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août 2003 Élisabeth Badinter : caricatures et approximations Lettre ouverte de la Fédération nationale solidarité femmes
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Vous publiez un ouvrage largement présenté dans les médias, contrairement à la plus grande partie de la littérature féministe, qui nous a particulièrement surprises par ses approximations avec la réalité, sa présentation caricaturale de ce que seraient devenues les féministes aujourd’hui ! Quelles sont vos sources ? À quels ouvrages ou pratiques précises faites-vous référence ? Réduire le féminisme actuel à un courant « victimiste » relève au mieux d’un manque d’information sur ce qui se passe dans le mouvement des femmes aujourd’hui. Citons par exemple le 3eme Colloque international féministe francophone qui a rassemblé plus de 800 personnes à Toulouse, en septembre 2002, pour ne citer qu’un des moments révélateurs de la vivacité, de la diversité et de la pertinence des recherches et des pratiques féministes où justement les conceptions universalistes et naturalistes continuent à « s’affronter » et à alimenter des débats qui existent depuis le début du mouvement de libération des femmes et qui ne sont pas près de s’arrêter ! Vouloir enfermer la pensée féministe dans une ligne unilatérale est une véritable mascarade intellectuelle ! Le féminisme étant par essence pluriel, au grand dam de certains médias qui annoncent régulièrement sa mort prochaine ! Y compris chez les universalistes dont vous vous réclamez, la réflexion est riche d’apports contradictoires. Oui, depuis 30 ans le mouvement social féministe est un laboratoire d’idées, d’expériences où se confrontent des théoriciennes, des chercheuses, des salariées de tous les secteurs professionnels (éducation, santé, exclusion, justice ...) des citoyennes qui tentent de répondre à la question « qu’est-ce que la libération des femmes change dans notre vie de tous les jours, dans notre rapport aux hommes, aux autres femmes, aux enfants ? » Eh bien, cela change beaucoup de choses ! Aujourd’hui de plus en plus d’hommes reconnaissent ce combat et s’impliquent personnellement dans ces changements sociaux tant dans leur vie publique que dans leur vie privée. Au coeur de ces changements, le combat contre les violences, le droit pour chaque femme, à la maison comme dans l’espace public, à son intégrité morale et physique. Reconnaître que des hommes de n’importe quel milieu culturel peuvent aujourd’hui en France abuser (physiquement, moralement, sexuellement...) de leur compagne ce n’est pas dire que « tous les hommes sont des salauds », c’est simplement constater que malgré les énormes progrès de la condition des femmes dans les pays occidentaux, malgré l’égalité des droits, il reste un « noyau dur » de l’oppression autour du corps et de la sexualité des femmes. Affirmer cette évidence (les chiffres parlent d’eux-mêmes ! ! !), ce n’est pas comme vous l’affirmez, Mme Badinter, faire du séparatisme entre les hommes et les femmes, c’est mettre à plat tous les éléments d’une réelle égalité entre les hommes et les femmes ! À moins que l’on considère qu’il y a un « intime » à préserver entre les hommes et les femmes qui serait en dehors du politique, en dehors des rapports sociaux ? Une nature intrinsèquement féminine ou masculine ? Vous dites dans votre ouvrage avoir compris des choses sur les violences conjugales en écoutant des hommes battus sur TF1 ! Elisabeth Badinter, prenez la peine de lire les nombreux ouvrages qui analysent de façon sérieuse la question des violences conjugales, qui touchent à 99 % des femmes. Prenez la peine de rencontrer les associations féministes sur le terrain qui permettent aux victimes de reprendre la parole, leur autonomie. Prenez la peine de rencontrer les femmes victimes des violences exercées par leur conjoint, venez écouter leur long parcours : un combat de tous les jours pour retrouver dignité et sérénité. Certaines paient cette lutte de leur vie, le savez-vous ? Exagération ? Comment pouvez-vous mettre le doute sur les chiffres de l’enquête ENVEFF alors qu’elle a été contrôlée par le Conseil national de l’information et reconnue officiellement, pour son sérieux et sa fiabilité scientifique, comme « grande enquête d’intérêt général » ? Alors venez vous rendre compte par vous-même, venez à notre Fédération qui gère le numéro national « Femmes infos services », écouter les milliers de femmes qui sollicitent notre solidarité, allez dans les commissariats, suivez les équipes de gendarmerie ou de police- secours, interrogez les médecins qui interviennent dans les services d’urgence ! Après avoir été un sujet tabou pendant 20 ans, la question des violences faites aux femmes va-t-elle tomber dans la trappe du déni largement orchestré par certains médias ? – déni des chiffres et des recherches scientifiques sur le sujet,
FEDERATION NATIONALE SOLIDARITE FEMMES Mis en ligne sur Sisyphe le 25 août 2003 |