| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






dimanche 27 juin 2010

La protection juridique de la laïcité : essentielle au maintien de la cohésion sociale

par Julie Latour, avocate, bâtonnière du Barreau de Montréal (2006-2007)






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


Une ex-musulmane canadienne dénonce la complicité de la gauche avec les islamistes
Laïcité : contestation de la loi 21
Ginella Massa : il n’y a pas de gloire à imposer ses choix doctrinaux
Priorités, objectifs et projets de Pour les droits des femmes du Québec
Décès de Diane Guilbault (1955-2020)
L’Appel de Liège : une entrevue avec Djemila Benhabib
Allocution de Me Julie Latour
Projet de loi 21 sur la laïcité - Un statut universitaire n’est pas garant d’honnêteté intellectuelle
Nadia El-Mabrouk et le frère Untel : même combat
Les arguments du désespoir : ou comment tordre le cou au féminisme !
Laïcité : Protéger les minorités ou le rigorisme religieux ? Version intégrale
Jamais sans mon voile ! Ou le refus d’être "soumise à Legault"
Religion ou misogynie : que défend Québec solidaire ?
Est-il permis de critiquer l’activisme transgenre ?
"Libre choix" de se prostituer ou de porter le niqab : 
un même combat !
Le débat sur la laïcité au Québec, sérieux et nécessaire
Pour représenter la diversité, faut-il une femme en hijab ?
Neutralité religieuse et visage découvert
Ne sabordez pas notre laïcité ! Lettre ouverte aux députés-es de l’Assemblée nationale
Le religieux favorise-t-il le vivre-ensemble ?
Lettre ouverte aux féministes québécoises qui s’opposent à l’interdiction du niqab
Loi 62 – Voile intégral et confusion des enjeux
Libres d’être inégales ? Le problème n’est pas le voile comme "vêtement", mais ce qu’il représente
Les féministes et les mouvements politico-religieux
Racisme systémique : sortir de l’idéologie victimaire
Consultation sur le racisme systémique. Faire partie d’un "nous" rassembleur
Islamophobie et Islamisme : entre déni et alarmisme
Attentat à Québec - Face au drame, la mise en accusation d’un peuple
Attentat au Centre culturel islamique de Québec - Donner un sens à cet événement tragique
Reportage sur le niqab à Radio-Canada. Absence de sens critique ou propagande ?
La religion à l’école n’est pas un remède à la radicalisation
Projet de loi 62 - Une proposition qui ne permet pas de protéger le droit des femmes à l’égalité
Maroc - Interdiction du burkini et offensives islamistes
Burkini, voile : face aux polémiques et aux impasses, il faut relire Simone de Beauvoir
Le burkini est-il le dernier attentat islamiste en France ?
Soirée de solidarité avec Djemila Benhabib, le 12 septembre à Montréal
De l’emploi du terme "islamophobie"
Rimbaud et le burkini
Athlètes voilées aux JO : un petit pas en avant… ou un grand en arrière ?
Soutien à Djemila Benhabib - La liberté d’expression mise à l’épreuve par l’islam politique
Dénuder une Copte, c’est halal !
Lutte à la radicalisation - De la liberté religieuse à l’extrémisme, il n’y a parfois qu’un pas
La liberté d’expression au Québec, un joyau toujours menacé
Les vœux "pieux" des concepteurs du cours Éducation et Culture religieuse (ÉCR)
Sortir du manichéisme. Des roses et du chocolat
Le ministère de l’Immigration refuse d’entendre l’AQNAL à la commission parlementaire sur le projet de loi 77
L’obscurantisme ou les Lumières : le Québec doit choisir
Quel que soit le rôle de l’impérialisme, le groupe armé État islamique est responsable de ses actes
Vous n’avez pas le monopole de la dignité !
L’ennemi, c’est l’islam politique, pas les musulmans
Motion sur l’islamophobie - L’errance de nos élus
Lettre ouverte à Françoise David : "Vous faites des amalgames inacceptables"
Christine Delphy, la supercherie
"One Law for All" demande au gouvernement britannique une enquête sur les tribunaux islamiques
Les beaux malaises face à l’intégrisme
NOUS sommes en train de nous faire massacrer par VOTRE ennemi secondaire !
L’islamisme radical : l’Ailleurs est ici
Après le massacre à Charlie Hebdo, soutenons ceux qui se battent contre la droite religieuse
Plainte à l’ombudsman de Radio-Canada au sujet de l’émission "Enquête" du 27 novembre 2014
Lettre au premier ministre - M. Couillard, un Québec laïque, ça presse !
La laïcité n’est pas derrière mais devant nous et sa défense est plus que nécessaire
La "communauté musulmane" n’existe pas
Soutenons Louise Mailloux ! Protégeons la liberté d’expression
Radio-Canada RDI manipule l’information en faveur de l’islamisme : un exemple
Je croirai les dirigeants islamistes quand...
Des messagères de l’intégrisme islamique
La FIQ prend position en faveur de la Charte de la laïcité québécoise
FFQ et ÉG du féminisme - L’esprit partisan est-il à l’origine d’attaques virulentes contre des féministes ?
Pour une reconnaissance de la laïcité au Québec - Lancement et causerie chez Olivieri
Comment la laïcité peut changer notre monde
Protection de la laïcité : prière de légiférer !
Prédicateurs islamistes à Montréal - Comment pourrais-je me taire ?
Une intégration réussie, c’est l’adhésion à un socle commun enrichi de diversités culturelles
Laïcité et jugement au Saguenay - Pourquoi pas une prière pour Bernard ?
La prière à Saguenay : quelques mensonges du maire Jean Tremblay
Ni Allah, ni Maître. Entrevue avec la réalisatrice Nadia El Fani
Exposition "Et voilà ! Le voile musulman dévoilé !"
Cessons de nommer "islamophobie" et "blasphème" toute critique de l’islam
Gouvernement Harper - Le Bureau des évangéliques
Le nikab, ce cachot pour femmes
Laïcité et diversité - Les angles morts des paradigmes de lecture de la diversité
Les enjeux du refus de la mixité : le contrôle social des femmes
Le niqab au Tribunal : primauté du droit ou de la religion ?
Canada - Le niqab au Tribunal - Une répétition de l’affaire Personne ?
Plaidoyer en faveur des droits universels - L’universalisme menace-t-il la diversité culturelle ?
Pour une perspective laïque et féministe du monde
La laïcité est un outil essentiel qui permet aux femmes de continuer d’avancer
L’innocence de l’Occident ou la liberté d’expression menacée
La laïcité est un facteur d’intégration et d’émancipation
La sexualité dans l’islam : une arme politique
La Coalition Laïcité Québec demande aux candidat-es de se prononcer sur la laïcité
Les participantes aux États généraux sur le féminisme demandent d’agir contre les intégrismes religieux
La oumma couve dans le ventre des femmes
Non à la souveraineté multiculturaliste de Québec solidaire
Le niqab devant les tribunaux - Les raisonnements douteux du Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes
Polygamie - La liberté de religion comporte des limites
Charia au Québec - Des propos qui méritent d’être dénoncés
Djemila Benhabib – Une pensée articulée et un ardent plaidoyer contre l’islamisme politique
Paris - L’extrême-droite catholique manifeste contre la christianophobie et les islamistes sont à ses côtés
« Vers l’obscurantisme » islamiste ? La députée Fatima Houda-Pepin s’inquiète pour la Tunisie et, surtout, pour la Libye
Procès de la famille Shafia - La jeune fille de 13 ans était derrière le volant, selon la preuve policière
Une propagandiste de l’islamisme bientôt collaboratrice de Radio-Canada
La laïcité, facteur d’intégration dans la société québécoise
La nécessaire laïcisation de l’éducation au Québec
Affirmer la laïcité, un pas de plus vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes
Le Mouvement laïque québécois et les symboles religieux autres que chrétiens
La laïcité sans compromis quant aux droits des femmes
La police de Toronto banalise les menaces de mort d’une intégriste islamiste contre Tarek Fatah
Lettre pour la pluralité des voix en matière d’islam et POUR la liberté de conscience !
Motion contre le kirpan - Le Québec et le multiculturalisme
Beaucoup de musulmans tentent de masquer des vérités laides : "Oui, l’islam permet au mari de battre sa femme"
Religion dans les garderies au Québec - Le commerce des petites âmes
Les enjeux de la laïcité selon la revue Spirale. Un dossier à consanguinité élevée !
Déclaration du Manifeste des libertés à propos des récents attentats contre des citoyens de confession chrétienne d’Irak et d’Égypte
Les musulmans du Québec
Prix Droits et Libertés - La Commission des droits de la personne erre plus que jamais
Guy Rocher - La laïcité tout court
La laïcité a-t-elle tué l’athéisme ?
"Une femme en colère", de Wassyla Tamzali
Une femme devenue prêtre
Le respect des convictions, fondement de la neutralité de l’État et de la laïcité
S’opposer à Hassan Al-Banna et aux Frères musulmans ne constitue pas du racisme
Vatican - Silences déplorables, condamnations impitoyables
Les adieux au cardinal Ouellet - Le « sacré » peut-il tout excuser ?
L’Afeas prend position pour une Charte de la laïcité, un système de santé public et des soins palliatifs accessibles
Jugement Dugré - Le cours Éthique et culture religieuse devant la Cour supérieure
Phyllis Lambert et Serge Joyal défendent les Frères Musulmans au détriment de la liberté
Jugement sur le cours Éthique et de culture religieuse - Au royaume de la confusion
Cours Éthique et culture religieuse - L’éthique, la culture et le juge
Cours d’éthique et de culture religieuse - La Cour supérieure du Québec exempte le collège privé Loyola
L’intégrisme religieux menace-t-il nos droits ?
Colloque Égalité et Laïcité, quelles perspectives ?
Voile intégral en France : un projet de loi d’interdiction totale présenté en mai
Tariq Ramadan et un radicalisme qui ne dit pas son nom
Tariq le terrible
Église catholique - Le mur du silence
Laïcité - Un manifeste tendancieux
Pour un Québec laïque et pluraliste
Laïcité au Québec - Protéger les valeurs fondamentales propres à l’Occident démocratique
Accommodements pour motifs religieux - Où loge l’intolérance ?
Lettre à Télé-Québec au sujet du documentaire "Mes sœurs mulsulmanes"
Québec - Un féminisme de plus en plus gangrené par le relativisme
L’égalité d’abord, la liberté religieuse ensuite
Le manifeste des pluralistes : un manifeste raciste et antiféministe
La France et la burqa - Une audace à saluer
Manifeste pour le respect du principe de l’égalité entre les hommes et les femmes
Écoles privées - Le retour tranquille de la religion
Féministes en mal de laïcité
Interdiction du voile intégral au Canada - Lettre ouverte à Michael Ignatieff, chef du Parti libéral
Quand religion et égalité des femmes font les manchettes
Tolérance ou laïcité
Laïcité au Québec - Le pluralisme comme incantation
Port des signes religieux dans la fonction publique - En réponse au Manifeste pour un Québec pluraliste : Pour une laïcité active et positive
Laïcité – Le pari risqué de Québec solidaire et de la Fédération des femmes du Québec
Demander une charte de la laïcité, c’est faire appel à la conscience individuelle et collective
La laïcité et le voile... Osons dire les vraies choses
La laïcité est une exigence démocratique
Laïcité et droits des femmes : trois questions à Chahla Chafiq
Appel à soutenir le Bureau Laïque International
La présidente de Regards de femmes, Michèle Vianès, a reçu les insignes de la Légion d’Honneur. Son allocution
Projet de loi 16 - La conquête de l’égalité, un vrai rocher de Sisyphe
Projet de loi 16 - La CSN réclame toujours une charte de la laïcité
Projet de loi 16 - Pour la FTQ, ce projet de loi doit être retiré
Le SFPQ demande au gouvernement de surseoir au projet de loi 16 et d’adopter une charte de la laïcité
 Seule une charte de la laïcité permettra de poser les balises des accommodements raisonnables
Les accommodements religieux et le projet de loi 16
Interview avec Djemila Benhabib
Livre : "Ma Vie à contre-Coran", une femme témoigne sur les islamistes
Les femmes se souviennent du rôle répressif de l’Église au Québec
L’angle politique du débat sur la laïcité
Le féminisme vu par Mgr Louis-Adolphe Paquet en 1919
Laïcité et égalité : quel projet pour le Québec ?
Québec - Signes religieux dans les services publics : "La FFQ ne me représente pas"
Vingt ans de combat contre le voile : 1989-2009
Islamisme radical : soutenir une "victime" favorable à l’obscurantisme fanatique ?
La légitimité du féminisme laïque
L’après-discours d’Obama - Les femmes, boucs émissaires
France - Le Collectif pour la promotion de la laïcité veut faire annuler le décret imposé par Nicolas Sarkozy en faveur du Vatican
Nous avions jadis les mêmes ennemis : le patriarcat et les lois divines
Femmes sous lois musulmanes (WLUML) demande la révocation de la Résolution de l’ONU sur "la diffamation des religions"
"Aucune religion ne prône l’égalité entre les hommes et les femmes" - Talisma Nasreen
Une Église machiste et autoritaire
Lettre au président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec
Dieu existe et il est partout
"Ma vie à contre-coran", de Djemila Benhabib
Quand on préfère les cierges aux lumières...
Défendre les droits des femmes face au fondamentalisme religieux : une exigence démocratique
S’indigner au lieu de se résigner devant le fondamentalisme islamiste
Des religions pour quel dialogue ?
Quand la religion freine l’intégration des femmes
Les valeurs communes du Québec : pour les personnes immigrantes seulement ?
Le rapport Bouchard-Taylor est insensible à l’égalité des sexes
L’autodiscrimination, "jackpot" pour les intégristes
Démocratie et égalité des sexes : fine analyse et synthèse remarquable
Création du réseau À HAUTE VOIX pour interpeller les élus
Pourquoi nous ne souhaitons pas la bienvenue au pape
Fanny Truchelut doit être relaxée
Laïcité et résistances démocratiques
L’idée de Dieu est un "produit des faiblesses humaines", la Bible, "plutôt enfantine" (Albert Einstein)
Le corps des femmes, lieu commun
Y aurait-il des femmes plus aptes à la liberté que d’autres ? Réponse à Françoise David
Rapport Bouchard-Taylor - Un rendez-vous manqué pour les femmes
Laïcité et accommodements raisonnables au Québec
Rapport Bouchard-Taylor - L’art "scientifique" de noyer le poisson
Des féministes dans la fosse aux lionnes de la Commission Bouchard-Taylor
L’égalité entre les femmes et les hommes mise entre parenthèses
Un féminisme non interventionniste face à l’extrémisme religieux
La mort d’Aqsa Parvez, attribuée à son père, est le résultat d’un choc culturel
Les lois officielles et les lois du ciel
Accommodements raisonnables. Droit à la différence et non différence des droits
Accommodements et cultures - La laïcité pour éviter la fragmentation de la société
Religions, femmes et fondamentalismes
"Accommodements raisonnables" - Affirmer nos valeurs fondamentales pour mieux vivre la pluralité
Maintenir notre engagement envers toutes les Aqsa Parvez
Les extrémismes religieux et les droits des femmes
ONU - Vers un délit de "diffamation des religions"
Les accommodements religieux - Conflit de droits ou conflit de lois ?
Du voile et du viol
Laïcité : l’école et les enfants d’abord !
Le marketing du voile islamique
Éloge de la lâcheté - Lettre du Conseil du statut de la femme à "La Presse"
Yolande Geadah reçoit le Prix Condorcet 2007 du Mouvement laïque québécois
Conflit de droits : dilemme pour les juges ou simple mécanique juridique ?
Est-ce de l’islamophobie de critiquer l’intégrisme islamiste ?
Les accommodements raisonnables : quoi, comment, jusqu’où ?
La justice à l’épreuve de la diversité culturelle
Projet de loi 195 sur l’identité québécoise, présenté par Pauline Marois à l’Assemblée nationale du Québec
Lapidation de Ghofrane en France
La laïcité est l’affaire des femmes - Appel contre les résolutions de l’ONU sur la "diffamation des religions"
Synthèse des réflexions sur la question des accommodements raisonnables et les différences
Pourquoi l’ajout du droit à l’égalité entre les femmes et les hommes à la Charte québécoise énerve-t-il tant ?
L’affaire Truchelut - "Tu n’es pas maître dans ta maison quand nous y sommes."
Tolérer l’intolérable au nom de la diversité culturelle est une forme de colonialisme
Ayaan Hirsi Ali : l’errance d’une femme qui a osé parler
50 ans de droits des femmes en Europe : Où sommes-nous arrivées ?
Une comparaison réductrice de Christine Delphy
Les "différences culturelles" peuvent-elles excuser le sexisme ?
Le vote à visage découvert
C’est quoi être accommodant et raisonnable ?
La laïcité est l’affaire des femmes - Appel contre les résolutions de l’ONU sur la "diffamation des religions"
"Accommodements raisonnables" - Affirmer nos valeurs fondamentales pour mieux vivre la pluralité
Commission Bouchard-Taylor - Consultation publique sur les pratiques d’accommodement : citoyens et citoyennes pourront choisir entre plusieurs modes de participation
Accommodements pour obligations religieuses - Pour qui ? Pourquoi ?
Pratiques d’accommodements - La Commission Bouchard-Taylor consultera les citoyens et les citoyennes en septembre prochain
Les droits des femmes devant les fondamentalismes religieux
ONU - Vers un délit de "diffamation des religions"
Démocratie et obligations religieuses - L’impasse ?
Commission de consultation sur les pratiques d’accommodements reliées aux différences culturelles - Cherchez l’erreur
L’anecdote ou le fait de société
Les accommodants
Renforcer le caractère laïc de nos démocraties
Les limites de la tolérance et de l’accommodement







Allocution de Me Julie Latour, avocate
Ancienne bâtonnière du Barreau de Montréal

Présentée lors de la Conférence de la Coalition Laïcité Québec

Présentée à l’auditorium de la Grande Bibliothèque, le 28 avril 2010

1. D’une laïcité factuelle à une laïcité officielle

La valeur de laïcité est inscrite de longue date dans le parcours du Québec. Il s’agit d’une valeur reconnue dans laquelle les institutions publiques du Québec prennent assise. Nos institutions publiques sont laïques, incluant maintenant nos commissions scolaires, et notre corpus de droit privé, au premier chef le Code civil du Québec, est séculier.

Or, cette valeur pourtant si évidente, à la base de notre démocratie, ne se retrouve proclamée dans aucun texte juridique d’importance, de façon constitutionnelle ou autrement prépondérante. Est-ce parce que la laïcité est à ce point avérée qu’on la croyait protégée par les diverses lois existantes ? À tout événement, comme disait Talleyrand au congrès de Vienne : « Si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant. »

Dans une société marquée par la prolifération législative et réglementaire, on peut s’interroger sur le silence qui entoure les valeurs communes du Québec, dont au premier chef le caractère séculier de notre société, par comparaison avec l’étendue et l’importance juridique des instruments qui accordent une protection constitutionnelle aux libertés individuelles.

Ce décalage préoccupe la population du Québec, en particulier face au réinvestissement du religieux dans la sphère publique qu’autorisent les Chartes des droits.

Ces revendications religieuses se fondent d’ailleurs sur une formidable contradiction. Alors qu’il nous a fallu des siècles pour en arriver à l’État de droit que nous connaissons, en nous éloignant de la théocratie, le religieux utilise maintenant le droit, i.e. les Chartes des droits, pour s’imposer dans la société civile. Et le fait religieux, protégé à titre de droit individuel, est en fait un phénomène collectif, marqué par le prosélytisme, qui souhaite étendre son influence dans nos sociétés.

Il apparaît donc impératif de tracer des balises claires afin d’outiller les tribunaux à prendre en compte les valeurs collectives, dont la laïcité, dans leurs décisions. Ce ne serait pas la première fois que le législateur ait à combler un silence pour tenir compte d’une réalité changeante. Cela fut le cas jadis en matière de protection des droits des consommateurs, et, plus récemment, de gouvernance étatique et de supervision des marchés financiers.

2. Composantes et rôle structurant de la laïcité

La laïcité a un rôle social structurant indéniable.

La séparation entre l’Église et l’État est constitutive du principe même de liberté de religion, car c’est par l’avènement de la neutralité de l’État dans le domaine religieux que l’ouverture à la liberté de religion pour tous les croyants et croyantes de diverses religions peut se matérialiser. La laïcité est donc une condition essentielle d’un véritable pluralisme, qui inclut le respect de toutes les convictions religieuses, tout autant que la liberté de conscience des citoyens. La liberté de croire, de même que celle de ne pas croire.

La valeur de laïcité amène des principes institutionnels : la séparation de l’État et de la religion et la neutralité de l’État, ainsi que des composantes de nature individuelle : la liberté de conscience et de religion. Liberté et laïcité sont intimement liées et sont à la base d’un État démocratique.

En outre, la laïcité reflète un état d’esprit qui transcende la question du port de signes religieux ostensibles. Elle signifie l’adhésion aux valeurs citoyennes, le respect d’un espace sociétal commun où les différences s’effacent afin de préserver un lieu neutre où chacun peut se reconnaître dans le lien social.

3. Sens étymologique

Le rôle de la laïcité dans le maintien de la cohésion sociale est manifeste lorsque l’on retourne à son sens étymologique. Selon le Larousse, le terme « Laïcité » provient du mot grec laikos qui signifie : « qui appartient au peuple ». À mon sens, la laïcité appartient au peuple, car elle est définie par le peuple, qui forge ses institutions publiques à l’abri de pouvoirs tiers, et elle définit ainsi le peuple, qui se reconnaît dans cet espace public qu’est sa nation. La notion de peuple réfère aussi à l’unité citoyenne à la base du contrat social, par opposition à la fragmentation et à l’individualisme. Enfin, de façon métaphorique, on retrouve aussi le mot CITÉ dans celui de laïcité.

Pour les citoyens, la laïcité génère aussi un sentiment de réciprocité : chacun peut exprimer de façon privée et publique ses aspirations religieuses ou sa liberté de conscience, mais il demeure un espace civique neutre où les différences s’abolissent et où tous se réunissent dans l’identité citoyenne.

4. La neutralité de l’État doit être réelle et apparente

En vertu des principes institutionnels de la laïcité, l’État doit s’obliger à une neutralité totale, laquelle doit être réelle et apparente. Ceci implique que les fonctionnaires et agents de l’État doivent s’abstenir de manifester leurs convictions religieuses, tout comme cela est le cas pour l’obligation de neutralité politique et le devoir de réserve que prescrivent les articles 10 et 11 de la Loi sur la fonction publique (L.R.Q., c. F-3.1.1). Les citoyens qui choisissent d’appartenir à la fonction publique ont une obligation individuelle de réciprocité envers la neutralité de l’État.

En effet, peut-on penser qu’un tribunal où un juge, une greffière ou un huissier serait autorisé à porter des signes religieux demeurerait neutre ? Et que penser du rôle particulier des enseignants dans la formation de l’esprit citoyen des étudiants en conformité avec les valeurs sociétales publiques communes, dont la neutralité de l’État, et l’égalité hommes-femmes ?

5. Reconnaissance politique

Le 8 février 2007, dans son importante déclaration annonçant la formation de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodements reliées aux différences culturelles, communément appelée la Commission Bouchard-Taylor, le Premier ministre Jean Charest a déclaré solennellement les valeurs qui définissent le Québec, et je cite :

« Le Québec est une nation. Notamment par son histoire, sa langue, sa culture et ses institutions.

La nation du Québec a des valeurs, des valeurs solides, dont entre autres :

 L’égalité entre les femmes et les hommes
 La primauté du français
 La séparation entre l’État et la religion

Ces valeurs sont fondamentales. Elles sont à prendre avec le Québec. Elles ne peuvent faire l’objet d’aucun accommodement. Elles ne peuvent être subordonnées à aucun autre principe. » (soulignement ajouté)

Une déclaration aussi solennelle aurait dû amener une consécration constitutionnelle ou législative de ces valeurs fondamentales, dont le principe de laïcité. Or, cela se fait toujours attendre. Ce qui n’est pas sans impact dans le nécessaire équilibre à instaurer entre les droits collectifs et les droits individuels, considérant les autres droits fondamentaux enchâssés dans les Chartes des droits et libertés. D’où le récent malaise identitaire qui a caractérisé le Québec, dans ce qui a été qualifié de crise des accommodements raisonnables.

6. L’esprit Bouchard-Taylor et le relativisme culturel

L’exercice Bouchard-Taylor devait élucider les rapports entre les citoyens qui composent le Québec moderne. Au lieu de cela, nous avons eu droit à une dérive du but de la Commission, qui au lieu de rapprocher les citoyens les a divisés, en stigmatisant tout au long de son rapport un seul groupe, la majorité d’accueil. Alors que les commissaires recommandent l’adoption par le Québec d’un texte officiel pour définir la notion d’interculturalisme, variante du multiculturalisme qu’ils préconisent, ils ne proposent aucun socle commun.

Quant au passé catholique du Québec, les commissaires écrivent ce qui suit : « Pour construire un avenir rassembleur, la société québécoise doit », selon le rapport, « éviter de diriger contre toute religion le ressentiment lié à un passé catholique » (car les Québécois canadiens-français seraient, selon les commissaires, unanimement porteurs d’un « sentiment d’hostilité envers le passé catholique » et tributaires « d’un mauvais souvenir de l’époque où le clergé exerçait un pouvoir excessif »).

Pourquoi imputer du ressentiment ? Se peut-il au contraire que les Québécois nourrissent une fierté légitime à l’endroit de la salutaire distanciation qu’ils ont opérée depuis cinq décennies entre les pouvoirs civils et religieux, ce qui a permis l’avènement du Québec moderne et l’instauration de Chartes des droits et libertés ? Est-il possible que les Québécois estiment déterminant que la dignité des individus et la valeur d’égalité entre les hommes et les femmes aient pu se construire grâce à la fin de l’immixtion des préceptes religieux dans la sphère publique ?

Enfin, de l’avis des commissaires, nous devons construire une mémoire nationale qui tienne compte de la diversité ethnoculturelle, soit, mais surtout qui « rende le passé québécois accessible aux citoyens de toutes origines ». Doit-on réécrire notre histoire ?

7. L’idéologie du multiculturalisme

Sous le couvert du multiculturalisme et de la protection tous azimuts des droits individuels, une résistance se fait entendre à toute protection juridique de la laïcité. Cette vision fort sélective semble mettre de côté l’important rôle de la laïcité dans l’équilibre sociétal.

Sur quoi repose le multiculturalisme ? Plusieurs penseurs décrivent l’idéologie du multiculturalisme comme binaire plutôt que multiple, en ce qu’elle concerne deux groupes, le majoritaire ou dominant (i.e. réputé mauvais) face au groupe minoritaire, (i.e. réputé bon), soit le retour à la dichotomie oppresseur/opprimé. Voilà qui s’avère pour le moins paradoxal dans le cas du Québec, qui est dans ce contexte considéré comme une majorité, alors qu’il constitue en fait une minorité précaire au plan national et à l’échelle continentale de l’Amérique, sans garantie de pérennité.

De plus, alors que le Canada, à travers la promotion de la Charte canadienne et du multiculturalisme, valorise la protection des identités, il semble que l’identité québécoise soit la seule exclue de cette protection au plan de l’octroi de droits collectifs. Faut-il rappeler que la notion de multiculturalisme, maintenant enchâssée dans la Charte canadienne, fut, de l’avis de plusieurs, adoptée pour diluer significativement la notion de biculturalisme et des deux peuples fondateurs du Canada, dont le Québec était partie intégrante ?

8. Réfutation de la laïcité ouverte

On entend beaucoup parler ces jours-ci du concept de laïcité ouverte, une laïcité que l’on peut qualifier de fort restrictive. Ce concept repose sur trois postulats qui, en tout respect, ne résistent pas à une analyse sérieuse.

Tout d’abord, sous le couvert du pluralisme, la laïcité ouverte postule que la présence du religieux dans la sphère publique ne serait pas menaçante, sous prétexte que nous ne sommes plus en présence d’une seule religion, mais bien de plusieurs religions qui coexistent. On banalise ainsi l’intrusion du religieux dans l’espace public. Pourtant, si nous voulions favoriser une religion, ces tenants de la laïcité ouverte monteraient aux barricades. Or, ce n’est pas parce que plusieurs religions veulent s’afficher que ceci atténue quoi que ce soit à l’immixtion du religieux dans la sphère publique. Au contraire, nous avons maintenant droit à une surenchère des religions les unes envers les autres.

Cette surenchère des religions s’illustre notamment par un exemple évocateur, chez nos voisins ontariens, fiers tenants du multiculturalisme, où les débats à Queen’s Park, le parlement provincial, sont précédés chaque jour par la récitation intégrale de 7 prières ! Par comparaison, nous débutons les travaux à l’Assemblée nationale du Québec par une minute de silence.

Ainsi, si nous devions permettre le port de signes religieux chez les fonctionnaires, quelle serait la prochaine étape : les diverses confessionnalités demanderont-elles ensuite des quotas par bureaux gouvernementaux, afin que le paysage visuel soit équitable ?

Cette insouciance, sous le couvert de la tolérance, fait fi du prix humain considérable qui fut payé dans l’histoire pour en arriver à l’État de droit que nous connaissons, afin que nos normes juridiques n’aient plus à sanctionner le droit divin.

On peut ajouter que la défense du fait religieux n’a en soi rien de progressiste, les trois grandes religions monothéistes étant fondées sur des principes séculaires passéistes, sinon mêmes franchement discriminatoires, notamment à l’égard des femmes, qui composent la moitié de l’humanité.

En second lieu, les tenants de la laïcité prétendument ouverte font valoir que cette présence religieuse n’est qu’apparente et ne menace pas le droit substantif du Québec. Or, cette assertion ne s’avère pas davantage fondée. Le religieux menace non seulement d’autres droits fondamentaux, tels que la liberté d’expression (récent épisode Anne Coulters à Ottawa), l’égalité entre les femmes et les hommes (avis juridiques de la CDPJ) et la non discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, mais il menace nombre d’autres acquis en droit substantif.

À titre d’illustration, le Québec est doté de l’une des législations les plus interventionnistes au monde en matière de protection de la jeunesse, afin de favoriser le meilleur intérêt de l’enfant. Or, des directeurs de Centres jeunesse, des travailleurs sociaux et psychologues qui y œuvrent font valoir sur nombre de tribunes publiques les pressions très fortes auxquelles ils sont soumis pour considérer que les châtiments corporels sont acceptables dans certaines cultures ou religions, où l’autorité paternelle serait prédominante, et qu’ils ne doivent pas de ce fait intervenir. Y a-t-il deux catégories d’enfants au Québec, i.e. ceux qui bénéficient de la protection de l’État et ceux qui en seraient privés ??

En troisième lieu, la laïcité ouverte et le multiculturalisme favoriseraient l’intégration. À cet égard, l’exemple des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne réfute cette thèse.

Enfin, la laïcité ouverte entraîne la négation de la liberté de conscience, une liberté fondamentale pourtant protégée au même titre que la liberté de religion. En effet, la protection de la liberté de conscience inclut la liberté de ne pas croire. Or, du moment que l’on permet aux fonctionnaires d’arborer des signes religieux, qu’en est-il, au-delà de la l’entorse à la neutralité de l’État, du respect de la liberté de conscience des autres citoyens ?

L’ouverture au concept de laïcité ouverte a récemment amené la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, dans son avis de mars 2010 à reléguer au simple rang de conflit de valeurs, soi-disant non protégé par la Charte, la liberté de conscience qui pourrait être invoquée par un citoyen à l’encontre du port de signes religieux par une fonctionnaire de la RAMQ. Un simple conflit de valeurs qui n’impliquerait pas un conflit de droits.

De même, la Commission des droits de la personne ajoute que « le port du hidjab ne comporte pas nécessairement un sens religieux » (à la page 3). Pour elle :

« La détermination de la signification religieuse ou non du port du hidjab relève donc de la personne qui le porte. Aussi, le seul fait qu’un client y voit un symbole religieux ne constitue pas une assise pour considérer que ce symbole porte atteinte à sa liberté de conscience. » (à la page 3, Avis CDPJ, Cat. 2.119-1.1, Mars 2010.)

En tout respect, y aurait-il une approche de deux poids deux mesures en matière de liberté de religion, au détriment de la protection de la liberté de conscience des citoyens du Québec ?

Or, ceci apparaît en contradiction avec la jurisprudence, qui confirme la protection accordée à liberté de conscience, dont l’arrêt Maurice c. Procureur général du Canada, [2002] CFPI 69. Dans cette affaire, on avait antérieurement servi au demandeur, détenu dans un établissement pénitentiaire, des repas végétariens parce qu’il adhérait à la foi Hare Krishna. Toutefois, lorsqu’il renonça plus tard à cette foi, il continua d’exiger des repas végétariens spéciaux, en se fondant sur sa liberté de conscience, soit son adhésion au végétarisme. Cela lui fut refusé, le Service correctionnel invoquant que le végétarisme ne se fondait sur aucune culture ou religion. La Cour fédérale a déclaré que l’approche du Service correctionnel était incohérente, ce dernier ne pouvant appliquer l’art. 2a) de la Charte canadienne d’une façon fragmentaire ; les deux libertés, soit la liberté de religion et de conscience, doivent être reconnues.

On peut lire le texte intégral dans le document PDF ci-joint.

Il faut obtenir l’autorisation de l’auteure pour reproduire ce texte sur d’autres sites ou ailleurs.

Tous droits réservés, Julie Latour, 2010.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 25 mai 2010



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.
Documents liés


Julie Latour, avocate, bâtonnière du Barreau de Montréal (2006-2007)

Sisyphe a le plaisir d’accueillir Julie Latour comme collaboratrice occasionnelle. Avocate bien connue, ancienne bâtonnière du Barreau de Montréal et engagée de longue date pour la justice et la cause des femmes, Julie Latour a récemment été nommée membre du Conseil du statut de la femme. C’est à titre personnel qu’elle signe cette chronique à l’enseigne de la liberté de pensée et de la réflexion critique. Elle s’intéressera aux questions d’actualité, à la politique et à la justice, dans l’optique particulière des droits des femmes, mais aussi à la littérature, à l’histoire et autres sujets.



    Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

© SISYPHE 2002-2010
http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin