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La loi suédoise "

21 octobre 2002, 04:21, par Élaine Audet et Micheline Carrier

Vous faites allusion à la loi suédoise sur la prostitution. Pour le
bénéfice de nos lectrices et de nos lecteurs, voici grosso modo en
quoi consiste cette loi :

En Suède, la loi sur l’interdiction de l’achat de services sexuels
est entrée en vigueur le 11 janvier 1999. Les clients des prostituées
sont passibles de six mois d’emprisonnement. Par ailleurs, la
prostitution ne constitue pas une infraction, mais le proxénétisme
est condamné par le code pénal. Cette infraction est punissable d’un
emprisonnement pouvant aller jusqu’à quatre ans. Les avis sont
partagés quant aux effets de cette loi.

http://www.senat.fr/lc/lc79/lc798.html

À propos de cette loi, une députée féministe, Inger Segelström, dit : « On ne peut pas construire une société égalitaire si on admet la prostitution, si on laisse faire le trafic et l’importation des femmes. Cela n’a rien à voir avec la sexualité et la morale. C’est une question d’égalité. » Pour sa part, Agneta Borg, travailleuse sociale, avance cet autre argument : « Moi, je regarde cette loi dans une perspective de 30 ans. C’est la période qu’il nous faut pour changer d’attitude. L’espoir est que cette loi agisse sur le futur comportement des adolescents d’aujourd’hui ».

http://www.marianne-en-ligne.fr

Une autre députée suédoise déclare : « Ce n’est pas une question de sexualité mais de pouvoir et d’égalité. Comment pouvons-nous interdire à un homme de frapper sa femme, de harceler sexuellement sa collègue de bureau s’il peut en toute impunité s’offrir une prostituée ? »

http://www.mix-cite.org/expose/index.php3?RefArticle=166

Pour Marianne Eriksson, députée européenne : « la loi suédoise, qui prend en compte tous les maillons du trafic du sexe, et est soutenue par 80% de la population suédoise, doit être défendue et « exportée ». Il ne s’agit pas ici d’un débat sur les notions de moralité ou d’immoralité. Il s’agit d’une industrie, d’un marché florissant qui, en devenant légal, cautionnerait le fait que le corps humain puisse être considéré comme une marchandise ! »

http://www.bouge-leurope.org/documents/document.phtml?iddoc=

D’autre part, alors que les personnes favorables à la libéralisation de la prostitution tentent de minimiser les effets de son interdiction en Suède, en argumentant que ce pays a des conditions socio-économiques exceptionnelles, Janice Raymond, dans son article « Légitimer la prostitution en tant que travail », porte à notre attention le cas moins connu du Vénézuéla. En mai 1998, le gouvernement du Vénézuéla a fait passer une loi rejetant la demande de groupes puissants « pro-travail du sexe » qui avaient demandé à être enregistrés comme un syndicat légal de « travailleurs du sexe ». La décision du Ministère du travail s’appuyait sur le fait que la majorité de ce qui était défini comme « travail du sexe » était en fait de la prostitution, et qu’il s’agissait donc d’exploitation sexuelle. Le Venezuela considère en effet que « la prostitution ne peut être identifiée comme un travail, car elle s’oppose aux principes de base de dignité et de justice sociale. » Il a également établi que l’objectif principal de la formation d’un syndicat est de « promouvoir le développement collectif de ses membres et de leur profession ». Ainsi, une décision en faveur d’un syndicat de « travailleurs du sexe » amènerait de fait à la promotion et au développement de la prostitution. (Republica de Venezuela, 1998)

http://sisyphe.levillage.org/article.php3?id_article=158

Puisque nous sommes d’accord avec de telles positions, vous comprendrez que nous ne pouvons que nous interroger sur un possible appui de la FFQ à la décriminalisation des clients, que vous dites avoir appuyée, ainsi qu’à celle des proxénètes, sur laquelle vous dites n’être pas encore fixée. Comme nous l’avons écrit dans notre article, la notion de « travail du sexe » nous paraît contraire à l’éthique féministe particulièrement pour « une organisation, qui mène des campagnes permanentes contre la violence faite aux femmes, mais qui hésite à s’attaquer aux racines d’une violence contre les femmes aussi flagrante, c’est-à-dire le système proxénète ».

Voir en ligne : Sisyphe