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mercredi 2 décembre 2020


Tuerie antiféministe de Polytechnique 6 décembre 1989
Quadrille sanglant (1990)

par Louky Bersianik






Écrits d'Élaine Audet



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À titre de femme consciente de vivre dans un monde encore dominé par les hommes, je refuse d’endosser le rapport de forces qui donne à la société patriarcale le pouvoir de décision sur mon corps, sur mes désirs et mes besoins, à travers des lois qui criminalisent l’avortement, ou qui s’emparent de mon pouvoir de reproduction au moyen des nouvelles technologies.

Par-dessus tout, je refuse d’admettre comme un phénomène naturel, isolé ou banalisé, la violence faite aux femmes quotidiennement sous toutes ses formes.

[…]

Il faut que les sociétés qui se disent démocratiques reconnaissent la racine du mal qui les ronge et qu’elles nomment la violence généralisée, il faut qu’elles s’interrogent sur la constance de cette violence particulière qui n’atteint que les femmes, comme les balles du tueur de l’Université de Montréal en décembre 1989.

Depuis des siècles, à toutes les époques et dans n’importe quel climat social, on assiste à ce quadrille sanglant qui sépare au couteau les êtres humains, selon les deux catégories sexuelles, qu’ils soient Blancs, Noirs, Juifs, Chrétiens, Arabes, Musulmans, de condition modeste ou élevée : LES HOMMES D’UN COTÉ, LES FEMMES DE L’AUTRE, pour que soient bien identifiés parmi les humains en présence ceux qu’on pourra massacrer, écraser, mutiler, battre à mort, réduire à néant, en toute impunité.

La plus grande violence qu’on puisse faire à un groupe, c’est nier qu’on lui fait violence et de pointer comme étant le vrai problème ses réactions à cette violence. Autrement dit, c’est identifier sa révolte comme étant la véritable violence.

Par exemple : Ne parlons pas de la violence faite aux femmes, parlons plutôt de la violence des femmes. Ou bien : la victime fait violence au bourreau, car elle oblige celui-ci à remplir un bien vilain office. Le pouvoir de la victime, vous connaissez ?

On le sait, c’est la façon la plus courante qu’a l’oppresseur de justifier son oppression : en en rejetant la faute et la responsabilité sur l’être qu’il opprime. Ce phénomène s’observe depuis longtemps dans les causes de violence portées devant les tribunaux : c’est la faute de la victime si elle se fait battre, violer, harceler et agresser sexuellement.

Discours freudien par excellence en ce qui concerne les femmes, celui du détournement des faits, de la distorsion de la réalité. Dans les cas d’inceste, ce sont les petites filles qui séduisent, ce sont les mères qui sont coupables. Discours qui coïncide parfaitement avec le discours biblique : c’est Ève qui a commis la faute d’Adam !

À la fin de son livre La Porte du fond, Christiane Rochefort cite Françoise Dolto : "Dans l’inceste père-fille, la fille adore son père et est très contente de pouvoir narguer sa mère ! (…) QUESTION — Donc, la petite fille est toujours consentante ? DOLTO — Tout à fait. QUESTION — Mais enfin, il y a bien des cas de viol ? DOLTO — Il n’y a pas de viol du tout. Elles sont consentantes."

Et Rochefort, dans le corps du texte, écrit ; "Et qui te croira ? On ne croit pas les enfants. (…) toujours en services les chiens et les chiennes de garde continuent d’aboyer sur les mômes prises dans le piège paternel : ’Elles sont toutes consentantes !’ C’est ça qui tue, le coup de grâce quoi."

Freud et ses disciples inconditionnels sont les porte-parole du patriarcat et les juges s’appuient sur eux et sur la Bible pour cautionner la violence faite aux femmes et aux petites filles. Récemment, les journaux ont rapporté un cas d’inceste sur une petite fille de trois ans. Le juge a déclaré que cette petite fille avait !contribué à l’inceste parce qu’elle avait été sexuellement agressive" !

De toute évidence, les pères de famille ont besoin d’être protégés de leurs toutes petites filles. À quand un ombudsman pour les hommes victimes des assauts sexuels de leurs enfants ?

On peut se demander pourquoi les hommes continuent à s’acharner sur nous alors qu’ils ont tout le pouvoir, alors que le monde a été fait par eux et pour eux et que ce monde continue de fonctionner sur le mode masculin
 ?
Pourquoi ont-ils encore besoin de nous écraser par la violence, pourquoi ont-ils toujours besoin de nous remettre à notre place par la force quand le mépris ne suffit pas ? Pourquoi le mari meurtrier de sa femme, le père violeur de sa fille sont-ils traités comme des malades et non comme des criminels ?

Pourquoi nomme-t-on des juges misogynes et remplis de préjugés à l’égard des femmes ? Il y a, paraît-il, des cours de recyclage offerts depuis peu à la magistrature pour qu’elle ait une vision moins sexiste de la société et pour que cette vision se reflète dans ses jugements. On croit rêver ! On n’ose penser au sort des femmes qui ont été jugées jusqu’à maintenant !!

Il y a des hommes qui commencent à être clairvoyants et qui osent témoigner de leur clairvoyance : "Les hommes sont tous coupables" , écrit Dorval Brunelle, professeur et sociologue à l’UQAM : "Les féministes ont tout à fait raison de s’insurger ; tous ces crimes sont politiques et le dernier en date, le massacre à Polytechnique, l’est suprêmement. (…) Le constat est clair et la preuve est faite : dans l’état actuel des choses, les hommes sont incapables d’instaurer l’égalité entre les sexes. Ce qu’ils concèdent d’un côté, dans des chartes ou dans des lois, ils l’enlèvent avec fureur de l’autre en anéantissant des valeurs et des vies." (Le Devoir, 12 décembre 1989)

"Dans les fantasmes masculins, dit Robbe-Grillet, le corps féminin est le lieu privilégié de l’attentat." Seulement dans les fantasmes, nous dit ce bon apôtre !

Fantasmes que cette tuerie sélective à Polytechnique (hiver 1989), que cette odieuse injonction sur le corps de Chantal Daigle, véritable infibulation juridique (été 1989), que ce viol collectif à McGill (1988), que cet assassinat d’Hélène Lizotte par son mari (août 1987) !

Fantasmes que ces femmes battues tous les jours, que ces femmes assassinées par l’homme de leur vie, que ces femmes violées, torturées, brûlées vives à défaut de dot, que ces femmes vendues, prosti-tuées !

Fantasmes que ces petites filles inces-tuées, pornographiées, clitoridectomisées, meurtries, infibulées, assassinées, démembrées, dépecées, jetées aux ordures !

Fantasmes que ces innombrables faits divers dignes d’Allô Police ! "Ne touchez pas à nos fantasmes", braillent les Robbe-Grillet de la libre expression. "Ils ne font de mal à personne" (!!!)

Nos démocraties sont d’une hypocrisie à nous couper le souffle à chacune d’entre nous. TROP, C’EST TROP !

* Texte paru dans Polytechnique 6 décembre, ouvrage collectif sous la direction de Louise Malette et Marie Chalouh, Montréal, éditions du remue-ménage, 1990.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 novembre 2019



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Louky Bersianik


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