|
vendredi 16 février 2007 Les présidentielles et Ségolène Royal Les enfants d’Athéna
|
DANS LA MEME RUBRIQUE Loi travail en France : les droits des femmes passent (aussi) à la trappe Assemblée Nationale - Le Laboratoire de l’Égalité réjoui du nombre de femmes élues et attentif à l’attribution des présidences de commissions Égalité - À quand une Europe garantie sans conservateurs ? IVG - La police sarkosyste au service de l’extrême-droite contre les droits des femmes Un homme qui opprime une femme ne saurait être libre Charte de la laïcité dans les services publics en France (avril 2007) L’égalité hommes-femmes selon la Halde La langue française est en crise en France, M. le Président Sarkozy La séparation des filles et garçons à l’école de nouveau possible en France Ecole : la mixité en danger France - Manifeste pour une politique cohérente et durable d’égalité entre les femmes et les hommes Halte aux enfermements sexistes des femmes en France ! Politique en France - Oui à la rupture ! Post-présidentielle en France - Appel à la vigilance pour les législatives Le choc Sarkozy La France élit une présidente ou un président dimanche Présidentielle - Prises de position d’associations féministes La France élit une présidente ou un président dimanche Présidentielle française - La condescendance ou liberté, égalité, fraternité Présidentielle française - Pour la première fois, une femme Dossier de Sisyphe.org - Cliquez ici Ségolène Royal, une femme de cœur et de pouvoir Ségolène Royal - Têtue comme elle est, elle tiendra ses promesses 100 femmes jugent Ségolène Pour le moment, Ségolène Royal ne me convainc pas Elle fera quoi, Ségolène, pour des gens comme moi ? Faut-il bâillonner la "gauche de la gauche" ? Lettre aux présidentiables de 2007 Sexe faible s’abstenir La France se prononce dimanche sur le projet de constitution européenne |
La Reine a fait faire un bouquet de belles fleurs de Lyses Et la senteur de ce bouquet a fait mourir la Marquise » Le « Phénomène Ségolène » suscite une multitude d’interventions en forme de réaction, de comment-taire ou encore de fleurs empoisonnées offertes à la favorite par l’épouse légitime du Roi. Qui est le Roi ? Comme chacun sait, son corps est incertain : ici celui de la République, Marianne. Chacun et chacune y va donc d’une interprétation justifiant le parti-pris : pour ou contre. – On trouve d’abord les argumentaires grossièrement « machistes » dont les hommes n’ont pas le monopole. La féminité et l’énumération de ses propriétés bien connues : incompétence, bêtise, naïveté de Bécassine, coquetterie du sourire et des escarpins. S’est-on un instant posé question au sujet de la mascarade de la masculinité ? le look viril, énergique, tranchant et souverain par nature ? Louis XIV lança la mode des talons pour mettre en valeur sa jambe et rehausser sa taille : plumes de la phallocratie. – Viennent ensuite les « sages », psychanalystes entre autres. Sur un ton fondamentaliste Charles Melman (Le Monde8 Décembre 2006) déplore le « déclin de la figure paternelle » à la manière de Frédéric Le Play qui en appelait au Décalogue face à la décadence des moeurs, dans les années 1860. Mais il regrette aussi la désinvolture de Ségolène à l’égard des « représentants » respectables de l’opinion publique. « Les députés du peuple ne sont et ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires » (« Le Contrat social » Livre III ch. 15). J.J. Rousseau anticipait la tentation des professionnels de la politique à pantoufler dans leur charge ; de cette tentation il avait d’ailleurs exempté les femmes : Sophie, préposée aux soins et au bien-être de son époux citoyen, Emile. La « démocratie participative », les Jurys citoyens », qui pourraient remplacer les « corps intermédiaires », savants ou élus, déclenchent un cauchemar totalitaire. Les « Autorités sociales » seraient-elles susceptibles d’examen ? À l’homme aux ciseaux de Pierre l’ébouriffé se substituerait la « mère sévère », le « crocodile ». Un Fürher reste préférable à une Tsarine, dans le style de Catherine II ou d’une Reine, dans le style de Christine de Suède. Plus près de nous, dans le fonctionnement effectif des élections « démocratiques », il convient de se reporter au bilan des effets de la Loi sur la Parité, dans les « corps intermédiaires », les Partis. Car de la souveraineté de leur fonction , trop souvent confondue avec leur organe, les « élus » sont jaloux. – Se répand enfin, insidieusement, le venin, innocemment injecté dans la pomme offerte à Blanche-Neige : celui des marâtres, des Mères privées de trône. Antoinette Fouque, dans un éloge immodéré, crédite Ségolène Royal « des vertus de la République et des vertus théologales » (Marianne, 2/8 Décembre 2006). Marie, Mère du Christ et de la République, priez pour nous. Et il ne faut pas confondre les propos de la femme du Chef sur le « couple procréatif » (Sylvianne Agazinscki , Politique des sexes) désormais agrémentés de quelques colifichets fleurant bon la pédantocratie. La Politique s’est transmuée en Métaphysique des sexes.(« Masculin/Féminin aux sources du christianisme ») avec ceux de la candidate. Ce n’est ni en Mère de la Nation, ni en Marianne que se présente Ségolène Royal ; tout simplement en citoyenne, responsable de choix politiques internationaux et intérieurs, avec, sans doute un souci, une vision des « Marginales », comme disait Virginia Woolf. Cette marginalité, à entendre au sens fort – délivre des « loyautés artificielles » : Ségolène n’a pas demandé de permission ou d’adoubement aux « corps intermédiaires », aux Eléphants du PS, qui ne se privent pas de faire des crocs en jambe.
Elle passe par la tradition d’ancêtres célèbres : Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt ; on leur a coupé la tête, avec la guillotine ou l’asile psychiatrique. Elle passe encore par les déclarations des féministes radicales les plus rigoureuses : « Pour améliorer leur condition, ces individus qu’on définit aujourd’hui comme femmes doivent détruire la définition de leur être ». (Ti-Grâce Atkinson « Déclaration de guerre », Avril 1969). Mais il est, espérons-le, possible désormais de la tenir. Pour « qualifier » cette position, il faut d’abord l’émanciper des définitions portées du « féminin » : douceur maternelle, idiotie, incompétence et incapacité inscrites dans le Droit aux chapitres de la minorité juridique dont se déduit « naturellement » la minorité politique. La position ne peut être réduite aux qualités disqualifiées du « féminin ». L’hagiographie du maternel et des vertus féminines spécifiques, que Georges Simmel appelait au secours de la civilisation en perdition, consonne avec la vindicte patriarcale et maintenant phallocratique : duo archaïque. Elle a aujourd’hui une chance, qui n’est pas une chance, d’être tenue. Pas une chance ou un hasard, mais le « produit » de l’histoire et des quêtes répétées, par les femmes, du droit de parole et de cité. Reste que Ségolène Royal l’a fait, peut-être à l’aveuglette. C’est une surprise pas divine du tout. Ce « Faire » la situe dans la position improbable où elle s’échappe d’un imaginaire sur lequel tous conspirent à la réduire par un « acte » qui prend tout Le Mondeau dépourvu. Elle a fait plus en six mois que les Dames qui négocient éternellement et agréablement avec les Messieurs, au nom de l’universel, du ventre et de la galanterie. (Je passe sur le libertinage, spécialité française) Il s’agit de rien moins que retresser les lois, couper le nœud gordien qui attache les femmes à leur lit, mettre un point final à l’erreur fondatrice des « politiques », tant d’Occident que d’Orient, dont sourdent tous les malentendus bien connus. Dire que ces malentendus relèvent du politique signifie d’un même mouvement que le « politique » ne se limite pas à un territoire bien gardé (les custodes ou les opritchniks) par les hommes, et que les mésententes, souvent violentes et mêmes mortelles, sont aussi peu « essentielles » que les fantasmes. Comment définir cette position, pour qu’elle soit susceptible de « qualification » dans le sport politicien ? le Décathlon présidentiel, course de fond, d’obstacles, sprint, lancer du javelot... et du marteau. Ségolène a passé victorieusement quelques épreuves préliminaires : elle est qualifiée. Certains et certaines contestent la qualification. Andreia : vertu virile, courage, virtù, comme disait Machiavel ? Simplement : détermination active, inventive, du point de la marginalité contrainte ; « exclusion incluse », disait Nicole Loraux, marginales qui ont « pensé en remuant les casseroles et secouant les berceaux », disait Virginia Woolf. Nul n’est autorisé à préjuger des actes qui peuvent s’ensuivre : irréductibles à de commodes stéréotypes. Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 février 2007 + – 100 femmes jugent Ségolène, Le Nouvel Observateur, semaine du jeudi 8 février 2007.
|