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dimanche 21 février 2016

Cologne, et après ?

par Louise Mailloux, philosophe et auteure de "La laïcité, ça s’impose"






Écrits d'Élaine Audet



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Les crimes sexuels de masse dont des femmes européennes ont été victimes au Nouvel An soulèvent une question essentielle ; si ces femmes avaient été voilées, auraient-elles été agressées par ces hommes arabes ? Je pense que non.

Ces évènements scandaleux illustrent à quel point le voile islamique est bien plus qu’un simple vêtement religieux ou culturel comme le prétendent les militantes pro-voile, en ce qu’il participe d’une idéologie patriarcale et comporte une fonction sociale et politique que nous aurions tort d’ignorer.

Le voile fait de la femme un objet sexuel

Cacher ses cheveux, son cou, ses oreilles, ses bras et ses jambes, c’est reconnaître que la femme est un objet sexuel. C’est s’afficher ostensiblement comme une proie sexuelle au regard des hommes. C’est se définir comme objet du désir des hommes, tout en transformant ceux-ci en de vulgaires prédateurs.

Cacher ses cheveux, son cou, ses oreilles, ses bras et ses jambes, c’est reconnaître que le sexe n’appartient qu’aux hommes et que le désir sexuel ne se conjugue qu’au masculin. C’est témoigner publiquement de la négation de son propre désir dans ce qu’il a de plus sauvage et de plus intime. C’est consentir à son refoulement le plus violent, dont la version sublimée se drape dans la vertu, la respectabilité et la pudeur.

Cacher ainsi son corps, c’est accepter de n’être définie que par le regard des hommes. C’est se constituer en objet au lieu de se comporter en sujet libre et autonome. C’est se poser comme l’inessentiel, l’accessoire, le factice en face de l’essentiel masculin. Tout le contraire de la liberté. C’est d’ailleurs l’une des grandes leçons du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir. C’était en 1949 ...

Le voile islamique est un formidable pied de nez à toutes ces femmes qui se sont pour la reconnaissance de leur désir et de leur sexualité. Il représente la triste et silencieuse liquidation de plusieurs décennies de luttes féministes qui ont permis aux femmes d’aujourd’hui d’avoir droit au sexe.

Le voile comme prolongement de l’espace domestique

La femme, c’est le sexe et le sexe c’est le désordre. Très tôt, l’on apprend aux femmes que leur corps est une menace pour les hommes. Lorsque Khomeiny a pris le pouvoir en 1979 en Iran, il a d’abord exigé que les femmes soient voilées sur les lieux de travail, puis quelques mois plus tard, il a étendu l’obligation du port du voile à tout l’espace public.

Par le voile des femmes, Khomeiny a chassé le sexe de l’espace public et aseptisé le regard, minimisant ainsi les occasions de séduction. Ce voile islamique avait pour fonction principale de prolonger l’espace domestique dans l’espace public et de confiner le sexe au mariage et à la famille. Il devenait ainsi le rempart contre la dislocation de la famille et la dépravation des moeurs, le socle sur lequel se fondera la morale islamique.

Encore aujourd’hui dans nos démocraties occidentales, ce voile réfère au sexe et à cette morale étriquée avec pour ambition de purifier l’espace public de tout ce qui n’est pas conforme à celle-ci. Pour ces femmes voilées que nous croisons sur la rue, liberté d’étudier, oui, liberté de travailler, oui, mais liberté sexuelle, non.

Le voile est lié à la liberté sexuelle des femmes

Le sujet est tabou, même dans l’islam ; le Coran interdit aux femmes musulmanes d’épouser un non-musulman sauf si l’époux se convertit à l’islam. Les codes de la famille marocain et algérien reprennent d’ailleurs cet interdit. Sachant que l’enfant aura la religion du père, on comprend mieux pourquoi les femmes ne doivent épouser que des musulmans.

Cette limitation à leur liberté sexuelle et affective montre bien à quel point la sexualité des femmes demeure soumise aux exigences de la communauté pour être mise au service de la Oumma. Le voile islamique n’est qu’un puissant révélateur de cette instrumentalisation de leur sexualité et d’une morale patriarcale et antiféministe qui refuse aux femmes le droit individuel à disposer de leur propre corps. Contrairement à ce que prétendent les pro-voile, celui-ci n’est pas un symbole d’émancipation mais bien un prodigieux symbole d’aliénation.

Exit le féminisme : On naît femme

Par choix ou non, il n’y a que les femmes qui portent le voile. Naturaliser les différences entre les sexes et essentialiser les identités sexuées ; voilà une des principales fonctions du voile islamique qui contribue à renforcer la thèse voulant que ce soit la nature qui détermine le destin des femmes. Parce que dans l’islam comme dans toutes les autres religions, on naît femme.

Du dix-huitième siècle jusqu’à aujourd’hui, tout le féminisme s’est bâti sur une contestation radicale de cette thèse voulant que la vie des femmes soit basée sur leur anatomie. C’était d’ailleurs la thèse centrale du Deuxième Sexe ; on ne naît pas femme, on le devient. Le féminin est bien davantage une construction sociale qu’un donné de la nature. Tout le contraire de ce qu’affirment les religions qui n’ont jamais été un facteur d’émancipation pour les femmes. Et le voile islamique nous fait reculer de quelques siècles.

Cologne, et après ?

Quel rapport avec les évènements de Cologne, me direz-vous ? Ces agressions nous donnent une indication sur la vision islamique de la sexualité et sur le sens du port du voile. Porter et défendre le voile, c’est partager la même vision, la même idéologie que ces hommes arabes qui ont agressé des milliers de femmes non voilées. Le voile islamique n’est que l’autre face d’une même médaille.

Dans le but de mettre un terme à ces agressions, plusieurs pays européens ont mis sur pied des cours de relations hommes-femmes pour les migrants. Mais on ne peut pas éduquer ces hommes arabes d’un côté et laisser des éducatrices musulmanes en garderie et des enseignantes musulmanes dans nos écoles publiques porter un symbole sexiste. Est-ce ainsi que l’État québécois entend éduquer nos jeunes et protéger les droits des femmes ? On devrait également interdire le port du voile pour les filles fréquentant l’école publique. Protéger les mineures et envoyer un message clair sur l’égalité des sexes.

 Le blogue de Louise Mailloux.
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 Sur le livre de l’auteure : La laïcité, ça s’impose, 2011.
 Louise Mailloux a collaboré au Dictionnaire de la laïcité, Armand Colin (2011), de même qu’à l’ouvrage Le Québec en quête de laïcité, Écosociété (2011).

Mis en ligne sur Sisyphe, le 25 janvier 2016



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Louise Mailloux, philosophe et auteure de "La laïcité, ça s’impose"



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  • Cologne, et après ?
    (1/3) 27 janvier 2016 , par

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    (3/3) 26 janvier 2016 , par





  • Cologne, et après ?
    27 janvier 2016 , par   [retour au début des forums]

    Ce que Luc Davin appelle la différence n’est qu’un autre mot pour la complaisance. Les islamistes qui depuis quelques années propagent le voile ne sont pas différents des curés misogynes qui détestaient les femmes. Les hommes qui défendent le voile ne risquent pas de le porter alors ... Ils devraient éviter de faire des sermons. Et avec l’afflux de migrants syriens, il se peut que nous, les femmes lors des rassemblements, subissions le taharoosh gamea parce que nous sommes des femmes « différentes » de ce que ces hommes voudraient que nous soyons.

    Cologne, et après ?
    26 janvier 2016 , par   [retour au début des forums]

    Oui, il faut arrêter de considérer les migrantes musulmanes voilées comme des êtres pitoyables qui ne peuvent comprendre le concept de citoyenneté. Elles disent souvent d’ailleurs que c’est de plein gré qu’elles le font. Nul ne veut se considérer victime mais c’est le début d’une prise de conscience libératrice. Et depuis quelques années, elles voilent leurs fillettes. Ce pourquoi il faut interdire le voile comme l’a fait la France. S’il n’est déjà trop tard.

    Cologne, et après ?
    26 janvier 2016 , par   [retour au début des forums]

    Les caractères scandaleux, inacceptable et blessant des violences sexuelles dont plusieurs dames ont été victimes, la nuit de la Saint Sylvestre, à Cologne, ne peuvent être remis en cause et doivent être massivement dénoncés.

    Votre texte, au demeurant fort intéressant, et pour lequel je vous remercie bien sincèrement, mérite toutefois quelques commentaires que je voudrais tenter, en toute humilité, d’apporter.

    Dans de nombreux pays adhérant à la "tradition islamique", et au sein desquels le port du voile islamique est largement répandu, je pense notamment à l’Egypte, les agressions sexuelles au préjudice de jeunes filles et de femmes sont, malheureusement, monnaie courante. Cette observation, unanimement reconnue, discrédite votre hypothèse, à mes yeux à tout le moins légère, selon laquelle, si elles eussent été voilées cette nuit-là à Cologne, les femmes n’auraient sans doute pas été agressée.

    L’affirmation selon laquelle "le port du voile islamique fait de la femme un objet sexuel" est, quant à elle, résolument irréfléchie et fantaisiste. Il n’est sans doute pas inutile de rappeler qu’en tout temps et en tout lieu, chaque culture sociétale draine son lot de codes, de normes, de références. Il en est ainsi de la culture musulmane dans son ensemble, au sein de laquelle le respect dû à la femme passe, certes, par une couverture "différente" de son corps. Serons-nous un jour capables d’entendre le souhait exprimé par ces femmes de se sentir enfin reconnues et respectées dans ce droit à la différence ? ...

    Notre incapacité de répondre par l’affirmative à cette interrogation me fait très peur ! Ne sommes-nous pas occupés à métamorphoser le concept de laïcité en une espèce de "nouvel intégrisme" ou encore de "fondamentalisme moderne" ? Laisserons-nous, au sein de notre société "uniformisée", une place pour le "différent", pour "l’autrement" ? ...


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