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mardi 8 septembre 2015 Pays arabes - La Dre Alyaa Gad enseigne la santé et la sexualité à une chaîne télé sur Youtube
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Alyaa Gad est médecin et réalise des vidéos destinées à faire progresser les connaissances des femmes et des hommes du Moyen-Orient sur la santé et la sexualité. Très populaire, elle mène aussi sur Twitter un vif combat contre la charia.
Alyaa Gad est en Europe depuis une vingtaine d’années, elle vit aujourd’hui à Zurich. Elle est d’origine égyptienne et médecin. J’ai découvert son existence par "Poste de veille" (1). Un hashtag (2) qu’elle a créé, traduit de l’arabe par « Pourquoi nous rejetons l’application de la charia », a fait le buzz, fin 2014. Mais cette initiative n’est que l’écume d’une activité beaucoup plus originale : l’éducation à la santé et à la sexualité par le biais d’une chaîne TV sur Youtube (3), avec la préoccupation majeure de la situation des femmes. La chaîne diffuse cet enseignement en arabe et en anglais. La Dre Alyaa Gad fait passer des valeurs humanistes et égalitaires par le biais d’un langage médical qui réussit mieux que des discours idéologiques. Ses productions ont déjà attiré des millions de visiteurs et de visiteuses. La découverte de cette franc-tireuse courageuse, ignorée des médias, valait bien une visite. La quarantaine joyeuse, Alyaa Gad nous accueille avec chaleur. Elle vit en Suisse avec son mari allemand depuis cinq ans. Auparavant, elle a habité une dizaine d’années aux Pays-Bas, puis en Allemagne. Elle parle hollandais, arabe, anglais et allemand et s’excuse de ne pas encore maîtriser le suisse-allemand. « Quand nous avons eu des enfants, nous avons eu envie de nous installer en Suisse pour des raisons familiales et en raison de son bon système éducatif. Aux Pays-Bas, j’enseignais dans une école d’infirmières. Ici à Zurich, mon mari dirige une clinique, et étant moi-même médecin, je travaille avec lui. » Elle rêvait depuis l’âge de 20 ans de mettre sur pied des programmes d’éducation pour les femmes égyptiennes. « Mais dans les années 90, il n’y avait pas Internet. Pendant 15 ans, j’ai essayé d’impliquer des chaînes de télévision dans mon projet, aucune ne s’est montrée intéressée." On n’est jamais si bien servi que par soi-même : elle en a créé une sur YouTube, il y a 5 ans. Ses initiatives ne manquent pas de piment, ni de surprises. Les femmes veulent parler mode Elle produisait ses vidéos en arabe, désormais elle y a ajouté l’anglais. « Dans les pays riches du Moyen-Orient, j’estime que 50% des gens sont venus pour travailler, ils ne parlent pas arabe ». Elle est aidée par une petite équipe technique de Hildebrand Media. « Ce qui les a décidés, ce sont les 6 millions de visites d’une de mes vidéos. » Et l’adhésion au projet ! Au début, le public était principalement égyptien, « mais maintenant de plus en plus de mes téléspectateurs habitent en Arabie Saoudite ». Et bizarrement, 85% de son public est masculin. « J’ai du mal à intéresser les femmes. Pour y arriver, je dois commencer par parler mode, maquillage, etc. » Et pour les deux sexes tenir compte de la mentalité islamique. Cette année, à l’occasion de la Journée internationale des femmes, elle a eu la surprise d’être invitée par une chaîne saoudienne pour parler des droits des femmes. Elle raconte : « À la suite de cette émission, j’ai reçu un nombre incroyable de tweets insultants, la plupart d’Arabie Saoudite… Et une vingtaine de tweets élogieux. Les femmes des pays arabes doivent se battre contre trois fléaux qui s’entremêlent : la pauvreté, l’ignorance et la maladie. » Elle possède plusieurs chaînes : Afham TV, iUnderstand TV, EWA (English with Alyaa). Le thème « Sexe lors de la première nuit » lui a valu 2,3 millions de visites. Celui sur l’éjaculation précoce, encore bien davantage. « Quand je vais en Égypte ou à Dubaï, je constate que beaucoup de gens me connaissent. Mais souvent, ils ne savent pas comment me considérer. D’un côté ils savent que je suis très anti-charia, et d’un autre ils ont besoin de moi, car je leur transmets des informations importantes sur leur santé. » Masturbation et excision Lorsqu’elle a réalisé un programme sur la masturbation féminine, les hommes se sont indignés. Elle leur a répliqué : « Sachant que vous êtes souvent en voyage - beaucoup d’hommes Égyptiens partent travailler dans un pays du Golfe -, préférez-vous que votre femme se contente elle-même ou qu’elle vous trompe avec un autre ? Une femme bien dans son corps aura une sexualité plus épanouie et c’est aussi dans votre intérêt. » Elle constate que l’éducation sexuelle des hommes, dans les pays arabes, se fait par la pornographie. La grande majorité est accro. « Il y a des films d’éducation sexuelle, mais ils ne les regardent pas, 99% préfèrent le porno, avec ses illusions du genre orgasme féminin en 5 secondes. La plupart des vidéos qu’ils visionnent mettent en scène des femmes blanches et très jeunes. Nourris de ces fantasmes, ils traitent leur femme comme celles de ces films, ils méprisent les femmes réelles. Cette réalité est source de grandes difficultés dans les couples. » Entre 80 à 90% des femmes égyptiennes sont excisées. « Si ma mère ne m’a pas fait exciser alors qu’elle l’était elle-même et que ses sœurs ont fait exciser leurs filles, c’est parce que nous vivions alors au Koweït, où l’excision n’est pas pratiquée. » Elle a aussi abordé ce sujet : « Je l’ai fait en me fondant sur des faits scientifiques, objectifs, j’ai entre autres expliqué le rôle du clitoris dans le plaisir. Beaucoup de femmes me disent combien elles sont désespérées de ne rien sentir durant les relations sexuelles, l’une d’elles s’est même suicidée. » Elle cherche du financement. Mais les organisations internationales et les ONG sont focalisées sur les changements politiques (lois en faveur de l’égalité notamment) et très peu sur les manières de faire évoluer les mentalités. Pour l’instant, le seul commanditaire d’Alyaa est son mari. Inciter à la tolérance Dans le monde arabe, l’ignorance est immense dans les domaines de la santé et du handicap. Un professeur lui a par exemple révélé n’avoir jamais entendu parler de dyslexie. Elle a aussitôt réalisé un programme sur le sujet. Un internaute lui a alors avoué avoir compris ce qui gâchait toute sa vie. « Par l’information, j’essaie de rendre les gens plus compréhensifs et plus tolérants envers la différence, le handicap. Cela peut sauver des vies. Mais je dois y aller progressivement. Les mentalités évoluent lentement. » A-t-elle essayé d’obtenir un soutien à son action de la part des imams et associations musulmanes de Suisse ? La question l’amuse : « Bien sûr que non, ils ne m’aiment pas. Ils savent que je suis très anti-charia. J’essaie d’ailleurs d’alerter les Occidentaux et Occidentales sur la naïveté qui consiste à croire que la charia peut être adoucie. La charia est pire que l’idéologie nazie. » Lorsqu’elle remet en cause certaines affirmations du Coran dans ses vidéos, c’est en se plaçant sur le terrain scientifique. « J’ai parlé, par exemple, du développement de l’embryon. D’après le Coran, les os se forment avant la chair. J’ai montré que c’est le contraire. » Selon elle, nos sociétés sont bien naïves. « Quand je suis arrivée en Occident, j’étais assez religieuse. J’avais subi le lavage de cerveau classique contre les Occidentaux - des gens sans morale, sans esprit de famille, sans pudeur... En fait, l’Occident est tolérant, c’est bien, mais parfois il faut cesser de l’être pour se défendre. Les Pays-Bas paient aujourd’hui leur trop grande tolérance. Certaines mosquées ont un discours du genre : reproduisez-vous afin que nous soyons un jour en majorité pour supprimer la démocratie et instaurer la charia. Je pense que la culture occidentale pourrait très bien disparaître. » Éduquer les nouveaux arrivants en Europe Elle considère que l’immigration est nécessaire, mais elle préconise des conditions d’accueil drastiques. « Vous en avez besoin, parce que vous n’avez pas assez d’enfants. Mais vous devez absolument éduquer les nouveaux arrivants afin qu’ils acceptent totalement la mentalité occidentale. » Le chaos actuel des pays arabes, les persécutions qu’ils font subir, leurs luttes fratricides correspondent à ses yeux à un chaos mental : « Il y a une grande immaturité émotionnelle au Moyen-Orient. La haine se dirige vers certains groupes sans fondement rationnel, par exemple sunnites contre chiites, alors que les gens ne connaissent même pas la différence entre les deux. Il existe une grande haine contre tous ceux et celles qui sont différents. C’est dû à l’ignorance et à la pauvreté. » Alyaa a abondamment relayé et commenté un célèbre hashtag en arabe qu’on peut traduire par « Moyen-Orient Hôpital psychiatrique ». « Nous listons les contradictions du monde arabe. Ce que nous faisons, c’est tendre un miroir. L’être humain a besoin d’argent et de nourriture, mais aussi d’éducation. » Les pays du Golfe, observe notre interlocutrice, possèdent les médias de la région et exercent une grande influence dans le monde arabe. « Les Occidentaux n’imaginent pas la haine que produisent ces médias à leur encontre. L’argent du pétrole nourrit l’idéologie wahhabite. » Les textes religieux ne sont pas sa tasse de thé. Enfant, elle a été traumatisée par l’histoire d’Abraham prêt à tuer son fils, puis plus grande, par le mariage de Mahomet avec la petite Aïcha. « Plus tard, j’ai été choquée en lisant les textes, par exemple Bukhari et ses hadiths. En général, les musulmans modérés ne savent pas ce qui est écrit dans ces livres fondateurs. » Au programme Alyaa Gad valorise dans ses interventions l’intelligence individuelle, le fait de penser par soi-même, l’égalité des sexes. Elle se place sur le terrain « objectif » de la médecine dans ses vidéos, mais ses convictions affleurent. Et si elle affirme « j’évite de lancer de gros pavés dans la mare », on ne peut s’empêcher de penser qu’elle adore ça. Son activité de tweeteuse (des dizaines de milliers de personnes la suivent) tendrait à le prouver. Le hashtag sur la charia est né d’attaques incessantes d’un internaute auquel elle a voulu répondre. « C’est grâce à cet imbécile que je suis devenue célèbre. » Elle est aussi très présente sur Facebook. Ses programmes TV sont conçus pour être repris par des professionnel-les dans des cliniques, des lieux d’aide ou de soins. Lorsqu’elle a commencé avec son équipe à réaliser ses vidéos en anglais, leur production a comptabilisé en quelques semaines un million de clics. Son spectre d’intervention est large : famille, développement personnel, gestion des émotions, santé, sexualité. Dans ce dernier domaine, elle a par exemple abordé la question des MST, de l’importance de la taille du pénis dans les relations sexuelles, de l’addiction à la pornographie, du point G. Et question santé : de la nécessité de la vitamine D qui implique d’exposer son corps à la lumière. Notes 1. "Pourquoi mous rejetons l’application de la charia". – Ce texte a été publié sur le blogue de l’auteure que nous remercions de nous l’avoir proposé. – English version here. Mis en ligne sur Sisyphe, le 1 septembre 2015 |
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