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octobre 2001

Où est Ben Laden ?

par Micheline Carrier






Écrits d'Élaine Audet



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NDLR, le 3 mai 2011 - Ce texte a été écrit en octobre 2001. À comparer avec la fin de Ben Laden, exécuté le 1 mai 2011 par l’armée américaine au Pakistan. Exécuté et non arrêté, jugé et condamné pour ses actes terroristes. Plutôt "œil pour œil, dent pour dent". Et cela s’est passé comme dans un film, à l’américaine, Obama, Clinton et leurs conseillers suivant le tout en direct à la Maison Blanche. Et à un moment bien choisi, qui servirait les intérêts politiques et électoraux du président. Les États-Unis se sont fait justice eux-mêmes, ce qu’on interdit à tout-e citoyen-ne dans les États de droit. Mais les impératifs politiques comptent parfois davantage que les impératifs de la justice et de l’éthique, et les gouvernements ne sont-ils pas au-dessus des lois qu’ils édictent... pour les autres ?

***

Imaginez un moment que vous êtes Ben Laden, autrefois allié et agent des États-Unis, qui vous ont formé dans le domaine militaire, qui vous ont employé et généreusement payé votre aide, il y a plus d’une douzaine d’années, pour repousser les envahisseurs soviétiques en Afghanistan. Vous vouliez empêcher des étrangers d’occuper votre pays d’adoption. De leur côté, les États-Unis obnubilés par le communisme, ne voulaient pas laisser les Russes s’installer en Afghanistan et renforcer leur pouvoir sur toute la région et surtout sur le précieux pétrole.

Les Russes ont donc été obligés de déguerpir.

Mais deux ans plus tard, les États-Unis ont volé au secours du Koweït que l’Irak voulait envahir. Ils ont obtenu de votre patrie, l’Arabie saoudite, l’autorisation de s’y installer militairement, une présence qui devait être temporaire. Après la guerre du Golfe, les Américains n’ont pas quitté les lieux saints des Musulmans. Ils ont plutôt renforcé leur position, notamment grâce à l’entente conclue entre les dirigeants de l’Arabie saoudite et la famille Bush, qui a beaucoup d’intérêts dans l’industrie du pétrole. Vous considérez désormais cette présence américaine comme un outrage et vous vous sentez trahi par votre pays natal et vos anciens alliés. Vous finissez par vous brouiller avec votre pays qui, sous les pressions américaines, vous expulsera purement et simplement. Vous trouverez alors refuge en Afghanistan.

Désormais, vous nourrissez une haine féroce envers l’hégémonie que les États-Unis exercent sur le monde. Vous leur reprochez également leur rôle dans le conflit israélo-palestinien et leur soutien financier à Israël, quelque trois milliards de dollars par an. Vous vous convainquez que les États-Unis sont franchement anti-arabes et vous n’acceptez pas leur influence grandissante sur les ressources et les politiques du monde arabe. Désormais, votre seul objectif est de détruire cette superpuissance dont l’arrogance vous irrite.

Vous préparez votre revanche. Vous recrutez des jeunes hommes pauvres, sans avenir, plus ou moins désoeuvrés, qui se raccrochent à leur foi en l’Islam pour se donner de l’espoir. Vous exploitez à l’extrême ce sentiment religieux. Vous êtes croyant, certes, mais pas comme le monde occidental l’imagine. Le discours religieux, chez vous, devient un instrument de manipulation et de recrutement. Vous utilisez la ferveur religieuse à des fins politiques et militaires. Vous êtes riche et vous avez le goût du pouvoir. Vous subventionnez des écoles qui endoctrinent vos futures recrues, leur enseignant la haine de l’Occident, surtout de son plus illustre représentant, les États-Unis, en même temps que les préceptes réels ou supposés d’Allah. En Afghanistan, terre de refuge, vous avez votre propre armée qui aide le régime taliban à se maintenir en place, tout en exerçant sur lui une influence qui vous servira, une fois venue l’heure de la vengeance.

Puis vient l’heure H. Vos hommes, qui se préparent « sur le terrain » depuis des années, passent à l’action le 11 septembre 2001. Ils détournent des avions commerciaux et les lancent sur des symboles de la toute-puissance américaine, le World Trade Center, symbolique de la puissance économique, et le Pentagone, symbole de la puissance militaire. Sans un imprévu, ils auraient aussi touché le symbole de la puissance politique, la Maison-Blanche.

Bien évidemment, vous savez que les États-Unis ne croiseront pas les bras et que leur vengeance sera aussi, sinon plus terrible que la vôtre. Vous prévoyez, également, qu’avec le pouvoir économique et les moyens militaires dont ils disposent, les États-Unis se rallieront plusieurs pays. Resteriez-vous alors en Afghanistan à attendre que les Américains détruisent vos installations militaires et viennent vous cueillir dans votre caverne à flanc de montagne ? Je ne le pense pas. Vous fileriez probablement à l’anglaise. Ben Laden pourrait avoir fait de même.

 

***

Avant ou peu après les attentats du 11 septembre, Ben Laden s’est probablement assuré une retraite sûre. Le jeu que jouent les dirigeants talibans fait peut-être partie d’un scénario mis au point pour faire diversion. Les talibans savent que leur sort est intimement lié à celui de Ben Laden, auquel ils sont redevables. Après que le Pakistan les ait aidés à s’installer au pouvoir en 1996, ils ont résisté aux attaques des forces d’opposition grâce à l’armée de Ben Laden. Le régime taliban a d’abord prétendu qu’il pourrait livrer Ben Laden si on lui donnait des preuves de sa culpabilité, en refusant d’avance toute preuve qui serait contraire à la loi islamique. Aussi bien dire qu’il ne reconnaîtrait aucune preuve comme valable. Puis, il a nié que le chef terroriste ait pu réaliser pareille opération, tout en affirmant que son statut d’hôte l’empêchait de le remettre aux mains d’étrangers. Après avoir fait semblant de tergiverser, les talibans ont ensuite prétendu qu’ils voulaient négocier. Négocier quoi ? La reconnaissance internationale de leur régime politico-religieux sanguinaire peut-être !

Foutaise que tout cela. Il fallait gagner du temps afin que Ben Laden et ses alliés, où qu’ils soient dans le monde, se cachent en lieu sûr et, peut-être, préparent une riposte. Le chef terroriste a peut-être choisi de se réfugier dans un pays où il a de très nombreux sympathisants capables de le protéger et de le faire franchir, si la chose devient nécessaire, d’autres frontières amies. Ce pays pourrait être un voisin de l’Afghanistan, dont le gouvernement ignorerait la présence de Ben Laden, un pays qui ne courrait pas le risque d’être attaqué par les États-Unis puisqu’il est leur allié circonstanciel. Le Pakistan, par exemple.

Le Pakistan est au bord de la guerre civile. Son gouvernement n’a pas d’appui populaire. L’actuel président s’est emparé du pouvoir par un coup d’État et pourrait le perdre de la même manière si l’armée, qui compte de nombreux pashtouns (ethnie des talibans), le laissait tomber pour répondre à l’appel d’un autre chef. Qui nous dit que Ben Laden, au fait de la situation et toujours en contact avec les talibans, ne prépare pas ce coup d’État par personnes interposées ? Il jouirait malheureusement d’un vaste appui populaire. Et un autre danger menacerait le monde : le Pakistan possède des armes nucléaires.

Les États-Unis le savaient-ils ?

Les États-Unis ignorent où se trouve le terroriste Ben Laden, mais je parierais qu’ils savaient, avant les frappes, qu’il avait quitté l’Afghanistan. Les États-Unis ne peuvent pas vraiment croire que ces gens-là, qui ont eu trois semaines pour se mettre à l’abri, sont restés sur place à les attendre. Comment peuvent-ils penser arrêter Ben Laden et son groupe en lançant des bombes et des missiles, sans descendre à terre ? Ils veulent limiter le nombre des victimes dans leur camp, d’accord, mais ils n’ont aucune hésitation à faire des victimes parmi une population innocente et affamée, vivant dans une détresse extrême depuis plus de vingt ans. À notre époque de guerre technologique, les guerres font infiniment plus de victimes civiles que de victimes militaires. Est-ce moral ?

Si les États-Unis savent que Ben Laden s’est réfugié ailleurs, alors, pourquoi frapperaient-ils l’Afghanistan ? Faire semblant de croire que Ben Laden est encore en Afghanistan sert leurs intérêts. À court terme, ils veulent détruire les installations militaires du chef terroriste et, si possible, forcer les dirigeants talibans à la reddition. Une tâche plus difficile que prévue, semble-t-il, puisque le président Bush a fait, dans sa conférence du 11 octobre, une nouvelle ouverture aux talibans : livrez-nous Ben Laden et ses associés, et nous cessons de bombarder l’Afghanistan. Son objectif n’est donc pas de mettre fin au régime inique des talibans, un régime terrroriste en soi. Il leur dit plutôt : « Donnez-nous nos terroristes et nous vous laisserons continuer de persécuter les Afghans, et surtout les femmes afghanes. »

Les États-Unis doivent aussi décourager les alliés et les sympathisants de Ben Laden, où qu’ils soient dans le monde, qui auraient l’intention de suivre son exemple. Mais avant tout, ils ont besoin de faire une démonstration de force pour rassurer leur population et la convaincre qu’ils sont forts et capables d’éliminer la source du « mal ». D’ailleurs, la rapidité avec laquelle les États-Unis ont pointé du doigt le réseau de Ben Laden, quelques jours seulement après les attentats, alors que leurs services secrets n’avaient rien vu venir pendant des années, démontre le besoin de trouver un coupable rapidement pour satisfaire la population. Plus vite on donne un visage au responsable de ces attentats, plus on renforce au sein de la population l’impression de contrôler la situation. George W. Bush n’a-t-il pas l’appui de 90% de la population ?

Ben Laden est-il le véritable et le seul instigateur des attentats du 11 septembre dernier ? Quelle importance ? On verra cela plus tard. Il s’agit de désigner un coupable au plus tôt pour canaliser le désir de vengeance. La population n’aime pas le flou ; elle aura aussi moins peur si elle croit qu’on a identifié les coupables. Saddam Hussein était considéré comme le diable en personne lors de la guerre du Golfe. Dans celle-ci, le diable, c’est Ben Laden. Et avec le diable, on ne transige d’aucune façon. Alors, le gouvernement américain impose la censure aux médias qui diffusent les cassettes de Ben Laden. C’est de la propagande ! Tiens donc ! La propagande est certainement dans tous les camps. Il pourrait y avoir des messages codés ! Comme si les terroristes n’avaient que ce moyen de transmettre leur propagande ! Il pourrait y avoir des messages codés dans les journaux, qui sait ? Faut-il interdire les journaux ? L’administration américaine accuse certains médias, qui se montrent quelque peu critique, d’être des mauvais patriotes ! Le Premier Amendement de la Constitution américaine, qui garantit la liberté d’expression à tous et toutes, ne pèse pas lourd quand on veut gagner la guerre de l’opinion publique, à défaut de la guerre contre le terrorisme.

Les États-Unis ont présenté des « preuves » contre Ben Laden qui ressemblent plutôt à un faisceau de déductions. (Voir, « Les preuves contre Oussama Ben Laden, LE MONDE, 8 octobre 2001 » et aussi le site internet à cette adresse : www.number10.gov.uk). Un autre réseau terroriste que Al-Qaida pourrait bien avoir fait le coup. Ben Laden aurait bien du plaisir à brouiller les pistes en laissant croire qu’il en est responsable, puisque c’est ce qu’on croit. Après tout, ce qu’il veut, c’est la destruction du pouvoir des États-Unis, peu importe qu’il agisse lui-même ou que ses semblables se chargent de la besogne.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 11 octobre 2001



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Micheline Carrier
Sisyphe

Micheline Carrier est éditrice du site Sisyphe.org et des éditions Sisyphe avec Élaine Audet.



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  • > Où est Ben Laden ?
    (1/1) 28 décembre 2007 , par





  • > Où est Ben Laden ?
    28 décembre 2007 , par   [retour au début des forums]

    Ben Laden n’existe pas , ce n’est qu’un pur produit de l’imagination


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