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lundi 8 mars 2004

Dans l’adversité, la résistance a meilleur goût

par Micheline Carrier






Écrits d'Élaine Audet



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Au Québec, la Journée internationale des femmes revêt cette année un caractère hautement politique.

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement de Jean Charest a adopté, sans mandat légitime pour ce faire, des lois et des mesures administratives qui ressemblent à une offensive délibérée contre les classes les moins favorisées de la société. Ce gouvernement agit comme si l’État québécois était sa chose privée qu’il pouvait chambarder à sa guise sans l’accord de la population. Avec les gros sabots du patron autoritaire, il procède à une "réingénierie" (le terme est de lui) qui risque de mettre en péril les droits des personnes assistées sociales, par exemple, ainsi que les progrès que les femmes ont réalisés, de hautes luttes, au cours des dernières décennies. Les attitudes et les actes de ce gouvernement laissent croire depuis plusieurs mois à une volonté de freiner les efforts consentis (consentis, car les femmes, bien que la moitié de la population, doivent toujours se battre pour obtenir justice) par les gouvernements antérieurs dans la recherche de l’égalité de fait entre les hommes et les femmes au sein de la société québécoise.

Le gouvernement Charest a retiré aux employées de garderies leur statut de salariées et les protections sociales assorties à ce statut. Il a modifié la loi sur les pensions alimentaires versées aux enfants, de manière à favoriser les hommes qui ont des familles multiples au détriment des femmes chefs de familles monoparentales, dont la situation économique est déjà précaire, et il envisage d’abolir la perception par l’État de ces prestations compensatoires. Les réformes projetées au Régime des rentes du Québec toucheront, si on leur donne suite, plus durement les femmes que les hommes. Sans égard pour les droits des personnes syndiquées, il a entrepris un remodelage des différents champs de syndicalisation, notamment dans le domaine de la santé où les femmes sont fortement en majorité. Il n’est guère difficile de se rendre compte que ce gouvernement fossoyeur des acquis du peuple québécois est en train de poser dans le domaine de la santé les derniers jalons d’une privatisation que le milieu des affaires et l’industrie multinationale attendent en coulisses avec impatience. Les droits individuels et collectifs, les acquis syndicaux, la recherche d’un équilibre entre les classes et d’une plus grande justice sociale ont toujours constitué des obstacles à l’accroissement des profits des prédateurs économiques.

L’offensive de ce gouvernement contre les avancées des femmes au cours des dernières décennies apparaît de façon plus flagrante dans le projet de la ministre Michelle Courchesne de modifier substantiellement les mandats, les objectifs et les structures du Conseil du statut de la femme et du Secrétariat à la condition féminine, sinon d’abolir purement et simplement ces organismes. Le gouvernement veut faire d’une pierre deux coups en mettant la hache dans des organismes qui ont fait leurs preuves et auxquels les Québécoises tiennent beaucoup. Économies obligent, mais la ministre répond en même temps à une préoccupation politique de son gouvernement. Des hommes de Cromagnon, qui grognent sur tous les tons depuis des mois dans les médias, en affirmant que les progrès des femmes ont lésé les hommes et ont fait de ces derniers une nouvelle classe de "victimes", ont des sympathisants au sein de ce gouvernement comme de l’opposition.

Les femmes seraient-elles allées trop loin et leurs progrès, réalisés au prix de tant d’efforts, empêcheraient-ils les hommes de s’engager plus nombreux dans l’enseignement aux niveaux primaire et secondaire (où, soit dit en passant, les femmes ont toujours été majoritaires sans être accusées dans le passé de castrer les petits garçons ou de les empêcher de devenir des hommes) ? L’égalité recherchée dans la vie pratique par les femmes créerait-elle une crise d’identité masculine et pousserait-elle les hommes au suicide ? Les femmes obtiendraient-elles en majorité la garde des enfants dans les cas de divorce parce que les juges sont biaisés et imprégnés de féminisme radical, et non parce que la majorité des hommes ne réclament pas cette garde (exigeante et non une sinécure) et que certains de ceux qui la réclament sont inaptes à l’assumer ? Les "fausses allégations" d’abus sexuels et de maltraitance d’enfants seraient-elles plus nombreuses que les cas réels d’abus sur lesquels la justice ferme les yeux, quand ces cas ne lui échappent pas tout simplement ?

Voudrait-on calmer la grogne masculiniste en faisant asseoir femmes et hommes, en nombre égal, je suppose, à un nouveau "conseil de l’égalité", comme si la situation des unes et des autres était symétrique ? Les hommes, soudain, comprendraient qu’ils ont un rôle plus actif à jouer pour l’égalité de fait et seraient plus motivés à travailler avec les femmes. Allons donc ! L’obstacle principal à l’égalité réelle entre les hommes et les femmes ne tient pas à l’ignorance qu’auraient les hommes de la nature des problèmes que les femmes, et dans bien cas les femmes seulement, rencontrent. Ce n’est pas non plus le fait que certains éprouvent des difficultés psychologiques à s’adapter aux changements qu’entraîne la mise en pratique de l’égalité. L’obstacle principal, c’est le refus d’un grand nombre d’entre eux de renoncer aux rôles traditionnels (hommes chef de famille, femmes prenant soin de ses enfants et de son époux), de perdre des privilèges qui leur confèrent une position socio-économique supérieure à celle des femmes (meilleurs postes, salaires, pouvoirs, loisirs, etc), perte de privilège inévitable si on veut établir l’équilibre entre les sexes dans les différents domaines de l’existence. Aucune entreprise de séduction ne changera rien à cette réalité.

Quand on entend des porte-parole gouvernementaux faire leur le discours masculiniste sur les problèmes d’hommes soi-disant malmenés par les avancées des femmes et par le féminisme, on se demande si leurs propos sont dictés par la crainte du ressac antiféministe ou le désir de servir les intérêts politiques d’un gouvernement sensible au discours de ces réactionnaires. Depuis le temps que ces derniers réclament l’abolition du Conseil du statut de la femme et la démission de sa présidente, est-on en train de leur donner gain de cause ? Les intérêts économiques à court terme du gouvernement rencontreraient-ils les intérêts de ces sapeurs qui discréditent sur toutes les tribunes les féministes et les acquis des femmes ? Que diable ! Faut-il écouter ces gens qui ne souhaitent pas l’égalité entre les hommes et les femmes mais la restauration de leurs propres privilèges, comme le rappelle un nostalgique de l’ordre patriarcal pur et dur dont les messages méprisants, signés "PATRICIUS ; pater : père (de famille)", envahissent ma messagerie depuis quelque temps.

« Il faut continuer d’avancer », écrit sur ce site la présidente du Conseil du statut de la femme, Diane Lavallée. En cette époque d’hostilité, ne faut-il pas nous unir et faire nôtre la volonté de résistance que Diane Lavallée exprimait dans un éditorial mémorable il y a tout juste un an ?

« En ces temps de croisade antiféministe, écrivait Diane Lavallée, nous plaidons coupables devant nos inquisiteurs. Oui, coupables d’avoir contribué aux avancées des femmes et de la société québécoise en général. Nous, féministes, avouons avoir rêvé d’une vie meilleure où femmes et hommes partageraient des valeurs égalitaires. Pis encore, nous y avons travaillé avec acharnement et passion. À la barre des témoins, des milliers de femmes : intervenantes dans les maisons d’hébergement, enseignantes, chercheuses, syndicalistes, artistes, ingénieures, militantes, politiciennes, mères de famille. Autant de fourmis travaillantes et patientes qui ont contribué à faire du Québec une des sociétés les plus progressistes au monde et pour qui démocratie rime avec égalité, tant dans la vie privée que dans la vie publique (...).

Oui, nous sommes coupables d’avoir cherché à briser le carcan des stéréotypes. Et de vouloir encore et toujours une société diversifiée où les jeunes puissent choisir un métier, une vie, en fonction de leurs aspirations, et non de leur sexe. Coupables aussi d’avoir incité les pères à se rapprocher de leurs enfants et, par la même occasion, d’avoir obtenu un congé parental dont pourront bénéficier autant ces derniers que les mères. Nous avons commis le crime de participer davantage à la vie citoyenne et au marché du travail(...) » (Fin de la citation)

Relisons ce texte mobilisateur ainsi que le dossier d’Ariane Émond sur le procès du féminisme, afin de mieux comprendre le contexte politique dont s’inspirent les projets du gouvernement Charest en ce qui concerne les femmes du Québec. Et refusons d’être "punies" pour avoir contribué au progrès de la société québécoise et recherché légitimement l’égalité et la justice. Enfin, il faut résister à ceux qui, de toute façon, trouveront toujours que les femmes vont trop loin et en demandent trop alors qu’elles ne réclament que leur dû.

Afin que les célébrations du 30e anniversaire du Conseil du statut de la femme n’aient pas été le chant du cygne de cet organisme, qui a donné confiance et espoir aux femmes du Québec pendant des décennies, afin que les acquis des femmes du Québec ne soient pas sacrifiés aux intérêts politiques et économiques du moment, il faut nous faire entendre haut et fort. Des manifestations se tiennent partout au Québec en cette Journée internationale des femmes et des pétitions ont déjà rallié plus de 900 signataires féminines et 600 signataires masculins. Participons-y ! Dans l’adversité, la résistance a meilleur goût que la résignation.

Malgré tout, joyeuses célébrations ! Bonne Journée internationale des femmes !

8 mars 2004

 Voir Profil et affiliations des femmes signataires de la pétition pour le maintien du CSF et du SCF

9 mars 2004

Interrogée au Point (Radio-Canada), hier, la ministre Michelle Courchesne a tenté de minimiser l’importance de la riposte des femmes, lors de la manifestation du 8 mars à Montréal : il y avait beaucoup l’action des syndicats, a-t-elle dit. La ministre ignore-t-elle que les femmes comptent pour une importante proportion des employées syndiquées ?

Mauvaise foi, démagogie ou entreprise de séduction auprès d’une certaine clientèle masculine grognante ? La ministre a insinué que les femmes veulent l’égalité pour elles seules. « Les groupes féministes veulent l’égalité pour les femmes, a-t-elle dit, on veut l’égalité avec les hommes ». La ministre sait fort bien, pourtant, que si les groupes de femmes demandent "l’égalité de fait pour les femmes", c’est qu’elle n’existe toujours pas, et que cela signifie l’égalité avec les hommes. Collectivement, les hommes ne constituent pas le sexe désavantagé, au Québec comme ailleurs. Le laisser croire revient à nier les inégalités de genre et à donner raison aux hommes de Cromagnon qui se considèrent victimes des femmes quand celles-ci ne font que réclamer et exercer leurs droits. Si la ministre veut entendre d’autres points de vue d’hommes, elle pourrait prêter l’oreille aux quelque 700 qui ont signé une pétition demandant le maintien du CSF et du SCF, des organismes qui ont justement été mis en place pour contribuer à rétablir un certain équilibre entre les sexes. Et qui ont fait leurs preuves. Mais travailler à instaurer une plus grande égalité de fait nécessite des moyens financiers. Même s’il se drape dans de grands principes, le gouvernement Charest vise d’abord à faire des économies sur le dos des femmes, les éternelles sacrifiées sur l’autel des conjonctures économiques. D’ailleurs, quand la journaliste l’a interrogée sur la lutte contre la pauvreté, la ministre a mentionné hier soir le contexte économique. Une chanson que les femmes connaissent par coeur. M.C.



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Micheline Carrier
Sisyphe

Micheline Carrier est éditrice du site Sisyphe.org et des éditions Sisyphe avec Élaine Audet.



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  • Comment manipuler les Québécois et Québécoises
    (1/1) 9 mars 2004 , par





  • Comment manipuler les Québécois et Québécoises
    9 mars 2004 , par   [retour au début des forums]

    Voir "Réingénierie" : comment vaincre les résistances :
    http://www.ledevoir.com/2004/03/09/49355.html

    Un plan de manipulation libérale de la population.


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