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avril 2004
Faut-il saper le féminisme québécois au nom de la "condition masculine" ?

Le 28 avril 2004

Madame Denyse Bégin
Le Courrier de Saint-Hyacinthe

Madame,

J’ai lu la mauvaise querelle que vous cherche un professeur de philosophie réactionnaire sur son site Web et ailleurs.

J’imagine que vous en avez ri comme moi. Le genre d’homme de droite qui considère que l’autorité parentale est polluée dès que l’État offre des garderies ou même des écoles aux enfants fait pas mal vieux jeu, comme le style de Monsieur Brooks d’ailleurs…

Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié que vous donniez sans détours votre opinion sur l’idéologie masculiniste, telle qu’exprimée sur des sites Web comme celui de L’Après-rupture - où l’on va jusqu’à publier une apologie de Marc Lépine, l’assassin antiféministe du 6 décembre 1989 ! Le Courrier de St-Hyacinthe a d’ailleurs innové en dénonçant de façon détaillée leur discours haineux et le piège qu’il tend aux hommes dès août 2002, sous la plume du regretté Jean Vigneault.

Par contre, j’aimerais répondre à l’enthousiasme que vous manifestez peut-être un peu rapidement pour le mouvement qui se targue de définir la " condition masculine " comme blessée et en droit de s’approprier les ressources patiemment construites par les femmes et arrachées à la pièce à un État peu favorable à l’évolution sociale.

Ce n’est pas un hasard si les gens de L’Après-rupture applaudissent le rapport Rondeau, rédigé par un intervenant masculiniste qui reprend tous les poncifs du genre sans égard aux données qui dérogent à son portrait-charge. Par exemple - pour ne citer que ce dossier - il ne dit mot du fait que les tentatives de suicide sont plus nombreuses chez les femmes que les hommes, meilleure indication de conditions de vie et d’une détresse qui sont loin d’être le seul fait des hommes.

Si certains hommes - les plus marginalisés habituellement - jeunes gais, Autochtones, toxicomanes - sont plus nombreux que les femmes à compléter un suicide, cela tient plus au choix des méthodes qu’aux conditions qu’ils vivent en regard des femmes et à la détresse qui en résulte. Quoi qu’en disent les masculinistes, le suicide n’est pas une preuve que les hommes seraient particulièrement à plaindre en tant qu’hommes. Le problème tient peut-être même au sentiment de certains que les hommes ont de droit divin le privilège de ne jamais vivre de compromis, de perte, de malaise ou de souffrance… un ordre assez traditionnel, vous en conviendrez.

Par ailleurs, les hommes sont-ils vraiment " en état de choc " du fait que les femmes aient depuis 36 ans accès au divorce et disposent d’une relative autorité parentale ? Les hommes ne se privent pas de provoquer ces ruptures quand bon leur tente et ils se montrent habituellement beaucoup moins responsables quand ils le font… Par ailleurs, vous reconnaissez vous-même dans votre éditorial le danger de " lie(r) les maux des hommes aux conséquences de la rupture de la cellule familiale ", comme le font les militants de L’Après-rupture.

En fait, si on cherche à élucider la dynamique du " malaise " que d’aucuns agitent dans tous les médias, il me semble que certains hommes sont plutôt revanchards de devoir faire face depuis plus récemment à un service relativement efficace de soutien juridique de leur ex-conjointe et de perception des pensions alimentaires. En parlant de ce service de perception, vous avez peut-être remarqué que le gouvernement Charest s’est empressé d’en démanteler le personnel dès son entrée au pouvoir, à la demande expresse du lobby masculiniste…

Alors, faut-il utiliser un aussi grand mot que " malaise " pour qualifier l’égoïsme des hommes qui voudraient couper les vivres ou perpétuer leur harcèlement d’une ex-conjointe ? Je trouve significatif que le discours sur la condition masculine soit tenu par des intervenants qui se portent systématiquement à la défense des conjoints et des pères agresseurs. Ne serait-ce pas une nouvelle imputabilité pour les voies de fait et agressions sexuelles imposées par des hommes à leur famille qui pose problème pour certains ? Faut-il transformer le Conseil du statut de la femme pour faire voie à de telles revendications réactionnaires et contraires à toute justice sociale et protection des personnes les plus vulnérables ? Je trouve grave que ces revendications d’immunité soient au premier plan des pressions médiatiques et politiques du mouvement de la condition masculine. Votre " Oui d’emblée " à une réorientation du CSF en ce sens me semble accordé un peu vite. Je ne pense pas que faire avancer de telles causes " fera par ricochet avancer la société toute entière ". Au contraire.

Les hommes peuvent faire valoir leurs droits et leurs problèmes sans tenter d’accaparer et de s’approprier les ressources créées pour contrer l’inégalité dont ils profitent. Il serait plus équitable qu’ils fassent valoir leurs besoins dans leur propre instance, sur la base des mérites en cause, au lieu de faire des déboires de certains hommes un prétexte pour accroître les privilèges de tous les autres, en faisant reculer les droits des femmes et des enfants.

Quant à la santé des hommes, je crois que Monsieur Rondeau n’a retenu des statistiques du MSSS que celles qui servaient son propos. Il y en a beaucoup d’autres, méritant un examen plus attentif. Si je regarde autour de moi qui vit des problèmes de santé mentale et physique à long terme, ce sont surtout des femmes, ce que vérifient les statistiques sur la consommation de médicaments et le recours au réseau de santé, entre autres.

Ces besoins pourraient être le sujet d’un autre de vos excellents billets !

Martin Dufresne, Secrétaire
Collectif masculin contre le sexisme

Collectif masculin contre le sexisme
Courriel : martin@laurentides.net

 L’auteur commente un article paru dans le Courrier de St-Hyacinthe en avril et intitulé Au front pour les hommes. L’article n’est pas accessible mais on peut le lire pour quelque temps grâce au cache de Google

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 avril 2004



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