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> l’article 19 de notre constitution

19 décembre 2007, 14:17, par karim

lejournale-hebdo.com source de l’article.

Le débat sur la sacralité de la monarchie semble être au centre du projet de M. Ramid...
Comme je l’ai dit tout à l’heure, M. Ramid a évoqué le statut constitutionnel du roi prévu par l’article 19 de la Constitution. Ses thèses rejoignent les analyses de certains constitutionnalistes. C’est une évidence, si l’on se réfère au droit public musulman et à la tradition marocaine, que le titre de commandeur des croyants n’a jamais conféré à son titulaire un statut au-dessus de la communauté et au-dessus de la loi. Le chef de la communauté ne possédait pas un pouvoir absolu et il était comptable de ses actes et susceptible donc d’être révoqué par la communauté. Parallèlement à la pratique des quatre premiers khalifes (arrachidines), on peut évoquer le cas marocain. Si l’on se limite à la dynastie alaouite, trois sultans ont été démis de leurs fonctions : le sultan Moulay Ahmed a été détrôné en 1738, le sultan Moulay Abdelaziz a été déchu de sa fonction en 1907 parce qu’il s’est permis de signer l’Acte d’Algésiras et Moulay Hafid, son successeur, a dû abdiquer en 1912 à la suite de la signature du Traité du Protectorat. Il en résulte que la sacralité est une notion étrangère au droit public musulman et relève uniquement des interprétations particulières du statut du Roi, tel qu’énoncé dans l’article 19 de la Constitution. Ces interprétations conduisent le Roi à intervenir dans les compétences propres au gouvernement et au Parlement et ont vidé la Constitution de sa substance. Or, les titres du Roi énoncés dans cet article sont plutôt des devoirs que des privilèges.

Quelle est alors la signification "constitutionnelle" du statut du commandeur des croyants ?
Par sa qualité de commandeur des croyants, on entend la responsabilité du Roi dans le respect de l’islam et de l’indépendance du pays. Ce sont d’ailleurs les fonctions historiques des sultans du Maroc. S’agissant des fonctions du Roi en tant que garant de la Constitution, elles ne consistent pas à lui accorder le droit d’interpréter le texte constitutionnel ou de le compléter et encore moins de le violer. Cette fonction signifie uniquement que le Roi peut saisir le conseil constitutionnel s’il estime que certaines lois ont violé la Constitution pour que le conseil se prononce sur leur constitutionnalité, les actes du gouvernement étant comme on le sait contrôlés par le Roi. Le roi doit également faire en sorte que toutes les institutions et les citoyens respectent la Constitution en facilitant le recours à la justice, seule institution dans l’Etat de droit à assurer le respect de la Constitution.

Mais l’article 19 élargit ce statut à d’autres dimensions...
En ce qui concerne sa qualité de protecteur des droits et libertés, elle ne lui accorde pas la compétence de légiférer dans ce domaine, mais d’assurer leur respect par le recours à la justice ordinaire ou constitutionnelle ou en cas de violation grave de recourir aux pouvoirs exceptionnels. S’agissant de son titre de représentant suprême de la nation, elle consiste essentiellement, comme en Espagne (article 56 C), à assurer la représentation suprême de l’Etat dans les relations internationales. En somme, la Constitution est considérée comme la loi suprême du pays dont le respect s’impose autant aux citoyens qu’aux pouvoirs publics. Comme le dit un grand juriste, l’objet d’une Constitution digne de ce nom est de soumettre l’Etat au droit. En somme, la sacralité, telle qu’elle est interprétée au Maroc, est une notion incompatible avec l’Etat de droit et avec la démocratie. Le problème constitutionnel au Maroc se pose beaucoup plus au niveau du décalage entre le texte et la pratique c’est-à-dire de l’Etat de droit qu’au niveau des réformes des institutions. S’il y a une réforme constitutionnelle à envisager, il est préférable qu’elle porte d’abord sur la définition des compétences royales et sur la nécessité d’introduire un contrôle de constitutionnalité de ses actes.