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Le plan de match du lobby des hommes violents

3 décembre 2002

par Martin Dufresne

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femmes et enfants
tuées par des hommes en tant qu’hommes
au Québec depuis le 6 décembre 1989



Peut-être avez-vous vu affichés sur un mur du quartier les noms* de ces victimes de la violence sexiste ? « Ada Burns, Aïda El-Tomi, Agnes McCormick, Albina Arbour, Alex Maheux-Royer » énumérées par ordre alphabétique de prénom, dans un effort pour nous les rendre familières et nous rappeler que ce n’étaient pas des statistiques.

De sept. 2001 à sept. 2002, d’une manif « La rue la nuit, femmes sans peur » à une autre, il s’est ajouté 35 noms de femmes et 10 noms d’enfants à cette liste : Michèle Bernard, Thérèse Gélinas, Sylvie Richard, Nicole Lacombe Rocheleau, Lise Desmarais. Au moins 28 de ces 35 femmes ont été assassinées par quelqu’un qu’elles connaissaient : le plus souvent leur mari ou leur partenaire sexuel, s’accordant le droit de punir celle qui osait reconnaître l’échec de la relation.

Et les enfants, sacrifice rituel moderne où l’homme-Dieu, celui qui est en
droit de ne jamais être incommodé ou perdant, « s’offre » leur vie à coups de poing, de fusil ou de batte de base-ball : Mathieu, Mikael, Francis, Béatrice, Claudia, Jean-François.

Le pire est que même ces meurtres eux-mêmes sont versés au crédit des
hommes. « Ils souffrent certainement », clament les médias, « ils souffrent, et c’est la preuve qu’on a été trop loin. » Et de mettre le suicide occasionnel de ces salauds sur le même pied que leurs lâches assassinats pour réclamer encore plus de privilèges et de soumission aux intérêts masculins.

Un psychologue québécois révélait récemment dans une prestigieuse revue internationale (Violence Against Women, sept. 2000) qu’au Québec, chaque fois qu’un homme abat sa conjointe, le lobby des « droits des hommes » se précipite dans les salles de presse et à l’enquête du coroner pour attaquer le financement des maisons d’hébergement et réclamer cet argent de l’État pour les agresseurs ! Mais oui, c’est logique, après tout, quand on a suffisamment d’empathie pour l’égoïsme masculin : « donnez-nous ce qu’on veut et on n’aura pas à tuer ! »

Mais sait-on seulement le plan de match des hommes violents et de leur
lobby ? Cela commence à se savoir* : l’immunité pour leurs voies de fait, des restrictions sauvages au droit du divorce, la suppression des pensions alimentaires pour enfants, la reprivatisation des violences sexistes, des espaces non mixtes où supprimer la concurrence des femmes. Voilà les propositions qui émergent des groupes et centres pour hommes comme Autonhommie ou L’Après-rupture, où les militants « masculinistes » chauffent à blanc la frustration de ceux pour qui le pouvoir, c’est comme l’identité personnelle, c’est pas négociable.

En somme, une politique aussi vieille que le patriarcat et que chaque
conjoint violent (ou capable de le devenir) applique à coups de violence
psychologique et physique. Et une politique que les médias et l’État sont
tranquillement en train d’accréditer, sous prétexte d’alléger la charge des
tribunaux, de redorer la « condition masculine », de restaurer la paix dans les chaumières, et d’être « équitable » en appuyant autant les agresseurs que leurs victimes...! Au besoin, on rebaptisera « hommes en détresse » les
terroristes.

Déjà, Martin Cauchon, le ministre fédéral de la Justice, annonce son
intention de supprimer cet automne de la Loi sur le divorce la
reconnaissance de la garde d’enfants et des ressources, des droits et des
responsabilités qu’elle implique. Plus question d’échapper à un père
agresseur.

Violence individuelle et institutionnelle : même combat, mêmes cibles :
femmes et enfants, qu’on veut réassujettir à la Loi du Père.


*Lectures suggérées

Association Mères en lutte, Mères en lutte : Dossier de presse, Lyon,
2001.
Susan FALUDI, Backlash, des femmes, 1993.
JONES et SCHECHTER, Quand l’amour ne va plus, Le Jour,1995.
Nouvelles Questions Féministes, Vol 21, no 2, sept 2002, 4-54,
76-92.
Recherches féministes, « Ils changent, disent-ils », 11(2), 1998,
125-137.


* La liste de ces victimes est publiée ici

Mis en ligne octobre 2002

Martin Dufresne

P.S.

Autre document suggéré

Limites et risques de l’intervention psychologisante auprès des batteurs de femmes.




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