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mercredi 27 octobre 2010

Pourquoi on aurait tort de légaliser la prostitution

par Daphne Bramham, Vancouver Sun






Écrits d'Élaine Audet



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Si la prostitution était un travail librement choisi, comme les forces pro-légalisation voudraient nous le faire croire, il est peu probable que l’âge moyen d’entrée dans cette « main-d’œuvre » serait de 14 ans.

Il est peu probable qu’entre les deux tiers et 90 pour cent des « travailleuses » dans ce secteur "choisi" auraient divulgué à des chercheures de Portland (Oregon), dans une étude récente, avoir subi l’inceste.

Il est peu probable que 82 pour cent des répondantes d’une étude menée récemment à Vancouver auraient déclaré avoir été agressées sexuellement dans l’enfance par au moins quatre abuseurs, ou que 95 pour cent auraient déclaré vouloir quitter le milieu.

Quelles sont les chances, si cela était vraiment un choix, que tant de gens qui font ce choix se trouvent à être des pauvres, des personnes immigrantes dénuées d’un niveau d’instruction suffisant ou des membres de groupes minoritaires ?

Enfin, s’il s’agit vraiment d’un travail que nous voudrions pour nos sœurs, nos mères, nos filles et nos amies, quelqu’un peut-il s’il vous plaît expliquer pourquoi tant de femmes prostituées ont besoin de drogue ou d’alcool pour passer la journée et pourquoi tant de personnes qui ont quitté cet emploi se voient diagnostiquer un trouble de stress post-traumatique ?

Vendre du sexe est déshumanisant et abrutissant pour la plupart des personnes qui le font. Cela n’est pas un jugement moral. C’est un fait.

Pourtant, la semaine dernière un juge ontarien a invalidé des articles clés de la législation canadienne en matière de prostitution et a de facto légalisé les bordels, le fait de vivre des produits de la prostitution et la communication à des fins de prostitution.

La juge Susan Himel a déclaré que ces lois étaient inconstitutionnelles et contraires aux garanties de liberté et de sécurité. La légalisation des bordels, a-t-elle dit, contribuerait à la sécurité des prostituées.

Mais Janine Benedet, professeure agrégée de droit à l’Université de la Colombie-Britannique, affirme qu’au mieux, cette décision pourrait « faire d’un travail extrêmement dangereux, un travail très dangereux ».

Elle cite deux cas survenus à Vancouver – tous deux en 2007.

Nicole Parisien, 33 ans, a été étranglée dans un immeuble à appartements de Kitsilano par Andrew Evans, un ancien joueur de rugby de l’UBC, qui lui a payé 200$ après avoir trouvé son nom et son numéro de téléphone sur le site Web « Craigslist ».

Evans a traîné le cadavre de Parisien à l’extérieur et l’a jeté à proximité d’un parc de stationnement à l’extrémité sud du pont de la rue Burrard.

Quant à Hong Wei Yin, son corps a été retrouvé dans le coffre d’une voiture. Elle avait aussi 33 ans et avait travaillé à l’intérieur, dans un salon de massage.

L’avocate Cleta Brown qualifie de « naïf, hypocrite et dangereux le fait de définir la prostitution seulement en termes de sécurité, de choix et d’autonomie individuelle ».

La prostitution, dit-elle, est une violation des droits de la personne et un obstacle à l’égalité : elle oppose les femmes et les enfants (la majorité des « travailleurs du sexe ») aux hommes, qui sont les principaux acheteurs.

Brown a contribué à la rédaction de la motion adoptée cet été par la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités qui appelle le gouvernement fédéral à adopter ce qu’on appelle le « modèle nordique », qui dépénalise l’activité prostitutionnelle tout en pénalisant ceux qui s’en servent.

La Fédération n’a reçu aucune réponse à sa demande.

La semaine dernière, le gouvernement fédéral a promis d’interjeter appel de la décision rendue en Ontario. Il serait plus intelligent et beaucoup moins coûteux de réécrire la loi sur la base des conseils de la majorité des groupes de femmes au Canada.

Ces groupes - tournés en dérision par le professeur de criminologie de l’Université Simon Fraser, John Lowman, comme ce qu’il appelle des « féministes radicales », par opposition aux adeptes de la légalisation, qu’il appelle « les féministes libérales » - comprennent entre autres deux groupes représentant d’anciennes « travailleuses du sexe », l’Association des femmes autochtones du Canada, l’Aboriginal Women’s Action Network, l’Asian Women Coalition Ending Prostitution, South Asian Women Against Male Violence, Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter et l’Association canadienne des centres contre les agressions à caractère sexuel.

Elles ne veulent pas la réduction des méfaits mais leur élimination, par l’abolition.

Le modèle nordique, d’abord instauré en Suède à contre-courant de la légalisation qui avait court aux Pays-Bas, en Allemagne, en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Nevada, criminalise les acheteurs de tout service sexuel.

En contrepartie, les personnes prostituées sont protégées contre toute poursuite et se voient offrir des services comme de la formation professionnelle, du counseling et du placement en emploi.

Les pays qui se rallient au modèle s’engagent à s’en prendre aux causes profondes qui amènent de force beaucoup de femmes et de jeunes à l’industrie du sexe - la pauvreté, les sévices vécus dans l’enfance et la dépendance - et à sensibiliser leur population au fait que l’achat de sexe est de la violence et une violation des droits humains fondamentaux.

Les résultats n’ont pas été parfaits. Mais depuis l’adoption du modèle, ces pays enregistrent des baisses de la prostitution, de la criminalité organisée et de la traite d’êtres humains.

Le Canada – et en particulier, Vancouver – présentent une feuille de route épouvantable pour ce qui est d’assurer la sécurité des « travailleuses du sexe » : des changements s’imposent désespérément à ce chapitre.

Mais repousser les femmes prostituées à l’intérieur n’est pas une solution.

Loin de les affranchir du joug d’une mauvaise loi et du lourd contrôle des proxénètes et des tenancières de maisons closes, elle fait de criminels organisés de simples gens d’affaires.

Elle adresse aux hommes et aux garçons le message qu’il est maintenant acceptable d’acheter des services sexuels, ce qui va presque assurément multiplier la demande pour la prostitution.

Et, élément terrifiant, la légalisation offre aux « travailleuses du sexe » la fausse assurance que, si un client devient violent, la police sera sur place à temps pour leur venir en aide.

 Texte original, "Why it would be wrong to legalize prostitution", Vancouver Sun, 6 octobre 2010

Mis en ligne sur Sisyphe, le 24 octobre 2010



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Daphne Bramham, Vancouver Sun



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