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lundi 26 décembre 2005 Doit-on éliminer la prostitution du Code criminel canadien ? Un enjeu de société à soulever dans le cadre des élections fédérales 2006
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Argumentaire préparé par la CLES, Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle
Rappel du cadre juridique canadien Rappelons que la prostitution n’a jamais été considérée comme un acte criminel au Canada. Le Code criminel n’interdit pas le fait de se livrer à la prostitution, mais interdit plusieurs de ses manifestations, notamment le fait de tenir ou de fréquenter une « maison de débauche » (art. 210), le transport vers un tel lieu (art. 211), le fait d’inciter une personne à la prostitution ou de vivre des produits de la prostitution d’une autre personne (art. 212), et la communication à des fins de prostitution dans un lieu public (défini comme tout espace auquel le public a accès) (art. 213). De plus, certains règlements municipaux visent à freiner ce qui est considéré comme de la « nuisance publique » liée au racolage dans la rue. Les arguments en faveur de la légalisation ou de la décriminalisation ne tiennent pas la route à la lumière des faits. Dans les pays ayant opté pour une forme ou une autre de légalisation, tous les effets négatifs de la prostitution ont été intensifiés suite à l’adoption de législations permissives (voir en annexe des exemples d’impacts de la légalisation). Les principaux enjeux de la décriminalisation 1e Enjeu : Feu vert à la création de ’red light’ Nous savons que certaines villes canadiennes et québécoises ont sur leur planche de travail la création de ’red light’ pour contrôler la prostitution de rue qui est celle qui dérange le plus. Cela évite les problèmes de soulèvement des populations locales et pourrait rapporter gros aux budgets municipaux. Les proxénètes de leur côté se réjouissent ouvertement de la perspective d’avoir un vide juridique pour ouvrir d’autres salons de massage, services d’escortes, etc. sans être embêtés par la loi. Ils considèrent déjà être dans leur droit de répondre à la demande. Les provinces, les municipalités n’auraient à ce moment aucun moyen de refuser la création de ’red light’ ou de criminaliser les proxénètes et les clients. 2e Enjeu : L’intensification de l’exploitation, de la violence et des abus De nombreuses études montrent que la légalisation ou la décriminalisation ne suffisent pas à éliminer la violence et les abus de toutes sortes associés à la prostitution, comme on peut le voir en annexe dans les exemples tirés de l’Allemagne et des Pays-Bas, qui ont légalisé la prostitution depuis plus d’une dizaine d’années . Elles démontrent aussi les impacts négatifs de la prostitution à long terme sur la santé physique, psychologique et affective des personnes prostituées, même en l’absence de coercition. Ces dernières souffrent fréquemment de symptômes post-traumatiques, similaires à ceux des personnes ayant subi des traumatismes sévères liés à la guerre, aux viols, et autres abus sérieux. Le fait est que la prostitution n’est ni un travail ni un commerce comme un autre. C’est une forme d’exploitation totalement inacceptable de nos jours, et celle-ci n’a rien d’inévitable. Il nous faut donc réfléchir sérieusement au modèle de société que nous voulons bâtir pour l’avenir, et aux conséquences à long terme de l’expansion massive de « l’industrie du sexe » qui profite de la mondialisation pour étendre son commerce. La légalisation ou la décriminalisation lui laisserait le champ libre pour diversifier et intensifier davantage l’exploitation sexuelle en recrutant de plus en plus de jeunes et de mineurs, parmi les populations les plus vulnérables, pour répondre aux besoins insatiables du marché. 3e Enjeu : L’expansion massive du trafic sexuel Un des liens pourtant évident que les partisans de la décriminalisation refusent de voir, c’est l’expansion massive du trafic sexuel qui sert à alimenter la prostitution et le marché du sexe. Les Nations Unies estiment que près de quatre millions de personnes, surtout des femmes et des fillettes (99%), sont victimes de la traite dans le monde tous les ans. La grande majorité des personnes faisant l’objet de ce trafic (90%) sont destinées à l’exploitation sexuelle, incluant la pornographie, la prostitution et l’esclavage sexuel. Les pays ayant opté pour la légalisation de la prostitution font face à une expansion massive du trafic sexuel, qui dépasse de loin le trafic dans les pays voisins, ayant une politique moins permissive. Une chose est claire, sans le laxisme généralisé entourant la prostitution et le commerce du sexe, le trafic des êtres humains n’aurait jamais atteint les proportions vertigineuses actuelles. Et sans la demande croissante des clients-prostitueurs, sans cesse nourris par la pornographie et la banalisation de la prostitution, il n’y aurait pas lieu de prostituer des millions de femmes et d’enfants dans le monde. Par conséquent, il est totalement incohérent et inefficace de prétendre lutter contre le trafic sexuel tout en voulant légitimer la prostitution, considérant qu’il s’agit d’un « travail » légitime. Or le Canada, qui n’échappe pas au phénomène du trafic sexuel, vient d’adopter la loi (C-49) modifiant le Code criminel afin de réprimer plus sévèrement la traite des personnes. Cependant, cette loi ne garantit pas la protection adéquate des victimes de la traite, trop souvent confondues avec l’immigration illégale et expulsées du Canada. 4e Enjeu : Impacts sur les rapports hommes-femmes et sur les valeurs d’égalité des sexes Plusieurs études révèlent que la banalisation de la prostitution a pour effet de libérer les hommes de la nécessité de développer des rapports plus respectueux et plus égalitaires avec les femmes. En effet, ce qui attire le client dans la prostitution, c’est moins le sexe que le sentiment de pouvoir que lui procure une relation forcément inégalitaire, axée sur l’échange d’argent pour du sexe, sans égard au désir de l’autre, qui ne fait nullement partie du contrat. Ainsi, lorsque les femmes refusent d’entrer dans les fantasmes de domination des hommes et exigent le respect de leur intégrité et de leurs propres désirs, certains hommes se tournent vers des enfants ou des personnes prostituées, qui n’auront pas le choix de refuser des actes qui leur portent préjudice. Par conséquent, légitimer la prostitution constituerait un recul pour nos valeurs d’égalité et de respect des droits humains. Les alternatives proposées par la CLES Il n’y a aucune raison de tolérer le statu quo, incluant la répression des personnes prostituées, le mépris et la violence à leur endroit. Ces dernières méritent certainement mieux que la répression policière ou l’assignation à des espaces réservés à leur exploitation en toute impunité. À l’instar de la Suède, qui a adopté en 1999 une loi visant à lutter contre la prostitution mais non contre les prostituées, les membres de la CLES préconisent l’adoption d’une vision politique globale et cohérente, ancrée dans nos valeurs d’égalité des sexes, qui viserait à lutter efficacement contre toutes les formes d’exploitation sexuelle, sans pour autant victimiser les personnes prostituées. Pour cela, il faudrait tout d’abord : Cesser de considérer les personnes prostituées comme des criminelles qu’il faut réprimer. Pour cela, nul besoin de légitimer la prostitution en décriminalisant les proxénètes, les trafiquants et les clients. Il faut bien distinguer entre la décriminalisation des actes des personnes prostituées elles-mêmes et la légalisation du système prostitutionnel qui les exploite. Cesser de croire dans une pensée magique voulant que la légalisation ou la décriminalisation permettront d’éliminer la stigmatisation et les violences multiples associés à la prostitution. Si on veut assurer la sécurité et la santé des personnes prostituées, il ne suffit pas de les renommer « travailleuses du sexe » ni de leur distribuer des condoms et des seringues propres pour soulager notre conscience. La légalisation ne répond en rien aux difficultés réelles que vivent les femmes dans la prostitution. De plus, elle ouvre la porte au trafic sexuel et à l’exploitation accrue des jeunes et des mineurs. – Il est donc urgent d’adopter des mesures concrètes de prévention et de protection à l’égard des personnes prostituées. La police doit les prendre au sérieux lorsqu’elles sont menacées ou victimes d’abus. Elle doit cesser de les harceler et leur offrir toute la protection à laquelle elles ont droit, comme tout citoyen en danger.
10 Questions pertinentes à poser aux candidats 1. Quelle position votre parti défendra-t-il en Chambre face à une résolution allant dans le sens de la légalisation ou de la décriminalisation totale de la prostitution (c’est-à-dire l’élimination pure et simple des articles 210 à 213 relatifs à la prostitution dans le Code criminel), proposée comme solution aux problèmes liés à la prostitution ? Quelle serait votre position personnelle à ce sujet ? ANNEXE Exemples des effets de la légalisation Rappelons que jusqu’ici, aucun pays au monde n’a totalement décriminalisé la prostitution, pas même les Pays-Bas qui sont allés le plus loin dans la libéralisation de la prostitution, tout en la soumettant à certaines règles restrictives. Les principaux arguments en faveur de la légalisation ou décriminalisation peuvent être résumés ainsi : 1. La prostitution, considérée comme « le plus vieux métier du monde », est inévitable, et donc mieux vaut la reconnaître au grand jour pour la sortir de la clandestinité et la soustraire au contrôle des groupes mafieux. SAVIEZ-VOUS QUE... Le cas de l’Australie – En Australie, dans l’État de Victoria qui a opté pour la légalisation en 1984, le nombre de bordels licenciés a plus que doublé en 5 ans, sans compter les agences d’escorte et autres établissements de sexe, alors que le nombre de bordels illégaux a triplé pendant la même période (entre 1989 et 1994). Ainsi, en dépit de la légalisation, le secteur illégal côtoie et dépasse en volume le secteur légal de la prostitution.
Le cas des Pays-Bas – Aux Pays-Bas, qui ont adopté en octobre 1999 une loi des plus libérales en matière de prostitution, les personnes prostituées sont dorénavant considérées comme des salariées ou des travailleuses autonomes, bénéficiant des mêmes droits et des mêmes obligations que d’autres professionnelles. Pour bénéficier des avantages sociaux, elles doivent s’enregistrer auprès des autorités et payer des impôts sur leurs revenus. Cependant, à ce jour, à peine 4% des prostituées hollandaises ont accepté de s’enregistrer. Les autres sont donc toujours considérées illégales et demeurent dans la clandestinité.
Notes 1. La déclaration de la CLES est disponible sur le site Sisyphe : rubrique CLES. – Pour trouver les coordonnées de votre député-e, téléchargez ce document en cliquant sur l’icône ci-dessous : – Cliquez sur le document en PDF ci-dessous pour télécharger une carte postale à adresser à votre député-e. – Voir dans la colonne de gauche de cette page des exemples de lettre et les autres documents de la rubrique de la CLES. Mis en ligne sur Sisyphe, le 22 décembre 2005. |