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> l’article 19 de notre constitution

19 décembre 2007, 14:23, par karim

Par Karim Boukhari
Réforme constitutionnelle. Les partis s’encanaillent

Depuis le balcon du Parlement,
le roi salue la foule, lors de
l’ouverture de la denière session
parlementaire. (AFP)

À un an des élections de 2007, les partis politiques retrouvent des accents contestataires. Mais pas trop. Chacun de son côté, ils planchent sur un projet de révision de la constitution. Mais sans trop bousculer qui vous savez…

“On peut remanier profondément le texte et l’esprit de la Constitution sans même toucher à l’article 19”. C’est Driss Lachgar qui le dit. Le chef du groupe parlementaire de l’USFP est bien placé pour expliquer les limites de la Constitution, au-delà du fameux article 19 qui définit les prérogatives du roi. Partie prenante sous Hassan II et sous

Mohammed VI, c’est lui qui a mené la commission d’enquête parlementaire et tiré au clair, avec un volumineux rapport à la clé, l’affaire du CIH. Il en a gardé, aujourd’hui, un sentiment mélangé de fierté et de frustration. “Oui, cette commission était une première dans les annales marocaines. Oui, le travail accompli était intéressant et il a été unanimement salué. Mais je me souviens que l’on travaillait pratiquement sans le sou et sans pouvoir aucun. C’était à la limite du bénévolat, les Mohamed Abderrazak, Othmane Benjelloun, et autres témoins de marque ignoraient royalement les convocations qu’on leur lançait…”.

USFP. Consensus pour une réforme molle
A l’USFP, où le débat sur la réforme de la Constitution a gagné en intensité depuis les travaux du 7ème congrès, beaucoup se rangent à l’avis de Lachgar : la réforme doit passer par le renforcement du Parlement appelé, comme on nous l’explique, à “gagner en pouvoir de légiférer et de contrôler”. En d’autres termes, le Parlement doit pouvoir émettre des avis qui ne plaisent pas forcément au Palais, voter (ou amender) tous les budgets y compris celui de l’armée qui a l’habitude de passer comme une lettre à la poste, contrôler le travail de la police, etc. Un vaste programme, pour ne pas dire une révolution qui passe, nécessairement, par une profonde réforme politique du royaume. “C’est bien de cela qu’il s’agit, confirme un autre dirigeant USFP. Car tant que la deuxième chambre (du Parlement) est réduite à jouer un rôle de caisse d’enregistrement ou de frein à toute initiative véritable, tant que les partis politiques sont ouverts à tous les vents, tous les pouvoirs dont on voudra bien doter le Parlement resteront purement théoriques”. Il faudra donc beaucoup de “si” avant de faire du Parlement ce qu’il est censé être : l’expression véritable de la volonté populaire et de la démocratie de tout un système.

L’USFP ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. D’autres réformes, aussi fondamentales, sont à l’ordre du jour, cette fois affectant les institutions du gouvernement et de la primature. L’expérience de l’alternance aidant, les ittihadis réclament aujourd’hui la révision du mode de désignation des grands commis de l’Etat, qu’ils soient walis (nommés par sa majesté), gouverneurs, directeurs d’agences ou d’offices publics. Les titulaires de ces postes-clés incarnent en effet le “visage” de l’Etat au quotidien et restent un moteur de développement local. “Le roi doit garder le pouvoir de nommer les personnalités militaires puisqu’il est le chef de l’état-major, explique ce député usfpéiste. Mais le gouvernement et le premier ministre doivent avoir leur mot à dire quant à la nomination des personnalités civiles”.

La Koutla. Pas encore à l’unisson
On le voit, les amis de Mohamed Elyazghi comptent placer la barre assez haut. Une forme de consensus en interne s’est déjà dégagée autour de la question. Reste à savoir quelle forme que toutes ces ambitieuses revendications devront prendre. Et là, rien n’a été décidé. “Nous ne savons pas encore, admet Driss Lachgar, comment nous présenterons nos revendications. Tout reste possible. Les réformes constitutionnelles peuvent prendre la forme, sérieuse, d’un mémorandum que l’on exposera en public ou celle, plus traditionnelle, d’un document que nos chefs iront remettre au roi”. Ce qui est sûr, c’est que l’USFP ne compte pas faire cavalier seul. Les réformes constitutionnelles seront en effet présentées conjointement avec l’Istiqlal et le PPS, dans le cadre de la Koutla. “Nos trois partis peuvent accorder leurs violons à partir des résolutions adoptées lors de leurs derniers congrès respectifs et dégageront ainsi une plate-forme commune”, assure pour sa part Abdelhamid Aouad, le chef du groupe parlementaire istiqlalien.

Il est vrai qu’à l’Istiqlal, l’attention s’est d’abord portée sur la date de la tenue du prochain congrès, et sur le sort de son secrétaire général Abbas El Fassi. “La réforme de la constitution, renchérit le député Abdellah Bakkali, ne fait pas l’objet d’une unanimité, mais c’est la majorité qui l’emporte”. Et la majorité est en train de trancher la question, selon une approche qui rappelle sensiblement celle de l’USFP : de plus larges prérogatives pour le Parlement, le gouvernement et le premier ministre. Le parti de Abbas El Fassi, habituel chantre de l’arabité, s’est même fait violence en décrétant l’amazigh langue nationale, une résolution qui n’a pas eu l’heur de plaire à tous les pontes de l’Istiqlal. “Nous proposons en outre, poursuit Bakkali, que les conseils des régions soient gérés en dehors de la tutelle étroite du ministère de l’Intérieur et que la 2ème chambre du Parlement soit transformée en un conseil social et économique (ndlr : l’instance existe constitutionnellement mais n’a jamais vu le jour !) pour laisser la place, dans sa configuration actuelle, à une sorte de Parlement bis chargé de la gestion des affaires locales”. Le PPS planche sur sa propre copie, qui ne doit pas s’éloigner de celle de ses partenaires de la Koutla. Explications du secrétaire général Ismaïl Alaoui : “Nous insistons sur la consécration des droits de l’homme dans le nouveau texte, sur la précision des attributions du roi en tant que chef de l’Etat et Amir Al-Mouminine, et du premier ministre en tant que représentant de la majorité démocratique et grand coordonnateur de l’administration”.

PSU. Plus à cheval sur les principes
Le ton est encore plus ferme et la barre plus haut placée chez l’autre grand représentant de gauche, le PSU : le premier ministre doit être obligatoirement choisi parmi les partis qui ont remporté les élections, il doit être consulté (par le roi) avant d’envisager tout remaniement gouvernemental et se comporter en véritable “président” de l’exécutif... Le parti fondé par Mohamed Bensaïd est surtout le seul, parmi toutes les formations représentées au Parlement, à militer ouvertement pour un amendement du fameux article 19 de la Constitution : “Cet article est une Constitution à lui seul, il divinise la personne du roi, résume ce dirigeant. Il est indispensable de l’amender, de le relativiser, afin de délimiter les pouvoirs du roi et d’ouvrir réellement les portes à la démocratie”. Des quatre partis qui planchent actuellement sur la réforme de la Constitution, le PSU est le seul à s’être fixé un deadline : dans une semaine tout au plus, le bureau politique aura validé les contours des amendements pour remettre sa copie au cabinet royal. Nous y reviendrons.