Au moment où vous lisez ce texte, le Conseil du statut de la femme aura été entendu en commission parlementaire pour faire connaître au gouvernement le fruit de sa réflexion sur les enjeux actuels de la Politique gouvernementale pour l’égalité entre les femmes et les hommes et formuler ses recommandations sur l’actualisation de la Politique avec la mise en œuvre, dès le printemps, d’un second plan d’action. J’affirme d’emblée que nous avons encore du pain sur la planche !
Le discours ambiant, fortement imprégné du mythe de « l’égalité-déjà-là », est très présent sur la scène publique québécoise. Le fait qu’à l’école, et jusqu’à l’université, les filles surpassent les garçons en nombre et obtiennent d’excellents résultats scolaires participe certainement à l’entretien de cette représentation erronée de la réalité. Résultat ? Il nous faut à nous, féministes, redoubler d’efforts pour expliquer la pertinence de nos actions pour qu’enfin, les écarts qui séparent les femmes des hommes dans bien des domaines finissent par être comblés. Car une fois les études terminées, la réalité frappe de plein fouet : des inégalités persistent entre les femmes et les hommes au Québec. La source de cette situation désavantageuse pour les femmes est la discrimination systémique à leur endroit, appuyée par la socialisation des individus en fonction de leur genre, et non de leur intérêt ou de leur potentiel, ainsi que par une propension à s’approprier des rôles différents, selon le sexe. Et les effets sont nettement observables.
La mise en œuvre du premier plan d’action découlant de la politique québécoise Pour que l’égalité de droit devienne une égalité de fait, adoptée en 2006, a certes eu des retombées tangibles, sans toutefois améliorer de façon significative les conditions de vie des femmes. Statistiques à l’appui, le taux d’emploi des femmes demeure inférieur à celui des hommes, alors que des écarts importants persistent entre le revenu d’emploi moyen des femmes et celui des hommes : elles touchaient, en 2008, 73% du revenu des hommes. De même, on observe toujours que la plupart des femmes exercent une profession traditionnellement féminine puisque près du tiers des salariées se concentrent dans 10 professions : secrétaire, vendeuse, éducatrice, commis, infirmière, etc. Il est aussi démontré que la présence des femmes parmi les élus demeure faible : elles représentent seulement 16% des maires au Québec, 29,3%des conseillers municipaux et 29,6% des députés à l’Assemblée nationale. Enfin, les femmes n’occupent que 15,8% des sièges des conseils d’administration des 100 plus grandes sociétés québécoises. Ce ne sont là que quelques exemples qui mettent en évidence l’importance, pour le gouvernement, de réitérer son engagement en faveur de l’égalité des sexes et d’adopter des mesures concrètes.
Comment ? De manière globale, le Conseil estime fondamental que soit reconnu ce fait : l’atteinte de l’égalité passe par la pleine participation des femmes au développement économique, social et environnemental du Québec. Les recommandations qui ont été formulées à la ministre de la Condition féminine touchent quatre volets : les inégalités économiques entre les femmes et les hommes ; l’organisation et le financement des soins de santé et des services sociaux ; l’accès des femmes aux postes de responsabilité ; l’intégration de la notion de développement durable au sein du principe d’égalité des sexes. Il importe aussi d’adopter des mesures et des programmes spécifiques visant à résoudre les inégalités vécues par les femmes.
De l’avis du Conseil, il est essentiel, pour parvenir à une réelle égalité de fait entre les femmes et les hommes, d’utiliser des données ventilées selon les sexes ainsi qu’une analyse différenciée selon les sexes (ADS) lors de l’élaboration des politiques gouvernementales, des grandes réformes et des projets de loi majeurs, comme l’exercice budgétaire annuel du Québec. L’ADS, qui permet de s’interroger sur les effets différenciés qu’auront les projets de loi et les politiques sur les femmes et sur les hommes, fait place à la correction du tir, voire mieux, à la prévention des effets discriminatoires sur les conditions de vie des femmes. D’ailleurs, il y aura lieu d’examiner si le Plan de retour à l’équilibre budgétaire que le gouvernement prévoit appliquer au printemps 2011, et dans lequel ministères et organismes feront des choix qui imposeront des sacrifices à la population, sera porté également par les femmes et par les hommes…
Instaurer une égalité des droits, des responsabilités et des possibilités pour les femmes et les hommes est un objectif ambitieux. Les sociétés qui s’y engagent sont appelées à transformer leur système, leurs institutions et les mentalités. En 1975, le Québec faisait un premier pas sur la voie de l’égalité en interdisant officiellement, dans la Charte des droits et libertés de la personne, la discrimination fondée sur le sexe. Un acquis renforcé en 2008 par des modifications apportées à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne (dont l’article 50.1 et le préambule) à la suite de la publication de l’avis du Conseil sur le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes et la liberté religieuse. Mais cette voie demeure parsemée d’embûches et nous sommes loin du fil d’arrivée !
En 2011, le Conseil fera connaître son point de vue sur la laïcité de l’État québécois. Pour l’organisme, jamais l’égalité des sexes ne doit être menacée ou bafouée, au Québec, au nom de la religion – peu importe laquelle ! À ce sujet, je vous invite à lire l’entrevue que j’ai accordée à la rédactrice en chef qui énonce clairement la position du Conseil.
Bonne et heureuse année à toutes et à tous !
Christiane Pelchat
Présidente Conseil du statut de la femme
Source : Mot de la présidente, dans la Gazette des femmes, qui est maintenant en ligne. Vous pouvez la consulter à l’adresse suivante :
http://www.csf.gouv.qc.ca/gazette/
– L’avis Intégrer les femmes aux grands choix économiques, sociaux et environnementaux est disponible au www.placealegalite.gouv.qc.ca
Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 janvier 2011