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lundi 15 juin 2009

Afghanistan - Troquer la sécurité des femmes chiites contre des votes

par Micheline Carrier






Écrits d'Élaine Audet



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Encore une fois, un chef politique s’est entendu avec des intégristes pour sacrifier les droits des femmes à ses propres intérêts. Le président Hamid Karzaï a légalisé le viol des femmes chiites par leur mari pour satisfaire les islamistes radicaux. Aussi révoltant que les récents "exploits" du Vatican et de sa hiérarchie, mais plus risqué à dénoncer...

Le président Hamid Karzaï, de l’Afghanistan, a fait adopter une loi qui légalise le viol des femmes chiites par leur mari, disent des groupes de femmes et un rapport des Nations Unies. Le président a adopté rapidement la nouvelle Shia Family Law, qui était en veilleuse depuis un an, affirment-ils, pour calmer les fondamentalistes dont il souhaite l’appui lors de l’élection qui aura lieu en août.

L’article 132 de la nouvelle Shia Family Law rejette la nécessité du consentement sexuel entre époux (c’est-à-dire de l’épouse), approuve tacitement le mariage d’enfants (le mariage d’enfants est toujours mariage non consentant) et limite le droit des femmes à quitter leur résidence sans surveillance, masculine il va de soi. Elles voient leurs droits réduits dans les cas de divorce et de garde d’enfants.

« C’est la pire loi adoptée par le Parlement au cours de ce siècle », dit Shinkai Karokhail, une membre du Parlement qui fait campagne contre la législation. Cette loi est carrément contre les droits des femmes et elle les rend plus vulnérables. »

Cette information est aussi révoltante que les derniers exploits de l’Église catholique au Brésil et en Afrique, mais elle n’a pas entraîné une semblable levée de boucliers chez les militant-es pour les droits des femmes du monde occidental, plus particulièrement chez nous au Québec : cela se passe ailleurs et concerne des fondamentalistes islamistes, que la soi-disant gauche se garde bien de critiquer.

Depuis toujours, ceux et celles qui refusent de se fermer les yeux, constatent que les fondamentalistes islamistes et les intégristes catholiques poursuivent exactement les mêmes objectifs : ils ne se contentent pas de nier les droits des femmes, particulièrement les droits sexuels, ils les combattent vigoureusement en faisant pression sur les dirigeants politiques. Ils ne reculent devant rien, intimidation comprise. Toutefois, il est plus facile et moins risqué de dénoncer le Pape et les catholiques que de dénoncer les intégristes islamistes. En dénonçant le Pape et en fermant les yeux sur les actes des imams et de divers religieux intégristes, on ne risque pas de passer pour islamophobe et néo-colonialiste.

Tout cela relèverait des préjugés des Occidentaux à l’égard des Orientaux, il s’agirait de propagande pour justifier l’occupation de l’Afghanistan. Il y a des choses, en tout cas, que des gens qui s’affichent progressistes n’ont pas à envier à d’autres : l’hypocrisie et la mauvaise foi. Leur sympathie pour l’ingrisme islamiste qui viole les droits des femmes à la face du monde ne les qualifie pas comme militants autoproclamés de la violence contre les femmes. Comment peut-on dénoncer la violence contre les femmes dans les maisons du Québec et en même temps fermer les yeux sur la violence institutionnalisée contre les femmes dans les pays totalitaires et dans les pays d’accueil tolérants devant les "différences culturelles" ?

L’ambassadeur afghan commente les réactions canadiennes

L’ambassadeur de l’Afghanistan a commenté ainsi les réactions canadiennes à une loi sur le point d’être adoptée en Afghanistan et qui autorisera le viol des femmes chiites par leur mari, la perte de leurs droits en cas de divorce, la restriction de leurs déplacements sans la surveillance des maris.

« Je comprends très bien la réaction - immédiate et émotive - de pays comme le Canada, qui ont tant accompli pour bâtir une jeune démocratie », a déclaré M. Samad en entrevue.

« Mais les gens doivent aussi comprendre que cette jeune démocratie manque de maturité, a ajouté M. Samad, en faisant allusion à celle qui prévalait en Afghanistan. Les normes sont différentes de celles des démocraties canadienne et européenne. Et le contexte culturel est entièrement différent. Nous allons trébucher, nous allons commettre des erreurs, mais nous allons ainsi progresser. »

Normes différentes, contexte culturel différent, religion différente. Le prétexte sera peut-être un jour la couleur de la peau différente, la langue différente. La différence des sexes est déjà la norme. Tous les prétextes sont bons, même du côté de gens qui se disent féministes, pour justifier la guerre qu’on mène contre les femmes sous de multiples formes. L’Afghanistan, qui prétend devenir une démocratie, est pourtant soumis aux mêmes conventions et normes internationales que les autres pays en terme de droits de la personne (qu’on nomme aujourd’hui par un anglacisme - "droits humains"). La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, par exemple, exclurait-elle les femmes chiites d’Afghanistan ? Celles-ci n’auraient pas les mêmes droits que les autres femmes du monde et d’Afghanistan ? Les droits des femmes, contrairement aux privilèges des hommes, ne seraient-ils donc pas universels ? (2)

Pourquoi la loi vise-t-elle seulement les femmes chiites ? Karzaï a besoin de l’appui du groupe chiite pour les prochaines élections. Il s’est livré à un petit trafic avec ce groupe : je vous aide à réprimer les droits des femmes chiites et vous me donnez votre appui à la prochaine élection. À la guerre comme à la guerre !

L’heure n’est pas à plier l’échine devant le relativisme culturel et le mépris envers les femmes, où que ce soit dans la monde. Il faut réagir et dénoncer ! Avant de dépenser des milliards soi-disant pour aider au développement de l’Afghanistan, il faudrait exiger que ce pays respecte les droits de la personne, en particulier les droits femmes, les plus bafoués dans ce pays comme partout où les intégristes utilisent la religion à des fins politiques.

Notes

1. Le Devoir, 3 avril 2009
2. Site de l’ONU.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 5 avril 2009



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Micheline Carrier
Sisyphe

Micheline Carrier est éditrice du site Sisyphe.org et des éditions Sisyphe avec Élaine Audet.



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