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lundi 20 avril 2009

Éviter la compromission avec l’islamisme
Extrait du livre "Ma vie à contre-Coran – Une femme témoigne contre les islamistes"

par Djemila Benhabib, auteure et journaliste






Écrits d'Élaine Audet



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Quand Djemila Benhabib a pris connaissance du rapport de la commission Bouchard-Taylor, elle a été outrée qu’on demande aux Québécois d’accueillir favorablement toutes les requêtes faites au nom de l’islam. Sous prétexte de tolérance, les commissaires ont ainsi confondu musulmans et islamistes, alors que ces derniers ne sont qu’une petite minorité parmi les immigrants de culture musulmane. Or, les islamistes, Djemila Benhabib les connaît bien et elle a toutes les raisons de s’en méfier. En Algérie, où elle a vécu, elle les a vus envahir l’espace public, en tirant parti des défaillances de l’État et en pratiquant la terreur, elle les a vus imposer leur programme politique et infliger aux femmes leur tyrannie. En France, où sa famille a trouvé refuge, elle les a vus exercer des pressions insoutenables auprès des populations maghrébines pour les garder en dehors de la société d’accueil. Au Québec, elle les a vus réclamer des passe-droits et des privilèges, en invoquant la Charte des droits et la liberté de religion. C’est leur stratégie éprouvée qu’elle expose et qu’elle dénonce, dans un témoignage solidement documenté, mais auquel elle donne de touchants accents personnels, parce qu’il remue en elle une histoire encore douloureuse. (Texte de la 4e de couverture). Sisyphe publie ci-dessous un extrait de ce courageux plaidoyer en faveur de la laïcité et de l’égalité des femmes.

***

S’il est incontestable que la situation des femmes musulmanes diffère d’un pays à l’autre, il n’en reste pas moins que leur statut est inférieur à celui des hommes. En effet, hormis quelques rares exceptions (la Tunisie et la Turquie), sous une forme ou sous une autre, sous couvert du code de la famille, code civil ou pénal, les États musulmans ont institutionnalisé la discrimination et les violences à l’égard des femmes. Pour les subordonner aux hommes, leur prétexte est toujours le même, à savoir le Coran et l’application de la charia. Faire une brèche dans ce système, c’est faire une brèche dans toute la société. Le statut des femmes soulève un tabou majeur, celui de la place de la religion dans la société. C’est un problème qui reste jusqu’à aujourd’hui le principal défi auquel sont confrontés les musulmans. Nous touchons là à un élément central. La question de savoir si un système politique fondé sur la religion est compatible avec la démocratie se heurte à un principe fondamental. En démocratie, la liberté d’opinion, de parole et de conscience est un droit essentiel. La possibilité de demander qu’une loi soit modifiée ou abrogée existe. Or, une telle liberté est impossible si la loi se fonde sur un texte sacré.

Faire entrer la religion dans le domaine politique et imposer la charia en prétextant la volonté d’Allah, c’est récuser l’autonomie de l’individu par rapport à la communauté. C’est aussi refuser que l’adhésion à une croyance relève d’une démarche personnelle. Les pratiques sociales se sont largement sécularisées dans la grande majorité des États musulmans, ce qui reste des lois islamiques touche essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, au domaine familial et, par voie de conséquence, à la place accordée aux femmes. Comme l’explique Monique Gadant, "la famille, trop souvent lieu de la violence domestique et de la soumission à l’ordre patriarcal, est le lieu de formation à la violence sociale et politique". C’est ce qui explique l’attachement des pays musulmans à la charia. C’est par la famille que l’État maintient le système répressif contre la société tout entière. Dans ce sens, le combat pour l’égalité entre hommes et femmes est indissociable de celui pour la démocratie. En maintenant la religion dans la sphère privée, on ne cherche pas à bafouer le droit à la religion ni à le restreindre, on veut l’éloigner de l’emprise du politique et de son instrumentalisation, car la fusion des deux aboutit toujours à une forme de totalitarisme.

Bouchard-Taylor, la FFQ et Québec solidaire

N’en déplaise à Gérard Bouchard et à Charles Taylor, je ne vois pas comment on pourrait parler d’un "féminisme nouveau genre", en référence au féminisme musulman, sans pour autant s’attaquer à ces énormes inégalités entre hommes et femmes. Que dit ce "féminisme nouveau genre" sur les différentes questions précédemment citées qui mériteraient qu’on s’y intéresse et qu’on les dépoussière ? Ce "féminisme nouveau genre" serait-il insensible au sort barbare et immonde réservé aux femmes musulmanes ? Le "féminisme" n’est pas un mot-valise derrière lequel on peut se cacher pour se mettre au service d’une idéologie misogyne et sexiste comme l’islamisme. Le féminisme renvoie à des luttes et à des sacrifices héroïques pour venir à bout de l’arbitraire. J’estime que les deux commissaires ont totalement erré sur cette question et que leurs propos sont une véritable insulte aux luttes des femmes en général et aux musulmanes en particulier qui revendiquent l’exercice d’une citoyenneté pleine et entière, trop souvent, au péril de leur vie. Daignez-vous ignorer qu’on meurt d’être femme lorsqu’on naît musulmane ? La position de Michèle Asselin, présidente de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), qui a pris la responsabilité historique d’engager son organisation dans la voie de la compromission avec l’islamisme, est tout aussi inquiétante que celle de Françoise David, porte-parole de Québec solidaire.

J’ai grandi dans un pays où être femme n’a jamais été facile à vivre. Pas facile, pas parce que les Algériens ont une prédisposition particulière à opprimer les femmes, mais parce que le principe d’égalité des sexes est nouveau dans l’histoire de l’humanité. Rappelons-nous qu’en Occident ce n’est qu’au XXe siècle que les femmes ont acquis le droit de vote et la pleine reconnaissance de leurs droits civiques. La discrimination à l’égard des femmes n’est pas inhérente à la culture musulmane. Toutes les cultures patriarcales ont du mal à "digérer" une innovation aussi grande que de reconnaître la liberté des femmes. Il n’y a rien d’étonnant à ce que des idées nouvelles se heurtent à de la résistance. Cependant, avec les islamistes, c’est mon droit à l’existence qui était en jeu. C’était la mort ou l’exil. L’attitude des deux commissaires et de leurs alliés nous montre bien que les féministes des pays musulmans ne luttent pas seulement contre une certaine idée de l’islam et des archaïsmes profonds de leurs sociétés. Elles luttent aussi contre cette conception médiévale et folklorique que l’on se fait d’elles en Occident.

Situation des femmes musulmanes dans les pays d’accueil

Ce qui dérange les islamistes, c’est le sexe des femmes, leur corps, leur liberté. C’est de cela qu’il s’agit. Il est temps qu’on aille au fond des choses, qu’on sorte des lieux communs du discours rébarbatif sur la soumission des femmes voilées et que chacun affiche ses positions concernant les véritables enjeux et présente ses arguments. Quel projet de société ce "féminisme nouveau genre" défend-il ? C’est ce qu’on veut savoir. Il est temps que les féministes des pays musulmans se réapproprient leurs véritables combats usurpés par ce "féminisme nouveau genre" venu de nulle part.

Ce qui est fortement paradoxal, c’est la situation que vivent des femmes immigrantes musulmanes dans leur pays d’accueil à travers les accords bilatéraux. Rattrapées par les lois de leurs pays d’origine, elles voient le piège de l’oppression se refermer sur elles dans leur nouveau pays de résidence. Le droit européen, en particulier français, ne reconnaît pas le droit étranger sur son territoire. Pourtant, parmi les nombreuses lois et coutumes pratiquées dans les pays musulmans, il n’y a que celles relatives aux femmes et à la famille qui bénéficient d’une certaine tolérance en Occident. Ainsi, aucun pays d’accueil ne tolérera que les voleurs soient amputés de leurs mains bien que ce soit la norme dans nombre de pays musulmans.

En revanche, pour le port du voile islamique ou pour les lois régissant la structure familiale, on est plus accommodant. Même la France qu’on présente comme un pays intransigeant à l’égard des "revendications culturelles" recèle d’énormes failles dans ses lois et dans ses pratiques. Ce qui fait dire à plusieurs féministes françaises et maghrébines qu’il y a une collusion consciente des patriarcats qui transcende les frontières pour asservir les femmes. "Dans le domaine du statut individuel qui régit les relations personnelles (mariage, divorce), les femmes qui vivent en France (immigrantes) se voient appliquer par des tribunaux français des législations de leurs pays d’origine. De plus en plus de femmes se retrouvent répudiées au pays d’origine par le mari qui prononce la formule magique trois fois (comme le veut la charia), et ce dernier n’a plus qu’à le faire valider par exequatur* en France pour que la femme se retrouve répudiée selon le droit musulman, et surtout spoliée de tous ses droits, en matière de logement, d’autorité parentale, voire de garde d’enfants", explique Mimouna Hadjam, féministe franco-algérienne, à la tête d’une association vouée à l’intégration des immigrants dans l’une des banlieues les plus chaudes de la région parisienne, La Courneuve. "Aujourd’hui, nous le savons, la charia réussit à passer dans les mailles du filet du droit français par le biais des conventions bilatérales et des exequatur, et les mariages forcés sont en croissance", résume-t-elle.

* Exequatur : "L’exequatur est une procédure permettant d’exécuter, soit une sentense arbitrale, soit une décision de justice étrangère." (Dictionnaire juridique).

Extrait de : Djemila Benhabib, Ma vie à contre-coran – Une femme témoigne contre les islamistes, Montréal, VLB éditeur, 2009, p. 67-72. Disponible dans les librairies.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 9 avril 2009.

Rencontre avec l’auteure, jeudi le 30 avril, à la librairie Olivieri à Montréal. Voir détails sur cette page.



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Djemila Benhabib, auteure et journaliste

Auteure de Ma vie à contre-Coran (2009), Les soldats d’Allah, Des femmes au printemps, L’automne des femmes arabes, Après Charlie.



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