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vendredi 16 février 2007


Les présidentielles et Ségolène Royal
Les enfants d’Athéna

par Françoise Duroux, Université de Paris VIII






Écrits d'Élaine Audet



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    « Le Roi a fait battre tambour pour voir toutes ses dames....
    La Reine a fait faire un bouquet de belles fleurs de Lyses
    Et la senteur de ce bouquet a fait mourir la Marquise »

Le « Phénomène Ségolène » suscite une multitude d’interventions en forme de réaction, de comment-taire ou encore de fleurs empoisonnées offertes à la favorite par l’épouse légitime du Roi.

Qui est le Roi ? Comme chacun sait, son corps est incertain : ici celui de la République, Marianne. Chacun et chacune y va donc d’une interprétation justifiant le parti-pris : pour ou contre.

 On trouve d’abord les argumentaires grossièrement « machistes » dont les hommes n’ont pas le monopole.

La féminité et l’énumération de ses propriétés bien connues : incompétence, bêtise, naïveté de Bécassine, coquetterie du sourire et des escarpins. S’est-on un instant posé question au sujet de la mascarade de la masculinité ? le look viril, énergique, tranchant et souverain par nature ?

Louis XIV lança la mode des talons pour mettre en valeur sa jambe et rehausser sa taille : plumes de la phallocratie.

 Viennent ensuite les « sages », psychanalystes entre autres.

Sur un ton fondamentaliste Charles Melman (Le Monde8 Décembre 2006) déplore le « déclin de la figure paternelle » à la manière de Frédéric Le Play qui en appelait au Décalogue face à la décadence des moeurs, dans les années 1860.

Mais il regrette aussi la désinvolture de Ségolène à l’égard des « représentants » respectables de l’opinion publique.
Car - n’est-ce pas - le peuple est émotif, exposé à toutes les séductions. Il convient donc que s’interposent des experts raisonnables.

« Les députés du peuple ne sont et ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires » (« Le Contrat social » Livre III ch. 15). J.J. Rousseau anticipait la tentation des professionnels de la politique à pantoufler dans leur charge ; de cette tentation il avait d’ailleurs exempté les femmes : Sophie, préposée aux soins et au bien-être de son époux citoyen, Emile.

La « démocratie participative », les Jurys citoyens », qui pourraient remplacer les « corps intermédiaires », savants ou élus, déclenchent un cauchemar totalitaire.

Les « Autorités sociales » seraient-elles susceptibles d’examen ?

À l’homme aux ciseaux de Pierre l’ébouriffé se substituerait la « mère sévère », le « crocodile ». Un Fürher reste préférable à une Tsarine, dans le style de Catherine II ou d’une Reine, dans le style de Christine de Suède.

Plus près de nous, dans le fonctionnement effectif des élections « démocratiques », il convient de se reporter au bilan des effets de la Loi sur la Parité, dans les « corps intermédiaires », les Partis. Car de la souveraineté de leur fonction , trop souvent confondue avec leur organe, les « élus » sont jaloux.

 Se répand enfin, insidieusement, le venin, innocemment injecté dans la pomme offerte à Blanche-Neige : celui des marâtres, des Mères privées de trône.

Antoinette Fouque, dans un éloge immodéré, crédite Ségolène Royal « des vertus de la République et des vertus théologales » (Marianne, 2/8 Décembre 2006). Marie, Mère du Christ et de la République, priez pour nous.
« La Nature est appelée au secours », comme disait Virginia Woolf. Mais dans quel dessein ? L’« essentialisme » est un cadeau enrobé de sirop sucré et de fiel.

Et il ne faut pas confondre les propos de la femme du Chef sur le « couple procréatif » (Sylvianne Agazinscki , Politique des sexes) désormais agrémentés de quelques colifichets fleurant bon la pédantocratie. La Politique s’est transmuée en Métaphysique des sexes.(« Masculin/Féminin aux sources du christianisme ») avec ceux de la candidate.

Ce n’est ni en Mère de la Nation, ni en Marianne que se présente Ségolène Royal ; tout simplement en citoyenne, responsable de choix politiques internationaux et intérieurs, avec, sans doute un souci, une vision des « Marginales », comme disait Virginia Woolf.

Cette marginalité, à entendre au sens fort

 délivre des « loyautés artificielles » : Ségolène n’a pas demandé de permission ou d’adoubement aux « corps intermédiaires », aux Eléphants du PS, qui ne se privent pas de faire des crocs en jambe.
 Elle autorise une position surprenante, que Virginia appelait depuis la sienne, en 1939 : la situation d’impuissance où se trouvait « l’espèce des femmes », ainsi nommée depuis Hésiode pour « éviter la guerre » autrement qu’en interposant leurs corps de Mères entre les combattants.
 La position de Ségolène Royal hérite de ces réclamations d’un dû (Claim), d’Antigone et Lysistrata, des desesperadas du terrorisme allemand (Ulrike Meinhoff) perdues dans un androgynat sans repères : folles, monstrueuses, comme disait Créon.

Elle passe par la tradition d’ancêtres célèbres : Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt ; on leur a coupé la tête, avec la guillotine ou l’asile psychiatrique.

Elle passe encore par les déclarations des féministes radicales les plus rigoureuses : « Pour améliorer leur condition, ces individus qu’on définit aujourd’hui comme femmes doivent détruire la définition de leur être ». (Ti-Grâce Atkinson « Déclaration de guerre », Avril 1969). Mais il est, espérons-le, possible désormais de la tenir.

Pour « qualifier » cette position, il faut d’abord l’émanciper des définitions portées du « féminin » : douceur maternelle, idiotie, incompétence et incapacité inscrites dans le Droit aux chapitres de la minorité juridique dont se déduit « naturellement » la minorité politique.

La position ne peut être réduite aux qualités disqualifiées du « féminin ».

L’hagiographie du maternel et des vertus féminines spécifiques, que Georges Simmel appelait au secours de la civilisation en perdition, consonne avec la vindicte patriarcale et maintenant phallocratique : duo archaïque.

Elle a aujourd’hui une chance, qui n’est pas une chance, d’être tenue. Pas une chance ou un hasard, mais le « produit » de l’histoire et des quêtes répétées, par les femmes, du droit de parole et de cité.

Reste que Ségolène Royal l’a fait, peut-être à l’aveuglette.

C’est une surprise pas divine du tout.

Ce « Faire » la situe dans la position improbable où elle s’échappe d’un imaginaire sur lequel tous conspirent à la réduire par un « acte » qui prend tout Le Mondeau dépourvu. Elle a fait plus en six mois que les Dames qui négocient éternellement et agréablement avec les Messieurs, au nom de l’universel, du ventre et de la galanterie. (Je passe sur le libertinage, spécialité française)
Il n’est plus criminel, mais demeure périlleux, comme celui du funambule qui marche sur deux fils : le politique bien tendu, le partage des sexes effiloché à force de se frotter aux classes, aux races et à ses assignations tutélaires.

Il s’agit de rien moins que retresser les lois, couper le nœud gordien qui attache les femmes à leur lit, mettre un point final à l’erreur fondatrice des « politiques », tant d’Occident que d’Orient, dont sourdent tous les malentendus bien connus.

Dire que ces malentendus relèvent du politique signifie d’un même mouvement que le « politique » ne se limite pas à un territoire bien gardé (les custodes ou les opritchniks) par les hommes, et que les mésententes, souvent violentes et mêmes mortelles, sont aussi peu « essentielles » que les fantasmes.

Comment définir cette position, pour qu’elle soit susceptible de « qualification » dans le sport politicien ? le Décathlon présidentiel, course de fond, d’obstacles, sprint, lancer du javelot... et du marteau.

Ségolène a passé victorieusement quelques épreuves préliminaires : elle est qualifiée.

Certains et certaines contestent la qualification.
Avec Françoise Héritier (Le Monde, Supplément 3 Févier 2007) et avec Nicole Loraux (trop tôt disparue et à qui j’emprunte le titre de ce texte), je tiens à dire que cette « position », sa qualification est celle de l’« andreia » des femmes, que ridiculisait Aristophane avec les armes de l’obscénité.

Andreia : vertu virile, courage, virtù, comme disait Machiavel ?

Simplement : détermination active, inventive, du point de la marginalité contrainte ; « exclusion incluse », disait Nicole Loraux, marginales qui ont « pensé en remuant les casseroles et secouant les berceaux », disait Virginia Woolf. Nul n’est autorisé à préjuger des actes qui peuvent s’ensuivre : irréductibles à de commodes stéréotypes.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 février 2007

+

 100 femmes jugent Ségolène, Le Nouvel Observateur, semaine du jeudi 8 février 2007.
 Les neuf chapitres du programme décryptés, par L’Humanité, le 13 février 2007.



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Françoise Duroux, Université de Paris VIII

L’auteure est maître de conférences et responsable, à l’Université de Paris VIII, d’un Master "Genre(s), pensées de la différence, rapports de sexes", et elle dirige depuis longtemps des doctorats en "Etudes féminines". Elle est l’auteure d’Antigone, encore : les femmes et la loi , Ed. Côté femmes, 1993.



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  • Cristalllisation
    (1/1) 17 février 2007 , par





  • Cristalllisation
    17 février 2007 , par   [retour au début des forums]

    Le débat qui semble se cristalliser autour de Ségolène Royal porte toujours sur son sexe. On ramène ses idées, sa spontanéité, ses doutes, ses discours à son sexe. La France a les yeux rivés sur le sexe de madame Royal ( d’ailleurs, ces femmes appelées madame Royal, à l’époque, n’étaient-elles pas des quantités négligeables malgré leur titre ?), un peu comme dans le temps où les reines n’étaient que des ventres à concevoir les dauphins. On a accueilli la nomination de Ségolène Royal comme on accueillait les princesses étrangères : avec des manifestations élogieuses. Maintenant, va-t-on lui réserver le même sort que celui de Marie-Antoinette sous prétexte qu’elle est une femme et qu’elle a des idées nouvelles ?
    Sarkozy est-il un parti beaucoup plus intéressant ? Lui, qui voulait éliminer la racaille au Karscher ? Lui qui, un temps, a caché une partie de sa vie ?

    Les Français(e)s devraient réserver leur jugement aux idées, non pas au sexe des présidentiables. Homme ou femme, peu importe. Que la ou le meilleur(e) gagne.


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