|
lundi 12 janvier 2004 Bas les voiles ! de C. Djavann Un vibrant appel à la conscience
|
DANS LA MEME RUBRIQUE Voile "islamique"/voile des nonnes et croix : une fausse comparaison religieuse pour dissimuler un vrai racisme sexuel Derrière chaque voile, 3000 ans de haine envers la femme qui nous regardent Elles dénoncent le voile, l’assujettissement et le néo-communautarisme Niqab, burqa et tchador sont des signes d’infériorisation des femmes, non des symboles religieux Combattre le foulardisme Voile et islam - Flora Tristan n’a jamais prôné le voile intégral Le voile est-il islamique ou non ? Pouvons-nous accepter le foulard contre la burqa ? Lettre ouverte à une femme voilée La burqa, symbole Colloque universitaire sur le voile associé à la pudeur, à la foi et à la mode Hidjab et politique - Le courage des uns et des autres Eloge de l’asservissement des femmes par le Monde 2 ? Les illusions dangereuses Moi, fille d’immigrés, pour l’égalité et la laïcité L’islamisme contre les femmes partout dans le monde Le rapport Stasi sous l’oeil du Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal Pour l’égalité dans la citoyenneté Droit à la différence et non pas différence des droits Etrange alliance. Toujours à propos du voile Contre l’intégrisme religieux et pour la loi sur le voile Les Islamistes mettent les femmes sur le trottoir La laïcité a beaucoup d’ennemis Le port du voile n’est pas une affaire de culture Que d’hommes dans la rue pour défendre ma liberté ! La solidarité politique à l’épreuve des divisions Quand la peur des femmes mène le monde Tous voiles dehors Non au voile mais non à l’exclusion des mineures de l’école laïque ! L’affaire du foulard : non à l’exclusion Derrière le voile... un tout autre combat Un sentiment de trahison Des croisades de la droite au foulard islamique Laïcardes, puisque féministes Être féministe, ce n’est pas exclure ! La résurgence du foulard, un besoin de retour sur soi Laïcité : une loi pour la cohésion La pointe de l’iceberg intégriste visible sur la scène altermondialiste Le voile - Le courage de dire non ! Pétition pour une loi contre le port du voile en France "Le" voile : Éléments pour un débat République turque : la question du foulard assombrit le 80e anniversaire Un voile peut en cacher un autre |
Dans un témoignage passionné, Chahdorff Djavann, romancière et anthropologue iranienne de trente-cinq ans, vivant en France depuis douze ans, s’attaque au relativisme culturel qui sévit dans ce pays à propos du port du voile. Elle sait de quoi elle parle parce qu’elle a vécu en Iran, de l’âge de treize ans à vingt-trois ans, dans la « prison ambulante » du voile. L’originalité de son argumentation tient au fait qu’elle ne situe pas le débat sur le terrain de la laïcité mais sur celui des droits humains, de la maltraitance des mineures. Le port du voile devrait être interdit et sanctionnés les parents ou les adultes qui incitent à le porter parce que, dit-elle, il est la cause d’un déni de soi et « la marque » de l’asservissement sexuel et politique des femmes.
Armée d’un courage à toute épreuve et d’une saine colère, Djavann expose, avec un amour évident et une parfaite maîtrise de sa langue d’adoption, les conséquences du port du voile pour des fillettes à qui on inculque dès l’enfance la honte de leur corps parce qu’il est féminin. « Le port du voile met l’enfant ou la jeune adolescente sur le marché du sexe et du mariage, la définit essentiellement par et pour le regard des hommes, par et pour le sexe et le mariage. » Elle stigmatise le port du voile parce qu’il n’est pas seulement un signe religieux mais « l’étoile jaune » de la condition féminine. Quant aux jeunes musulmanes adultes et aux Françaises converties, ces « midinettes minaudantes » qui revendiquent le port du voile comme une liberté, Djavann les traite de kapos et de traîtres face à leurs sœurs qui tentent d’échapper à l’emprise totalitaire du hijab au risque de leur vie. Elle rappelle qu’il y a quatre millions de musulman-es en France et que la majorité d’entre eux se déclarent religieusement indifférents, beaucoup ayant d’ailleurs quitté leur pays pour fuir l’islam. Des dizaines d’associations de femmes d’origine maghrébine disent qu’il « ne faut pas accepter le voile à l’école, sinon on ne pourra plus ne pas le porter », comme le démontre la réalité des banlieues où les jeunes musulmanes sont sommées de choisir entre « le voile ou le viol ». Reconnaître la légitimité du voile revient à renforcer le pouvoir de ceux qui veulent maintenir les femmes dans la soumission. Pour l’auteure iranienne, « le temps du marchandage des conditions de l’existence féminine a sonné ». Une charge accablante contre le relativisme culturel L’auteure qualifie les intellectuels français de « Ponce-Pilate de la pensée ». Au nom de la différence culturelle, ils abandonnent les émigrées à la loi religieuse de leur communauté. Dans la même lancée, pourquoi, demande-t-elle, ne pas accepter la lapidation et l’excision, ou les mariages de jeunes mineures avec des « vieux messieurs », même si en France la pédophilie constitue un délit ? Djavann bondit quand on amène l’argument de la « liberté individuelle » pour justifier le port du voile : « Si aujourd’hui, des jeunes juifs commençaient à porter l’étoile jaune, en clamant « c’est ma liberté » ; si des jeunes Noirs décidaient de porter des chaînes au cou et aux pieds, en disant « c’est ma liberté », la société ne réagirait-elle pas ? On ne peut s’empêcher de penser aux arguments pour la libéralisation de la prostitution selon lesquels il faut respecter le libre choix des prostituées d’être transformées en marchandises. L’auteure conclut en s’adressant « au bon sens et à la responsabilité » des Français pour refuser que « la culture soit l’alibi de la religion et la religion l’alibi de la discrimination sexiste ». Un moyen efficace pour lutter contre la marginalisation des immigrés consisterait, selon elle, à mettre à leur disposition des institutions gratuites et obligatoires d’apprentissage de la langue, des traditions républicaines, des valeurs essentielles de la démocratie et de l’histoire de France depuis la révolution. Un petit livre convaincant de 50 pages, écrit d’une seule traite, d’une plume inspirée, dont pas un mot n’est de trop. Par la force et la clarté de son argumentation qui coule de source, le témoignage de Chahdortt Djavann à la commission Stasi a certainement dû contribuer à la décision du président Chirac de légiférer contre le port du voile. À lire absolument alors qu’au Québec une nouvelle affaire du voile est en arbitrage et que des dignitaires musulmans tentent d’imposer au Canada des tribunaux islamiques soumis à la loi coranique. Chahdortt Djavann, Bas les voiles !, Paris, Gallimard, 2003. Mis en ligne sur Sisyphe le 12 janvier 2004. |