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Tout ce qui vient des États-Unis est béni, même le crime

8 mai 2004

par Zehira Houfani, écrivaine et journaliste


Décidément, après des millénaires d’évolution, la force reste la seule loi qui vaille sur la planète des Hommes. Qu’on en juge par ce que la puissance américaine a fait de l’Irak et de son peuple sous les yeux du monde. Un monde hermétique à la justice, à la vérité et qui fait de la compassion humaine, une faiblesse, et de la violence, une normalité. Nous y adhérons par notre silence et le cautionnons par notre indifférence. En fin de compte, nous sommes complices, pour ne pas dire coupables, de ces assassinats collectifs qui se commettent à ciel ouvert. Et ! qu’il avait raison Albert Einstein de penser que « Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »

Autant Bush, Sharon, Blair et Berlusconi, convaincus de l’impunité, persistent dans l’usage de la terreur, autant leurs victimes irakiennes et palestiniennes, convaincues de la justesse de leur combat, vont se radicaliser en faisant de leur propre vie le prix à payer pour sauver leurs familles, leur foyer, leur pays. Qui ne le ferait pas à leur place ? Je me vois mal en tant que Québécoise installer le tapis rouge sous les bottes d’une armée d’envahisseurs. S’il fallait que j’applaudisse en plus pour mousser leur ego... Pourtant, on ne demande pas moins que cela aux Irakiens et aux Palestiniens ! De céder leur terre et leur dignité, d’accepter de vivre sous le joug de l’occupation et de se montrer conciliants avec leurs agresseurs, les mercenaires qui prennent d’assaut leur vie. S’ils ne coopèrent pas, on fait en sorte que leurs souffrances soient tues, et leur résistance diabolisée par une machine de propagande qui ne cesse de tromper le monde.

Ce qui dérange dans tout cela, c’est qu’il y a de plus en plus de gens conscients des méfaits de cette machine de désinformation, mais curieusement, les grands médias de masse, eux, continuent d’apporter leur caution aux faiseurs de guerre, en particulier l’administration américaine qui respire le mensonge et répand l’intox.

Des mensonges odieux pour mettre le monde à genoux aux crimes massifs en Irak, en passant par la corruption ou la menace, c’est selon, des pays membres du Conseil de sécurité, aux pseudo-preuves d’armes chimiques détenues par l’Irak, la fameuse thèse falsifiée pour tromper le monde et du faux enlèvement et faux sauvetage du soldat Jessika Lynch, aucun de ces scandales, de ces complots n’a ébranlé l’attitude complaisante des bien-pensant de la planète à l’égard de l’administration américaine, et, bien entendu, au mépris de leurs victimes.

Est-ce parce que Bush et sa clique, du fait de leur suprématie militaire, sont au-dessus des lois humaines ? Ou, est-ce tout simplement que l’Occident, dans ses coulisses du pouvoir, s’identifiant, voire se confondant avec cette force, se refuse de commettre LE GESTE de la désavouer. Alors, il absout par le silence. Oui, Bush a menti au monde et trahi son peuple, c’est un fait, mais il reste que c’est Bush, le président de la plus grande puissance mondiale. Tous les autres acteurs sur la scène internationale ne font que répéter après lui.

Je me souviens de l’unanimité qu’on s’était employé à bâtir autour de la guerre d’invasion pour en faire une opération de libération chantée par la quasi-totalité des médias occidentaux à quelques exceptions près, Québec et France, en particulier. La moindre opposition au projet d’invasion était disqualifiée puisque immédiatement assimilée à un soutien à Saddam Hussein, sur qui on devait obligatoirement jeter des pierres sous peine d’être taxé de pro-Saddam. J’ai moi-même fait plusieurs entrevues avec les médias d’ici pour dénoncer les prétextes fallacieux dont se servait Georges Bush afin d’imposer sa guerre, notamment le mensonge des ADM et la pseudo-libération des Irakiens. Rares furent les tribunes où mes propos avaient été bien accueillis. Au mieux, on m’a écoutée, parfois fait mine de m’écouter, mais souvent en tentant de justifier l’intervention américaine, notamment par les allégations concernant la présence d’ADM et la menace que constitue Saddam pour le monde. D’aucuns auraient voulu m’entendre dire que les Américains étaient bien reçus par les Irakiens.

Aujourd’hui, plus d’un an après l’énorme imposture qui a permis l’occupation d’un pays, que fait la communauté internationale désormais informée des mensonges et des agressions unilatérales de l’administration Bush ? Rien. Quelqu’un va-t-il oser sortir des rangs de l’Omerta qui scelle la politique des puissants pour demander des comptes au couple Bush-Blair au nom des milliers de victimes qu’ils font en Irak dans l’impunité la plus totale ? Non.

Les affaires du monde continuent de bien aller, l’économie de croître, l’« exploit » des robots Spirit de flatter les egos, les Oscars et autres médailles de faire des heureux et pour finir, les Irakiens assiégés d’enterrer leurs morts. Combien d’enfants ? Combien de femmes tombent au jour le jour sous les bombes des avions américains, les tirs de leurs chars et les balles de leurs soldats ? Même les lieux sacrés de culte sont bombardés avec la nette volonté de pourchasser et de tuer les réfugiés jusque dans ce dernier retranchement. Je n’ai pas vu de journaliste s’indigner devant le crime collectif qui s’exécute presque à huis clos dans la ville fière de Falloudja. Pas plus que je n’ai vu de personnalités (oh, combien nombreuses : prix Nobel de la paix, ou autre) s’élever contre la brutalité et le fanatisme mercantile des Etats-Unis au point de les incriminer sur la scène internationale.

Malgré les multiples appels des Irakiens, les SOS et les actions de protestation des groupes anti-guerre, le calvaire des populations se poursuit presque dans l’indifférence générale. Désormais, on n’a même plus besoin de mentir. Washington s’emploie à liquider toute résistance irakienne à son projet d’occupation. Et comme pour accélérer la soumission des Arabes dans la région, Sharon est investi de la bénédiction états-unienne pour écraser, de son côté, la résistance palestinienne. N’est-ce pas le moment d’une intervention historique et concertée des ONG humanitaires afin de changer le cours des choses et de donner une leçon aux tenants du terrorisme d’État ? De telles tragédies, en plus de soulever l’indignation, devraient nous inciter à l’action, d’autant plus que nous vivons en démocratie et donc nous disposons du pouvoir de les stopper si telle est notre volonté.

Merci à l’auteure de nous autoriser à reproduire cet article paru sur son site. On peut lire d’autres articles de Zehira Houfani sur ce site : http://www.tourism-algerie.com/z.houfani



Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 avril 2004

Zehira Houfani, écrivaine et journaliste



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