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jeudi 9 septembre 2004 La triple peine de Samira Bellil, par Elise Thiébaut
Fâcheuse coïncidence : le jour où, dans Libération, Marcela Iacub publie un article destiné à minimiser les conséquences d’un viol, et son excessive criminalisation par le Code pénal, j’apprends que Samira Bellil est morte. Vous savez qui est Samira Bellil. Cette jeune femme a fait paraître chez Samira Bellil avait 33 ans. Elle était marraine de Ni putes ni Soumises, mouvement dont je ne suis pas, personnellement, adhérente. Ces dernières années, certains ont cru bon de railler ce mouvement et celles qui l’animaient pour nier la réalité des violences qu’elles subissaient. Pendant ce temps, Samira Bellil était en train de mourir. Pas de son viol, non, on peut mourir de tant de choses. La maladie, comme chacun sait, est une métaphore. Mais derrière la fiction, la réalité n’en a pas fini de creuser notre tombe. Samira Bellil est morte et je revois son visage magnifique, sa voix cassée Pour Marcela Iacub, la justice se veut le rempart de la jouissance des Samira Bellil est morte et je ne peux pas m’empêcher de penser qu’elle est morte de sa douleur. Le lendemain, Libération toujours publiait en « Une » un article de Blandine Grosjean sur les violences conjugales, rappelant que cet été avait été fertile en meurtres passionnels, et trouvant le moyen d’incriminer les mouvements féministes « négationnistes », sans jamais interroger le rôle des médias dans la négation du discours féministe. Et pour cause : Libération s’est fait complaisamment l’écho, et depuis toujours, des courants relativistes destinés, au fond, à légitimer l’ordre patriarcal ou capitaliste. Le Parisien, autre coïncidence terrible, pointait le même jour, le sentiment d’insécurité des femmes, plus souvent victimes d’agression, presque toujours dans l’indifférence générale. Et tous les journaux rappelaient un fait divers sordide : l’arrestation d’un athlète dopé, accusé de viol contre une jeune fille de 14 ans. Là encore, comme pour Marc Cécillon, meurtrier de son épouse Chantal, il s’est agi pour chaque journal, chaque journaliste, de revenir sur le désarroi d’un sportif malheureux, « victime de la loi anti-dopage ». Samira Bellil est morte et je pense au livre d’Alain Soral, « Misères du Désir », où il se range du côté des caïds des quartiers « à qui l’Occident veut voler les femmes », pour se moquer des Ni Putes ni Soumises « venues de Clermont-Ferrant », portant des noms "à consonance juive", parler « de ce qu’elles ne connaissent pas ». Je repense à ce qu’il disait de la violence conjugale « bien moins meurtrière que le cancer du sein », et même dérisoire par rapport au suicide de certains hommes délaissés. Pour ce que j’en sais, Samira Bellil est morte de la violence, du cancer, et peut-être même d’un suicide à libération prolongée. Le cumul, malheureusement, est autorisé. Samira, laisse-moi t’appeler ma chérie, comme j’appelle ma fille adorée, comme j’appelle la Liberté Samira, ma chérie, nous ne t’oublierons jamais. Elise Thiébaut – De la même auteure : L’urgence est-elle de faire de la prostitution un métier ? – Ailleurs : Samira Bellil n’est pas morte PROCHOIX, communiqué du 7/09/04 Samira Bellil est morte Nous venons d’apprendre la mort de Samira Bellil. A bout de forces, terrassée par une maladie après s’être battue pendant des mois pour faire connaître l’"Enfer des tournantes", le titre de son livre. Dans ce livre, Samira Bellil a raconté sa propre histoire : celle d’une jeune femme trop belle et trop libre, rappelée à l’ordre par une bande de violeurs. La belle s’est relevée. Elle a tout affronté : le regard honteux de sa famille, le fait d’être regardée comme une traître par ceux du quartier qui estimaient qu’elle l’avait bien cherché. Malgré eux, surtout à cause d’eux, pour toutes les filles que l’on chasse comme des proies, elle s’est battue, comme une lionne. De conférence en conférence, en France comme à l’étranger, elle avait trouvé la force de témoigner et de faire face. Mais les charognes ont toujours le dernier mot. Et ils lui ont fait payer de s’être révoltée au lieu de la fermer. Nous le savions, à chaque fois ou presque qu’elle intervenait, Bellil devait encaisser les insultes des petits soldats de l’islamisme, venus la traiter d’"islamophobe" et de traître parce qu’elle osait salir l’image des quartiers... Ne serait-ce que ces dernières semaines, la rentrée éditoriale déborde de livres raillant Bellil et les Ni putes ni soumises comme celles par qui l’"islamophobie" est arrivée. Leur crime ? Avoir osé dénoncer le sexisme qui existe, aussi, en banlieue. Ces charognes peuvent saliver. La lionne est morte épuisée. – ProChoix-Paris.
Dépêche AFP Décès de Samira Bellil, auteur du livre Dans l’enfer des tournantes PARIS (AFP) - (7/09/2004) Samira Bellil, 33 ans, l’auteur du livre "Dans l’enfer des tournantes", est décédée "au terme d’une douloureuse maladie", a annoncé mardi dans un communiqué Olivier Rubinstein, directeur général des éditions Paru à l’automne 2002, cet ouvrage était "un témoignage capital et courageux sur un fait de société trop souvent occulté", a-t-il rappelé. Samira Bellil était devenue éducatrice en Seine Saint-Denis et son témoignage avait servi à terminer sa thérapie. "Je voudrais faire un livre pour que tout cela ne me soit pas arrivé pour rien. Je voudrais dire à celles qui ont subi ce que j’ai subi qu’il y a toujours un espoir de s’en sortir", écrivait-elle. Elle était gravement malade depuis quelques mois. Dans ce récit, ni larmoyant ni apitoyé, l’auteur raconte les viols collectifs qu’elle a subis à 13 ans dans sa cité de banlieue, mais aussi sa vie faite de violence dès l’enfance, les coups donnés par son père, la faiblesse de sa mère, la drogue, les "embrouilles" avec les autres filles de la cité qu’elle prend parfois pour des alliées. Elle dit aussi sa rancoeur contre la justice des pauvres. Elle va payer cher le fait d’avoir porté plainte contre l’organisateur de la "tournante" et sa bande, envoyés en prison. A la cité, on ne lui pardonne pas, sa mère met du temps à la comprendre, son père ne l’accepte jamais en "violée". Pour couronner le tout, son avocate, commise d’office, oublie de la prévenir de la date du procès, où elle ne peut donc pas témoigner. Heureusement, un avocat finira par être touché par son histoire et lui obtiendra une indemnisation. VOIR EN LIGNE : Ni putes Ni soumises Commenter ce texte © Sisyphe 2002-2014 | ||||
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