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vendredi 20 avril 2012 Caroline Fourest paie-t-elle le prix du féminisme ou de sa lutte contre les intégrismes religieux ?
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L’auteure explique le contexte dans lequel des intellectuel-les et "certaines gauches" ciblent Caroline Fourest, journaliste et féministe engagée contre toutes formes d’intégrisme religieux. Erreur sur la personne ou soutien à l’islamisme politique ? Aussi abandon des femmes qui aspirent à exercer leurs droits fondamentaux et au respect, en France et ailleurs.
Pourquoi s’attaquer à Caroline Fourest ? Par ignorance ou par intimidation ? Caroline Fourest est connue pour ses engagements de lutte contre l’extrême droite et contre le FN. C’est sa spécialité. Elle a écrit et réalisé de nombreuses enquêtes (livres et documentaires) à ce sujet (1). Elle décortique et dénonce les discours de haine des extrémistes, cette haine basée sur la peur et sur le rejet de l’autre. C’est peut-être aussi ce combat qui l’a sensibilisée à une autre haine. La haine basée sur la religion. Discours qui considère l’autre comme impur et qui le condamne à mort, qui veut sa disparition. Caroline Fourest a très rapidement saisi que les deux extrêmismes - droite et religieux - se rejoignent. Se nourrissent. Sur la scène politique et médiatique, il est rare de trouver une femme ou un homme qui montre tant de lucidité, d’intégrité et de courage pour dénoncer et pour combattre les extrémistes de tous bords. En Europe et surtout en France, s’il est très facile et même bien vu de dénoncer l’extrême droite traditionnelle, il n’en est pas de même concernant les extrémismes religieux, surtout celui de l’islam. Sur la scène publique, le manque de perspicacité, la paresse intellectuelle, l’absence de conscience politique et la lâcheté d’esprit de beaucoup les conduisent à éviter de critiquer l’islamisme, parce que peut-être « intouchable ». Et il n’y a personne sur la scène publique et politique qui lutte, comme le fait Caroline Fourest, contre les extrémismes religieux, islamisme y compris. Elle, elle n’esquive pas, ne se détourne pas. Elle combat. En France, mais aussi sur la scène internationale. Dans un documentaire concernant Durban II, cette conférence du « Conseil des Droits de l’Homme » portant sur la lutte contre le racisme, Caroline Fourest a démontré comment sous l’influence de pays membres de l’O.N.U. les plus liberticides comme la Libye de l’époque (aujourd’hui dans les mains d’islamistes pires que jamais), ou l’Égypte (idem) et l’Iran, le Conseil n’a en réalité jamais traité du « racisme », sujet de la conférence, mais s’est attaqué au contraire au thème du « blasphème ». Ainsi, au lieu de lutter contre l’apartheid sexiste (2), contre l’homophobie ou contre les discriminations touchant les minorités dans ces pays, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a attaqué et réduit davantage la liberté d’expression individuelle et collective, comme par exemple le droit de critiquer les religions, qualifié alors de « blasphème ». Ceci dans des pays où l’homosexualité est un crime et est « châtiée » par la peine de mort. Où les femmes sont fouettées pour le port de « mauvais héjab ». Et où, lorsque une personne s’avise de critiquer l’islam ou de changer de religion, tous les autres musulmans sont alors autorisés à l’assassiner. La religion, instrument politique Dans le contexte que nous vivons, nous reculons sur le plan des libertés et nous sommes entré-es dans l’ère du capitalisme sauvage. Dans un tel contexte, afin que les riches puissent continuer à s’enrichir comme des sangsues s’attaquant à la vie des autres, il leur faut diviser les peuples et diviser leurs luttes. Il leur faut neutraliser leurs colères. Quel meilleur outil alors que la religion pour y parvenir ? Par exemple, Sarkozy préparant sa présidence, savait très bien que sa politique capitaliste mettrait des milliers de personnes sur le pavé et engendrerait plus d’exclusion. C’est pourquoi il s’est efforcé de créer le « Conseil français du Culte musulman » (CFCM) dans la pure logique de capitalisme et de destruction des services sociaux, qui nécessite effectivement, pour mieux manipuler les gens, que chaque religion s’occupe de ses pauvres, ou bien à chaque misère, une religion qui vienne fort à propos canaliser les révoltes. Sarkozy a promulgué très sournoisement une hypocrite loi contre la burqua, alors que c’est justement à cause de ses choix et de ses efforts que toute discussion sur le voile, ce symbole de domination masculine sur le corps des femmes, a été cadenassée. Et aujourd’hui on ne peut que constater la propagande du voile, ce drapeau noir (3). Sarkozy est allé encore plus loin que l’on pouvait le redouter car il a contribué à faire connaître le congrès annuel de l’Union des Organisations Islamiques de France (l’UOIF). Cette mouvance, sous la tutelle idéologique des Frères musulmans, a considérablement élargi son audience française depuis sa reconnaissance institutionnelle par Nicolas Sarkozy au sein du Conseil français du Culte musulman (CFCM). Le mentor de l’UOIF venait régulièrement en France. Ce ne sera pas le cas cette année en raison de l’alerte publique sur cette organisation lancée par le journaliste Mohamed Sifaoui, alerte qui a été écoutée en raison du contexte dramatique. Ainsi, sous la pression d’un scandale bien légitime, les autorités françaises ont quand même dû faire marche arrière et déclarer le mentor de l’UOIF persona non grata. (4) Le danger est là, mais depuis des années, et à chaque offensive des islamistes en France, comme par exemple dans l’affaire du voile en 1989 et en 2004, ou dans le cas de l’empoisonnement de l’espace public par le voile, ou encore dans les actes terroristes tels les derniers massacres du criminel de Toulouse, les médias donnent à tous les coups la parole aux représentants des associations pour qu’ils nous bassinent avec des accusations qui condamnent l’« islamophobie ». Et les hommes politiques ne cessent de répéter leur crainte de « stigmatiser des musulmanes », sans pour autant opérer la moindre réelle distinction entre l’islam fondamentaliste, ultra-réactionnaire, jihadiste-terroriste et les individus qui veulent vivre avec les autres dans la bonne entente, sans prosélytisme, sans anathème contre l’autre et sans imposer leur religion à autrui. Il faut réaliser qu’en France, la revue Charlie Hebdo, a été attaquée et brûlée, exactement comme l’a été à Téhéran le bureau de l’avocate et ex-juge iranienne (5), militante des droits des femmes et des hommes, Shirine Ebadi. En revanche, on ne voit en France aucune déclaration ni protestation publique de la Caroline Fourest paie-t-elle le prix du féminisme ou de sa lutte contre l’intégrisme religieux ? En Belgique, la conférence de Caroline Fourest a été sabotée par des gens d’extrême-droite qui marchaient main dans la main avec des islamistes. C’est étonnant de voir comment les mâles, de quelque nationalité et origine qu’ils soient, en Iran ou en Europe, se comportent de la même façon. Ainsi, dans la salle de conférence, pendant que des femmes voilées s’affichaient violemment, les mâles ont cru que ces femmes n’étaient pas suffisamment imposantes pour impressionner l’opinion publique, et ils se sont voilés pour contrer avec plus de force le discours laïque de Caroline Fourest. Cela me fait penser à une affaire politique survenue en 2010 en Iran, quand le régime islamiste de Téhéran avait eu l’idée de jeter le déshonneur sur un étudiant contestataire en diffusant une photo de lui déguisé en femme voilée (6). Quelques mâles iraniens à l’étranger n’ont alors rien trouvé de mieux pour soutenir ce prisonnier politique que de faire une campagne web de protestation où ils se déguisaient en femmes voilées. Le problème est que, pour des millions de femmes en Iran, le voile n’est pas un déguisement. C’est une réalité humiliante de tous les jours. Même voilées, les femmes qui protestent contre leur situation sont violées en représailles par « la police d’orientation islamiste » du régime. Pourquoi Caroline Fourest est-elle tant ciblée par tous ces mouvementes extrémistes de tous bords ? Pourquoi les organisateurs du « Y’a bon Awards (7) » l’ont-ils désignée, elle, comme étant la plus raciste du paysage médiatique français et méritant ainsi ce prix infamant ? Le jury (8) de ce prix ne suit-il pas l’actualité ? Vit-il bien dans cette société ? Sait-il qu’il parle depuis un pays où les discriminations transforment des femmes et des hommes obligés de vivre dans certaines banlieues en véritables exclu-es de la démocratie et de la laïcité ? Sait-il ce jury qu’en France l’antisémitisme et l’homophobie tuent encore et et le sexisme ordinaire tue tous les jours ? Caroline Fourest ne paie-t-elle pas tout simplement le prix du féminisme ? Cette mise à l’index de Caroline Fourest par des gens qui se disent « antiracistes » me fait penser à la désignation à la vindicte populaire des féministes en Iran par le régime islamiste de Téhéran. Il les désigne comme les premières et les ennemies les plus dangereuses du régime islamiste, et je pense que pour une fois il n’a pas tort. Car ce sont les féministes qui résistent aux fascismes de tous bords, religieux ou nationaliste. A priori, pour certains, il y a sans doute des fascismes plus respectables que d’autres et ce jury qui persévère dans une logique d’intimidation médiatique du genre « Touche pas à mon islam ! », n’est-il pas à coté de la plaque ? C’est avec la même logique que Christine Boutin (9) nous casse les oreilles avec sa « religiophobie » et « catophobie ». A priori, il faut à chaque religion ses pauvres, tout comme une phobie qui impose ses croyances aux autres, ou plutôt d’abus sur les droits humains fondamentaux, pris au nom de ces croyances et grâce à l’ostracisation des résistant-es. Il est important de savoir qu’en Iran, en mars 1979, lorsque les Iraniennes se sont révoltées contre l’obligation de porter le voile, Khoméni les a taxées d’« islamophobie ». La misogynie au service du facho-islamisme en Europe Et ici, en Europe, ce sont ces hommes et ces femmes misogynes qui portent de semblables accusations de « racisme » et « d’islamophobie », ceci contre des femmes aspirant à l’accès à leurs droits fondamentaux d’êtres humains et à leur respect. Oui, nous, femmes iraniennes, algériennes, égyptiennes, afghanes... avons peur de l’islamisme, comme vous, vous pourriez avoir peur et pouvez certainement encore exprimer, relativement librement, de l’aversion pour la religion qu’on vous prête. Mais, ici en Europe et en France particulièrement, vous entendez pourtant faire taire nos protestations à nous. Apparemment, pour vous, l’islam est plus sacré que « votre religion » et plus « intouchable », mais en réalité, vous êtes dans une attitude méprisante envers des millions de femmes et d’hommes qui aspirent à la dignité et à la liberté et qui luttent contre les lois islamiques, là-bas (Iran Tunisie, Égypte...) et même ici hélas. Pour vous, ces gens-là ne mériteraient-ils pas d’avoir les mêmes droits humains universellement reconnus pour tous ? Nous qui avons pourtant mis tous nos efforts à résister au facho-islamisme et à le fuir en dernier recours, nous le retrouvons ici, aussi dans nos pays d’accueil, et en France particulièrement, avec ces tentatives d’intimidation de la part de soi-disant intellectuels et de certaines gauches, et ceci avant même que ne pleuvent sur nous les premières attaques des islamistes. Vous voulez faire taire Caroline Fourest, au nom de l’antiracisme, car elle est la femme politique publique et médiatique qui ose combattre tous les intégrismes, même islamistes ? Aujourd’hui au nom de la politique de l’autruche, vous faites donc taire Caroline Fourest qui critique les extrémismes, mais demain qui ferez-vous taire ? Ce seront peut-être des homosexuel-les ? Des juifs ? Ou encore d’autres ? Puis, lorsque les fachos de quelque bord que ce soit vous feront taire, vous, croyez bien que ce sera trop tard pour que quiconque vienne vous aider à crier et vous rende votre liberté. Alors, décrispez-vous, Caroline Fourest n’exerce que sa conscience de femme libre. * L’auteure est aussi l’une des éditrice du site Lesbiennes féministes Baham. Notes 1. Lien vidéo. Mis en ligne sur Sisyphe, le 17 avril 2012 |