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lundi 15 août 2011

Les contre-vérités de l’affaire Bedford c. Canada : pourquoi décriminaliser la prostitution n’est pas une solution

par Laura Johnston






Écrits d'Élaine Audet



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J’ai récemment travaillé comme assistante de recherche pour l’avocate de l’une des intervenantes au pourvoi Bedford c. Canada. Cette affaire est une contestation de la constitutionnalité de trois dispositions du Code criminel canadien qui criminalisent des éléments de l’industrie de la prostitution. En bref, ces dispositions sont le fait de communiquer dans un lieu public à des fins de prostitution (qui criminalise essentiellement la prostitution de rue), la tenue d’une maison de débauche (qui criminalise les bordels) et le fait de vivre des produits de la prostitution (qui criminalise le fait de vivre en parasite de la prostitution d’une autre personne, c.-à-d. le proxénétisme). Les requérantes, Terri-Jean Bedford, Amy Lebovitch et Valerie Scott, ont soutenu que ces dispositions du Code criminel canadien violaient l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés – sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne – d’une manière qui déroge aux principes de justice fondamentale. En septembre 2010, la juge Himel de la Cour supérieure de l’Ontario a conclu au caractère inconstitutionnel de ces trois dispositions et les a abrogées. Cette décision a été suspendue en attendant un pourvoi en appel, qui a été entendu en juin à la Cour d’appel de l’Ontario. La position des procureurs généraux du Canada et l’Ontario était que les lois actuelles sur la prostitution devraient rester exactement comme elles sont. La position des requérantes en première instance était que les trois dispositions devaient être abrogées. Nous attendons présentement la décision de la Cour d’appel de l’Ontario quant à savoir si la décision de la juge Himel sera confirmée ou infirmée.

L’argument selon lequel décriminaliser la prostitution améliorerait les conditions des femmes prostituées semble intéressant à première vue. La première fois que je l’ai entendu, j’ai pensé que cela avait du bon sens. Mais quand j’ai commencé à travailler bénévolement dans un centre d’aide aux victimes de viol et dans une maison d’hébergement et que j’ai rencontré des femmes en situation de prostitution, j’ai compris que la décriminalisation ne résoudrait pas les problèmes réels grevant la vie des femmes. Ce texte constitue mon analyse de mes expériences d’intervenante de première ligne et de mon travail dans le dossier Bedford c. Canada. Je vais soutenir que la notion voulant que l’on puisse assurer plus de sécurité aux femmes en décriminalisant la prostitution repose sur un certain nombre de contre-vérités. Je ne pense pas que la position adoptée par les requérantes ou celle du gouvernement vont aider les femmes prostituées et, en conclusion, je vais parler d’une troisième solution, proposée par l’intervenante pour qui j’ai fait des recherches, la Coalition des femmes pour l’abolition de la prostitution.

La preuve déposée au procès comprenait 88 volumes, soit plus de 26 000 pages, incluant des recherches, des articles, des rapports et des affidavits déposés par des témoins experts et par des femmes possédant une expérience de la prostitution. Tous les éléments de preuve que je cite dans le présent article sont tirés du dossier public du procès.

Je veux mentionner brièvement que je vais utiliser le terme de « femmes prostituées ». Je reconnais que certaines personnes prostituées sont des hommes et des transgenres. Toutefois, la grande majorité des personnes prostituées sont des femmes, et la grande majorité des proxénètes et des prostitueurs (« clients ») sont des hommes. Neutraliser à l’égard du genre les mots de la prostitution équivaut à occulter le fait que la prostitution est une industrie genrée. J’utilise également le mot « prostituées » parce que j’ai été invitée par des femmes ayant une expérience de la prostitution à utiliser ce mot, plutôt que de normaliser le tort qui leur a été fait en utilisant un langage qui suggère qu’il s’agit d’un travail comme un autre. Mais je l’utilise aussi pour refléter le fait que la prostitution est en grande partie quelque chose qui est fait à des femmes par les choix et les actions d’hommes.

Contre-vérité No 1 - Cette affaire concerne la majorité des femmes prostituées.

Alan Young, l’avocat des requérantes, a facilement concédé que les arguments des requérantes ne s’appliquaient pas à la majorité des femmes en prostitution. Lorsqu’un des juges de la Cour d’appel l’a interrompu avec le commentaire que ses arguments semblaient prendre pour acquis que les femmes étaient de leur plein gré dans l’industrie, il a répondu : « Certaines travailleuses du sexe n’ont pas le choix ; pour certaines, c’est un choix. L’important est qu’il y a des gens – 5, 10, 20% de ce groupe – qui veulent se livrer au travail du sexe et à qui la loi ne le permet pas. » Le juge a alors demandé en quoi son argument concernait les femmes ayant été contraintes à la prostitution. Young a répondu : « Il ne le fait pas. C’est là un problème social que doivent résoudre les organismes d’assistance sociale et les travailleurs sociaux. Je ne veux pas sembler désinvolte, mais nous ne sommes pas ici pour résoudre une situation de crise. »

Le juge lui a alors demandé : « Donc ce que vous affirmez aujourd’hui ne s’applique qu’aux femmes qui sont de leur plein gré dans l’industrie ? »

Et Young a répondu : « Très certainement. »

Les estimations de Young quant à la proportion des femmes pour qui la prostitution est un choix volontaire pourraient bien s’avérer exactes. Dans une recherche déposée au procès et menée auprès de 989 femmes dans 9 pays, dont le Canada, 89% des femmes interviewées ont dit vouloir quitter la prostitution. Dans une autre étude, également déposée au procès et menée dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, 92% des femmes prostituées interviewées ont déclaré souhaiter quitter la prostitution.

    Traits communs aux femmes prostituées

Quelles sont les forces qui maintiennent la majorité des femmes dans la prostitution, alors qu’elles disent vouloir en sortir ? Il était clair à la lecture des recherches versées au dossier d’instruction et des affidavits déposés par les femmes, que les femmes prostituées ont beaucoup de choses en commun. Presque toutes les femmes ont témoigné que la pauvreté était la raison de leur entrée dans la prostitution. Terri-Jean Bedford a déclaré, lors du contre-interrogatoire : « La pauvreté vous gruge les talons. » Une autre femme qui a déposé un affidavit en appui aux requérantes a déclaré qu’elle tentait d’élever un enfant ayant de graves problèmes cardiaques, et que l’aide sociale ne suffisait pas à ses besoins. L’âge moyen d’entrée dans la prostitution a été signalé comme étant de 14 et 15 ans dans les recherches versées au dossier. Beaucoup des femmes ayant déposé des affidavits avaient été prostituées à l’adolescence – en fait, deux des requérantes étaient mineures, et la troisième avait 18 ans. Les femmes autochtones et les femmes « racialisées » sont surreprésentées dans l’industrie de la prostitution. Bon nombre des femmes prostituées ont été victimes d’inceste ou molestées au cours de leur enfance. Beaucoup d’entre elles ont été retirées de leur famille dans l’enfance et prises en charge par l’État. Elles ont généralement de faibles niveaux d’éducation – beaucoup des femmes qui ont déposé des affidavits n’avaient pas terminé leur cours secondaire. Et ce ne sont là que quelques-uns des facteurs qui entretiennent la prostitution des femmes.

Les lois concernant la prostitution peuvent aussi limiter ou faciliter la capacité des femmes de sortir de la prostitution. Criminaliser les femmes prostituées contribue à les maintenir dans la prostitution et n’est pas une solution. Une femme, qui a été reconnue coupable d’une infraction liée à la prostitution, rencontre encore plus d’obstacles pour sortir de la prostitution et de restrictions sur d’éventuels emplois quand elle possède un casier judiciaire.

Cependant, je réfute l’affirmation des requérantes à l’effet qu’une dépénalisation des clients et des proxénètes n’aura aucun effet sur la majorité des femmes. Je pense que supprimer la possibilité de sanctionner les actions des hommes dans l’industrie de la prostitution augmentera les torts causés à la grande majorité des femmes qui veulent en sortir. Des éléments de preuve de l’expérience d’autres pays montrent que supprimer le facteur de dissuasion pénale pour les hommes conduit à une demande accrue de prostitution et à une prolifération des industries de la prostitution légale et illégale. Pourquoi alors centrer le droit sur les 10% de femmes qui disent vouloir continuer dans la prostitution, plutôt que sur les 90% qui disent vouloir en sortir ?

Contre-vérité No 2 - La décriminalisation poussera les femmes de la prostitution de rue à la prostitution à l’intérieur.

Les requérantes soutiennent que la prostitution de rue est la pire forme de prostitution, et que les femmes prostituées dans la rue pourront se déplacer à l’intérieur après la décriminalisation. Toutefois, les éléments de preuve issus d’autres pays qui ont décriminalisé les bordels montrent que les femmes prostituées dans la rue ne se déplacent pas vers une prostitution à l’intérieur. La juge Himel elle-même, auteure de la décision de première instance qui est portée en appel, a remarqué qu’« alors que l’on espérait que le PRA (Prostitution Reform Act, 2003, de la Nouvelle-Zélande) amènerait les prostituées de rue (11 pour cent du commerce du sexe en Nouvelle-Zélande) à se déplacer à l’intérieur, des éléments probants indiquent qu’il se fait peu de mouvement entre la rue et les secteurs de l’industrie où la prostitution est pratiquée à l’intérieur » (Traduction). Il est également clair, à la lecture du dossier, que la légalisation de la prostitution aux Pays-Bas n’a pas atteint son objectif d’éliminer la prostitution de rue. À Amsterdam, il existe des zones bien délimitées pour la prostitution de rue, y compris des abris en béton où les hommes peuvent entrer en voiture pour utiliser des femmes prostituées. La juge Himel a noté la « sécurité » de ces abris, en soulignant que les femmes pourraient être en mesure de s’entendre crier l’une l’autre si elles sont aux prises avec un prostitueur violent.

Beaucoup de femmes ayant une expérience de la prostitution m’ont dit que la première règle imposée aux femmes dans un bordel, c’est que vous ne pouvez avoir bu ou pris de la drogue. Et les femmes prostituées dans les bordels légaux doivent subir périodiquement des tests de dépistage d’infections sexuellement transmissibles. (Pourtant, aucun régime légalisé de prostitution n’exige des prostitueurs de subir ces contrôles d’IST.) Compte tenu que beaucoup de femmes prostituées dans la rue sont aux prises avec des dépendances et des maladies, il est douteux qu’elles seraient même acceptées dans des bordels.

Contre-vérité No 3 - La décriminalisation rendra sécuritaire la prostitution à l’intérieur.

Les requérantes font valoir que la criminalisation de la communication à des fins de prostitution accroît la violence des hommes, puisque les femmes prostituées dans la rue doivent se déplacer vers des zones plus sombres et plus isolées pour éviter d’être arrêtées. Mais, s’il est vrai que les lois actuelles mettent en danger les femmes en les poussant vers des zones isolées où il y a moins de témoins, le fait de repousser ces femmes complètement hors de vue du public, derrière les portes closes d’un bordel, ne contribuera pas à leur sécurité.

Les arguments à l’effet que le risque vécu par les femmes est plus élevé dans la rue qu’à l’intérieur, ou que la victimisation est moins susceptible de se produire à l’intérieur, impliquent tous que la violence arrive en quelque sorte accidentellement et que la « victimisation » et le « risque » sont le lot des femmes. Mais les femmes ne s’attaquent pas elles-mêmes. Ce ne sont pas non plus l’extérieur, les rues ou l’obscurité qui attaquent les femmes. Les femmes sont agressées par des prostitueurs et par des proxénètes. Comme le comportement des hommes est la source de la violence dans la prostitution, si nous voulions réellement contrer la violence dans la prostitution, nous tenterions de changer le comportement des hommes, plutôt que l’emplacement physique des femmes.

Les femmes qui ont déposé des affidavits sur leur expérience en prostitution ont déclaré qu’être prostituée à l’intérieur n’est pas sécuritaire. Certaines femmes ont dit qu’elles préféraient la prostitution dans la rue parce qu’elles y trouvaient plus de contrôle et pouvaient garder davantage de leurs gains. Être prostituée à l’intérieur signifie que c’est le ou la propriétaire du bordel qui négocie avec les prostitueurs. Cette personne, qu’elle soit appelée proxénète, propriétaire ou gestionnaire d’agence, a un intérêt économique à ce que les femmes satisfassent les prostitueurs ; elle est donc plus susceptible d’agréer l’exigence des prostitueurs d’avoir des rapports sexuels sans préservatifs et d’imposer des actes sexuels auxquels les femmes elles-mêmes ne consentiraient pas autrement.

L’une des requérantes, Amy Lebovitch, a témoigné dans son affidavit qu’un prostitueur l’a ligotée et violée lorsqu’elle travaillait dans un bordel. Personne n’est intervenu et elle a été ainsi ligotée durant près d’une demi-heure avant que quelqu’un ne la trouve. Une autre femme ayant déposé un affidavit avait ceci à dire : « J’ai été violée et sodomisée par des prostitueurs alors que je travaillais dans des salons de massage, et j’ai eu trop peur et trop honte pour faire de bruit ; d’ailleurs je n’aurais pas même su qui appeler. Parfois, j’entendais les autres filles crier ou pleurer, et je ne savais pas si cela faisait partie d’une mise en scène ou était réel. Je ne suis jamais intervenue (...) Les cris étaient fréquents à cet endroit, et personne ne s’est jamais impliqué. » Il n’est pas exactement bon pour les affaires de signaler un « client » violent à la police, même dans un régime de légalisation.

Enfin, une preuve abondante a été déposée au dossier d’instruction à l’effet que, dans les pays où la prostitution est dépénalisée, les bordels légaux servent à couvrir la prostitution des enfants, la traite des femmes et des liens avec le crime organisé. Aux Pays-Bas et en Australie, le secteur illégal constitue plus de la moitié de l’industrie de la prostitution. La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes a signalé que, dans la seule année 2004, 405 cas de traite des femmes ont été découverts aux Pays-Bas. La spécialiste néerlandaise du dossier a signalé qu’il s’était produit au moins 50 meurtres documentés de femmes prostituées aux Pays-Bas entre 1992 et 2004 : plusieurs de ces femmes ont été « assassinées dans un bordel ou une ‘vitrine’, et quelques-unes l’ont été chez elles par leur proxénète ». Elle a résumé ses conclusions en disant : « [L]a nouvelle loi de 2000 sur la prostitution ne signifie pas que les prostituées sont plus en sécurité aujourd’hui. La capacité de « travailler » à l’intérieur, la décriminalisation de la prostitution organisée et la légalisation du travail du sexe n’ont pas supprimé pour elles le risque d’être battues, maltraitées ou forcées (...) En bref, les objectifs cités à l’appui de la nouvelle législation – réduire la violence contre les femmes et l’exploitation des femmes – n’ont pas été atteints. »

Contre-vérité No 4 - La décriminalisation assurera plus de sécurité aux femmes prostituées dans la rue.

Les requérantes se sont appuyées sur l’argument selon lequel, dans un effort pour éviter d’être arrêtées pour communication à des fins de prostitution, les femmes prostituées accélèreraient la négociation avec un prostitueur avant de monter dans sa voiture. Elles ont soutenu que cela diminue le temps dont dispose une femme pour dépister un éventuel prostitueur violent.

Laisser entendre que si une femme avait quelques minutes, ou même quelques heures, de plus pour étudier et « dépister » les hommes qui seront violents est une notion ridiculement dangereuse. C’est aussi ridicule que de suggérer qu’une femme aurait dû savoir que l’homme qu’elle a passé la soirée à « étudier » lors d’une sortie allait la violer. C’est aussi ridicule que la suggestion qu’une femme aurait dû savoir que l’ami qu’elle « étudiait » dans une relation de couple depuis un an allait la frapper. Une femme est tuée chaque semaine en moyenne au Canada par un partenaire ou un mari qu’elle avait « étudié », avec qui elle avait vécu, qu’elle avait aimé et avec qui elle avait eu et élevé des enfants pendant des années. Si le mouvement des femmes a révélé quelque chose, c’est que tout homme peut choisir de faire usage de violence, et que la femme à qui il inflige cette violence n’en est pas responsable.

En fait, l’idée d’un dépistage évite le problème de la violence en prostitution. Elle va même jusqu’à accepter l’existence actuelle et future de prostitueurs violents qui vont continuer à tenter de solliciter des femmes. Elle reporte sur les femmes à titre individuel la responsabilité qu’ont les États de mettre fin à la violence des hommes. Peu importe la quantité de « formation » ou de temps accordée aux femmes, si rien n’est fait pour arrêter la violence des prostitueurs, certains vont en arriver à leurs fins. Cette approche accepte qu’une femme quelque part « échouera » à ce dépistage ou qu’elle aura assez désespérément besoin d’argent pour accepter de monter dans une voiture, même si elle craint que ce prostitueur puisse être violent. Laisser entendre qu’une femme prostituée devrait être en mesure de prédire comment un prostitueur va se comporter équivaut à pousser à l’extrême le blâme de la victime. À partir de maintenant, quand une femme prostituée sera agressée, violée, étranglée ou assassinée, ce sera parce qu’elle a échoué à dépister correctement son prostitueur…

Contre-vérité No 5 - La décriminalisation permettra aux femmes prostituées d’embaucher des gardes du corps ou des chauffeurs, et empêchera que des partenaires aimants et des enfants soient accusés de proxénétisme.

Les requérantes prétendent que l’interdiction de vivre des produits de la prostitution empêche les femmes prostituées d’embaucher du personnel de protection sous la forme de gardes de sécurité et de chauffeurs. J’ai aussi entendu des prétentions encore plus outrancières à l’effet qu’un tendre conjoint ou ami de cœur ou l’enfant handicapé d’une femme prostituée peut être mis en accusation au nom de cette disposition. Ce genre d’accusation n’a tout simplement jamais lieu. La Cour suprême du Canada a statué, dans l’affaire R. c. Downey, que la définition légale de « vivre des produits » était le fait de « vivre en parasite des revenus d’une personne prostituée ». Cela signifie qu’il ne suffit pas d’être financièrement dépendant de quelqu’un ayant une source de revenus. Pour être condamné, vous devez avoir un intérêt économique à la prostitution continue d’une autre personne.

Qui porterait plainte à la police dans le cas d’un tendre mari ou partenaire qui appuie et partage les frais de subsistance avec une femme gagnant de l’argent par la prostitution, mais qui n’a d’aucune façon encouragé cette femme, n’a pas fait pression sur elle et ne l’a pas forcée à continuer de se prostituer ? Et si cette situation venait à l’attention d’un service de police, il est hautement improbable que ces personnes seraient mises en accusation, car le pouvoir discrétionnaire de la Couronne signifie que celle-ci ne procédera à une accusation que si c’est dans l’intérêt du public et qu’il y a une probabilité de condamnation suffisante. Dans l’affaire R. c. Grillo, la Cour d’appel de l’Ontario a statué qu’« une personne peut choisir de se marier ou de vivre avec une personne prostituée, sans encourir de responsabilité pénale » (Traduction).

Les proxénètes qui prostituent des femmes ne sont pas des partenaires qui les appuient ou des gardes du corps bienveillants. Ce sont des hommes qui emploient la violence physique et sexuelle, les drogues et la manipulation psychologique pour soutirer de l’argent aux femmes. C’est exactement ce que révèle une recherche jurisprudentielle à propos des personnes inculpées pour avoir vécu des produits de la prostitution. Pas une seule de ces causes n’a conduit à la condamnation d’une personne ayant un lien affectif et de soutien ou étant le ou la partenaire d’une femme prostituée. Dans leurs affidavits adressés au tribunal, beaucoup de femmes ayant connu la prostitution ont révélé que l’homme qu’elles appelaient leur petit ami était en fait leur proxénète.

L’accusation de « vivre des produits de la prostitution » est avantageuse parce que c’est une des seules accusations du Code criminel en matière de violence anti-femmes où les forces de l’ordre peuvent procéder sans une déposition ou un témoignage de la femme en cause. Les autres dispositions du Code que recommandent les lobbyistes pro-prostitution pour tenir tête aux proxénètes exploiteurs exigent des femmes qu’elles fassent une déclaration et témoignent contre l’homme qui abuse d’elles. Beaucoup de femmes prostituées ont trop peur pour leur sécurité pour se livrer à ces démarches. C’est dire que la suppression de cette disposition du Code priverait l’État de l’une des seules méthodes dont il dispose pour contrer les proxénètes.

Contre-vérité No 6 - Il existe des exemples où la décriminalisation de la prostitution a été un succès.

Young a affirmé que dans les pays où la prostitution a été décriminalisée, les choses vont mieux et personne ne fait marche arrière en reconnaissant avoir fait erreur. C’est faux. La Suède a bel et bien « fait marche arrière » en 1999, lorsqu’elle est passée d’un régime de dépénalisation complète à un système où les prostitueurs et les proxénètes sont criminalisés et les femmes prostituées sont dépénalisées. À Amsterdam, le maire de la ville a annoncé, lors d’une conférence de presse en 2007, que la décriminalisation de la prostitution avait échoué : « Près de cinq ans après la levée de l’interdiction des bordels, nous devons reconnaître que les objectifs de la loi n’ont pas été atteints », a alors déclaré Job Cohen, ajoutant que, « dernièrement, nous recevons de plus en plus de signaux que la violence se poursuit toujours ». Un officier de police d’Amsterdam, cité dans les médias, a déclaré : « Nous vivons présentement une forme contemporaine d’esclavage. » La spécialiste néerlandaise a signalé dans son affidavit que « le gouvernement des Pays-Bas prévoit maintenant changer la loi à nouveau, ceci parce que la législation de 2000 n’a pas réalisé certains de ses plus importants objectifs – ceux de rompre le lien entre la prostitution et le monde du crime, d’améliorer les conditions de travail de l’ensemble des prostituées, et de réduire la traite des femmes et la prostitution forcée ». Les études versées au dossier d’instruction sur la situation qui prévaut aujourd’hui en Allemagne, en Australie et en Nouvelle-Zélande ont montré que la décriminalisation n’a pas amélioré les conditions de la prostitution.

Les rapports concernant ces régimes montrent invariablement que l’industrie de la prostitution – légale et illégale – prend de l’expansion après une dépénalisation. C’est logique : supprimer les sanctions pénales contre la prostitution adresse aux hommes le message que leur comportement prostitutionnel est acceptable. Dans un système capitaliste, la concurrence accrue entre les « entreprises » de prostitution mène à des baisses de prix, à une demande accrue pour des actes sexuels risqués et plus violents, et à une pression accrue sur les femmes pour qu’elles tolèrent les comportements du « client ».

Contre-vérité No 7 - La décriminalisation permettra d’éviter l’apparition de nouveaux prédateurs comme Robert Pickton.

Dans sa plaidoirie, Young a souvent utilisé des phrases comme « afin que les femmes ne finissent pas sur une ferme porcine » et « pour que les femmes ne se retrouvent pas avec un nouveau Pickton ». Mais il n’existe rien dans un régime de légalisation qui aurait empêché Pickton d’assassiner des femmes prostituées. Il est hautement improbable que les femmes tuées par Pickton auraient été admises dans un bordel légal. Mais même si elles l’avaient été, Pickton n’a pas eu recours aux maisons closes : il a sollicité des femmes dans la rue.

La notion que les femmes peuvent « dépister » les prostitueurs violents s’effondre quand on examine le cas de Pickton, qui était bien connu comme prostitueur. Les femmes et les groupes communautaires du quartier Downtown Eastside vous diront que Pickton avait l’habitude d’amener les femmes prostituées et leurs enfants à la foire de la Pacific National Exhibition. Certaines des femmes qu’il a tuées avaient déjà visité sa ferme et en étaient revenues saines et sauves. Elles ne pouvaient (pas plus que vous et moi) prédire sa violence. Mais même après que les femmes aient commencé à se méfier de Pickton, il a réussi à les convaincre de venir à sa ferme, a-t-il admis lors de son procès, en se servant d’autres tactiques, comme leur offrir plus d’argent et se servir d’une passagère pour les rassurer. Les femmes vivant dans la pauvreté n’ont pas toujours la marge de manœuvre pour dire non à des prostitueurs dont le comportement les inquiète. Si nous ne faisons rien pour contrer les prostitueurs, ils trouveront toujours quelque part une femme pour monter avec eux.

Par ailleurs, comme les requérantes ont reconnu que cette cause ne concernait que les quelque 10% de femmes qui sont en prostitution volontairement, il y a une contradiction fondamentale à exploiter le souvenir des victimes de Pickton en appui à leur plaidoirie. Lorsque l’un des juges a demandé à Young s’il serait acceptable pour ses clientes de laisser la prostitution de rue criminalisée et de dépénaliser la tenue d’une maison de débauche, il a répondu que oui. Il a poursuivi en expliquant que le cœur de cette affaire était l’article interdisant les maisons de débauche. Ce qui signifie qu’il n’aurait pas de problème à continuer à criminaliser les femmes même dont il utilise les meurtres comme argument de légalisation des bordels.

En somme, cette affaire vise à garantir aux hommes l’accès sexuel à des femmes et à décider quelles femmes leur seront accessibles.

La décriminalisation veillera à ce que l’on puisse opérer des bordels et à ce que des hommes puissent tirer de l’argent de la prostitution des femmes et réclamer l’accès sexuel à des femmes – le tout sans crainte de sanction pénale. Si nous acceptons la demande prostitutionnelle des hommes comme une fatalité, nous acceptons qu’il doive exister un groupe de femmes qui vont répondre à cette demande. Je pense que cette affaire consiste vraiment à décider quelles femmes subiront le fardeau de la demande prostitutionnelle des hommes. Le fait que les pauvres, les Autochtones, les femmes « racialisées », les toxicomanes et les victimes de violence sont surreprésentées parmi les femmes prostituées n’est pas une coïncidence. Je ne crois pas non plus que ces faits sont, comme le prétend Young, « des écrans de fumée » dans une discussion sur la prostitution. Il s’agit au contraire d’indicateurs très inquiétants que notre société est marquée par l’inégalité et que c’est ce contexte d’inégalité qui crée et alimente un bassin de femmes pour la prostitution.

Mais Young a pris soin d’éviter de parler de cela. En fait, il n’a même pas mentionné la prostitution des femmes des Premières nations jusqu’à ce que l’une des juges lui demande si beaucoup des femmes (prostituées) étaient d’origine autochtone. Young a répondu : « Oui et non ». Il a poursuivi en disant que même si ce fait n’était pas vraiment clair, l’important était que si une personne passait à la prostitution à l’intérieur et évitait de finir sa vie dans une ferme porcine, cela en vaudrait la peine.

La prostitution est l’un des effets dévastateurs qu’a eus le colonialisme sur les femmes des Premières nations. Ce fait doit être mis à l’avant-plan de toute discussion sur la prostitution. Les femmes des Premières nations dans la prostitution sont celles qui subissent le plus de violence et d’humiliation pour le moins d’argent. Les femmes autochtones ont pris la parole en nombre pour résister à la prostitution. Je vous encourage à lire les déclarations faites à ce sujet par des groupes comme l’Association des femmes autochtones du Canada ou le Réseau d’action des femmes autochtones.

Mais beaucoup de voix ont été incapables de se rendre dans ce prétoire ou ne l’ont pas fait. Terri-Jean Bedford a admis en entrevue au Toronto Star qu’une douzaine de personnes acquittaient les frais juridiques de son litige, dont cinq de ses anciens prostitueurs. Elle a dit que ces hommes souhaitaient rester anonymes, mais qu’ils avaient payé « d’énormes sommes d’argent » et lui avaient fourni une maison, un emploi et de l’argent. Il y a donc des prostitueurs qui financent l’avancement de cette affaire.

Quelle est la solution ?

Bien que je pense que la position des requérantes aggraverait les torts faits aux femmes prostituées, la position prise par le gouvernement, qui continue à criminaliser les femmes prostituées, est elle aussi inacceptable. L’interdiction de communiquer à des fins de prostitution traite les acteurs de l’industrie de la prostitution – les prostitueurs qui choisissent d’exiger des rapports sexuels pour de l’argent et les femmes prostituées – comme s’ils et elles disposaient d’un pouvoir égal. Ce n’est pas le cas. Le fait de criminaliser les femmes contribue à enchâsser le tort qui leur est fait et constituera un obstacle de plus à leur sortie de la prostitution.

Mais une troisième position a été soumise au tribunal par l’intervention de la Coalition des femmes pour l’abolition de la prostitution. Cette coalition est composée de sept groupes de femmes canadiens : L’Association des femmes autochtones du Canada, l’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, l’Association canadienne des centres contre les agressions sexuelles, la Vancouver Rape Relief Society, Action ontarienne contre la violence faite aux Femmes, la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle et le Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. L’effectif de ces organisations représente des milliers de femmes et plusieurs décennies d’expertise antiviolence et féministe.

La Coalition des femmes soutient la position que la prostitution est un tort perpétré contre les femmes par les proxénètes et les prostitueurs, et qu’elle devrait être abolie. Elle affirme que la prostitution existe en raison de la demande masculine, et que c’est cette demande qui devrait être pénalisée. Elle a demandé au tribunal de criminaliser le comportement prostitutionnel des proxénètes et des prostitueurs et de dépénaliser les femmes prostituées. En termes juridiques, la Coalition des femmes a fait valoir le caractère généralement constitutionnel des dispositions criminalisant le fait de vivre des produits de la prostitution de quelqu’un d’autre et la tenue d’une maison de débauche ; par contre, elle a soutenu que la disposition criminalisant la communication à des fins de prostitution était inconstitutionnelle lorsque appliquée aux femmes prostituées, mais constitutionnelle dans son application aux prostitueurs. Je vous encourage à lire le mémoire déposé par la Coalition des femmes (Fichier PDF). (1)

Ce modèle juridique a été inauguré en Suède, mais a depuis été adopté par d’autres pays comme la Norvège et l’Islande. Depuis que la Suède a pris l’initiative en 1999 de criminaliser le proxénétisme et l’achat du sexe et de dépénaliser la vente de sexe, la majorité des femmes prostituées dans ce pays ont été en mesure de quitter la prostitution. Les Suédois ont assorti ce changement législatif d’une campagne d’éducation publique visant à décourager la demande masculine de prostitution et ont mis sur pied des programmes de services sociaux offrant aux femmes prostituées des services de sortie, de logement, de désintoxication, d’éducation et de formation professionnelle. Le rapport publié récemment par une chercheuse indépendante sur les onze ans de cette expérience a montré que l’industrie de la prostitution avait diminué de façon spectaculaire en Suède, alors que les industries de la prostitution avaient pris de l’ampleur dans ses pays voisins. Cette approche globale est une initiative que devrait adopter le Parlement canadien, et nous pouvons toutes et tous nous engager en faisant pression sur nos élu-es à cette fin.

    Abolir la prostitution est possible

Lorsque l’avocate de la Coalition des femmes a terminé sa plaidoirie, le tribunal a ajourné pour une pause et des conversations se sont amorcées. J’ai surtout entendu des gens réagir ainsi : « Wow, c’était une plaidoirie efficace, mais vous n’arriverez jamais à abolir la prostitution. » Un avocat nous a même dit : « Vous vous imaginez abolir la prostitution ? Ce serait fantastique : allez-y, je serais ravi de vous voir y arriver. »

En guise de conclusion, je veux répondre à cet argument selon lequel « la prostitution est inévitable », parce que je l’ai entendu tant de fois et parce qu’il est tellement illogique. En réponse, je voudrais d’abord remarquer que nous ne décidons presque jamais de supprimer des lois pénales interdisant quelque chose pour la seule raison que ce phénomène existe depuis longtemps. Pouvez-vous imaginer le fait de soutenir que l’assassinat devrait être décriminalisé parce qu’il se produit depuis la Préhistoire, alors aussi bien le légaliser ?

Deuxièmement, l’argument « vous ne pouvez y mettre fin, alors pourquoi essayer ? » a été la réponse opposée à beaucoup de mouvements sociaux qui se sont efforcés de résoudre des inégalités systémiques profondément ancrées. Lorsque des abolitionnistes ont fait valoir que l’esclavage aux États-Unis devait être supprimé, elles et ils se sont vu opposer les arguments que la société ne pourrait jamais exister sans l’esclavage, que beaucoup d’esclaves appréciaient leur sort, qu’il suffisait de réformer l’esclavage de façon à ce qu’il comporte moins de meurtres, de coups de fouet et de raclées. J’ai été informée par des féministes antiviolence qui militaient au cours des années 1970 que lorsqu’elles ont suggéré que la violence conjugale était injustifiée, beaucoup de gens leur ont opposé que la violence conjugale ne pourrait jamais être abolie et que les femmes devraient simplement aller se remettre chez leur mère durant quelques jours, puis faire la paix avec leur homme. Pourtant, nous reconnaissons aujourd’hui à titre de société que l’esclavage et la violence conjugale sont inacceptables.

Enfin, il n’y a aucune logique à présumer que le fait qu’une chose existe entraîne qu’elle existera toujours. Il est insultant pour les hommes de penser qu’ils sont incapables de changer leur comportement prostitutionnel. Je suis convaincue que les hommes peuvent tout à fait traiter les autres avec respect, former des relations intimes et partager du plaisir sexuel consensuel avec d’autres personnes. Le seul monde où nous avons vécu en est un contrôlé par les hiérarchies de pouvoir du sexisme, du racisme et du classisme. J’ai tout lieu de croire que dans un monde libre de ces inégalités sociales, la prostitution n’existera plus.

Laura est une étudiante en droit qui a travaillé pour Janine Benedet, l’avocate de la Coalition des femmes pour l’abolition de la prostitution, une des parties ayant eu statut d’intervenante dans le pourvoi en appel de la décision Bedford c. Canada, entendu par la Cour d’appel de l’Ontario en juin 2011.

*Toutes les données et études citées dans le présent article sont tirées du dossier de l’affaire Bedford c. Canada.

Note

1. Résumé de l’intervention en Cour d’appel de l’Ontario de la Coalition féministe pan-canadienne pour l’abolition de la prostitution.

* Lire aussi :

 "Position juridique de la position des femmes pour l’abolition de la prostitution"
 Extraits des Affidavits des membres de la Coalition des femmes pour l’abolition de la prostitution

 Ce texte a été rédigé en anglais par Laura Johnston, traduit par Martin Dufresne et relu par Michèle Briand et par Sisyphe. Tous droits réservés à Laura Johnston qui a autorisé cette publication sur Sisyphe. Version originale sur le blogue « The F Word ».

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Mise ligne sur Sisyphe, le 12 août 2011



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Laura Johnston



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