF.
VIEZZER, Moema. (1982). Domitila : si on me donne la parole. La vie d’une femme de la mine bolivienne. Paris : Maspéro.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 1er décembre 2005.

Les trois parties de cette étude :

 La première partie de ce texte intitulée « La violence domestique comme torture : une guerre de basse intensité contre les femmes ? »
 La deuxième partie intitulée « La violence domestique comme torture : effets psychodynamiques de la violence »
 La troisième partie intitulée « Logiques sociales de la violence domestique et de la torture »



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Jules Falquet, sociologue



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  • réponse
    (1/1) 28 juin 2006 , par





  • réponse
    28 juin 2006 , par   [retour au début des forums]

    bonjour,
    parallèle intéressant, quelques points de détails.
    1) ne serait-il pas possible d’analyser les situations de violence sexiste sans reproduire (longuement) des témoignages détaillés : l’effet de répétition et de voyeurisme n’est pas négligeable quand on pense qu’il suffirait de lister les processus types de violence.
    2)l’insistance sur les violences sexuelles biaise la compréhension de l’atteinte réelle que constituent ces violences : qu’il s’agisse de sexisme ne signifie pas que la violence atteint la sexualité ou la femme dans son sexe. Il s’agit d’anéantissement subjectif avant tout et la voie sexuelle n’est que le moyen technique de ce fait unique de torture. En effet, la référence itérative à la sexualité dans l’analogie à la torture efface cette dimension (qui est relégué en dernière analyse de la dynamique tortionnaire sous le terme de sphère existentielle) et laisse l’impression que c’est la sexualité comme telle qui peut être l’élément de la domination et de violence(naturalisation du viol comme physiquement traumatisant). Or le crime dont il est question dans le viol et dans la violence conjugal est l’annulation de l’autre comme sujet (il ne s’agit pas de sexualité ni de désir sexuel), sa négation totale, sa chosification (comme les nazis l’ont fait des juifs) sa réduction au silence. Comme la torture politique ne sert pas à faire parler (mais à faire taire), le viol conjugal n’est pas une pratique érotique mais bien l’exercice d’un pouvoir de vie et de mort.
    3)Cette sexualisation de votre question rejoint malheureusement l’analyse des auteures (Lira et Weinstein)que vous citez ; et pour cause elles sont psy et je parierais même qu’elles sont psychanalystes. Leur usage du mot fantasme est problématique s’il n’est pas franchement idéologique ( on sait que les psychanalystes [premiers à dire que les femmes sont masochistes] reversent toute question politique sur leur notion d’inconscient et toute notion de traumatisme sur la notion de réalité psychique et de fantasme). Les auteures ne précisent pas de qui sont les fantasmes quand elles amalgament selon une rhétorique obscure rélité traumatique et fantasme : "les fantasmes conscients ou inconscients les plus atroces ou pervers sont devenus [...] possibles". Par mesure d’infalsifiabilité, elles soulignent toujours que le vécu (fantasme, excitation sexuelle lors des tortures) peut être "inconscient", ce qui techniquement veut dire que personne à part un analyste ne pourra le certifier mais que ça existe bel et bien et que là pourrait gésir un ressort essentiel du "traumatisme" (vieille idée de la participation de la victime, systématique chez les psy). Autres propos : "...abus sexuel et viol, phénomènes qui très souvent font partie des fantasmes féminins associés à la torture..." . Est-ce une omission de votre part ou une élision fortuite de la part des auteures que l’absence d’analyse de ces dits fantasmes ? Comment comprendre leur adjectif en ce cas sinon comme une dépolitisation grave de ce processus majeur de l’aliénation qu’est la constitution du désir et du rapport à autrui par le discours social que les psychanalystes analysent comme interne, immanent ou d’une transcendance atemporelle ? Même doute à propos du viol conjugal qui déclencherait "un ensemble de fantasmes liés à l’expérience traumatique" qui modifierait le désir jusqu’à substituer au fantasme de plaisir des émotions douloureuses. Il ne peut y avoir substitution de fantasme par des émotions, ce n’est pas le même registre : d’un côté il est fait référence au désir, de l’autre, à un vécu, dont il n’est pas déterminable s’il est désiré ou non. Tout cela pour laisser dans l’ambiguité le fait que les victimes pourraient éventuellement se forger des fantasmes de viol et s’en faire un désir. Il est dommage d’utiliser le mot fantasme comme un mot valise. Il serait plus juste de dire que les victimes envisagent la relation sexuelle comme un viol (sans préjuger de ce qui les ferait désirer ou jouir) et que par ailleurs elles souffrent de réminiscences (ce qui n’est pas du tout du fantasme mais qui en a la structure). Ces deux confusion que cache l’emploi du mot "fantasme" permet d’escamoter le fait qu’il est des situations inouïes qui dépassent l’entendement d’une personne, et qui ne relèvent pas d’une reprise de la vie intérieure : bref qu’il y a authentique traumatisme exogène et que ce n’est pas une affaire de psychologue mais de juges.
    4)Merci de dire que la passivité des femmes dans ces situations n’est pas une participation masochiste. Vous suggérez que ce soit une "technique de défense". Ce qui entérine le fait qu’elles soient passives. Elles ne le sont pas. Elles sont physiquement d’abord sous emprise : nulle part où aller, personne qui puisse aider. Puis sous emprise psychique. Il ne vient à l’idée de personne de jauger la passivité ou l’activité d’une victime de crime ou de projet d’extermination, ce que l’on ne se prive jamais de faire pour les affaires de viol ou de violence conjugale.
    5)Votre référence à NCMathieu ou à Guillaumin restreint par glissement sémantique à l’usage de la violence les concepts qu’elles ont élaborés. Il n’y a pas besoin de violence domestique pour contrôler les individualités des femmes, leur temps, leur force de production ; il n’y a pas appropriation du corps des femmes quand un homme cadenace sa femme chez lui. Ce ne sont pas les exemples que donnent les auteures, et pour cause : l’usage de la force n’en est que l’épiphénomène. De même pour l’épuisement de la conscience des dominées qui n’est pas l’épuisement physique d’avoir trop encaissé, il y a glissement sémantique. La violence domestique ne condense pas le rapport de sexage ; il en est l’exacerbation mais aussi le ratage : une exploitation qui marche est invisible, productive et légale. La violence conjugale condense la question du privé dans le droit commun, oui, mais pas tellement le reste, à moins de réduire tout le système de sexage à 1)une violence 2)conjugale 3)sexuelle 4)un rapport psychologique . La violence conjugale ne relève pas de la sphère privée et le recours à des psy et au psychologisme pour décrire ce fait politique peut préter à une certaine dépolitisation. Je pense que c’est le biais de votre texte.
    au revoir, annie.


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