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Les garçons et l’école : les prétentions masculinistes réduites à néant

19 octobre 2004

par Jean-Claude St-Amant, chercheur en éducation, Université Laval

Le ministère de l’Éducation du Québec a récemment rendu public un rapport synthèse intitulé La réussite des garçons. Des constats à mettre en perspective (MEQ, 2004a). Le document complet est facilement accessible sur le site du ministère ; il "a pour objectif d’illustrer à l’aide de données statistiques certains écarts de réussite entre les garçons et les filles et de partager l’état de la recherche actuelle au Québec et ailleurs dans le monde" (p. 1). Il s’appuie également sur un document d’accompagnement intitulé La réussite professionnelle des garçons et des filles : un portrait tout en nuances (MEQ, 2004b).

Il me semble intéressant de signaler quelques informations nouvelles contenues dans le rapport synthèse. Celles-ci nous amènent à rejeter carrément certaines prétentions masculinistes quant à la performance scolaire des garçons québécois.

1 - Le retard scolaire

Au Québec, le retard scolaire au primaire est un phénomène qui touche en général plus de garçons que de filles. Cependant, "une analyse plus poussée des données permet de constater que dans certaines commissions scolaires, l’écart entre les garçons et les filles en termes de retard scolaire est très faible, voire inexistant" (p.3).

Puisque les écarts sont plus prononcés à certains endroits et inexistants à d’autres, les explications masculinistes du phénomène, qui recourent à des généralisations, ne tiennent pas. Comment en effet concilier "les différences de cerveau entre les hommes et les femmes", "l’énergie instinctive des garçons produite par la testostérone", "le taux élevé de féminité du personnel enseignant", "la faute aux féministes, aux mères monoparentales et aux femmes", ou encore "l’absence de modèles masculins" ; comment concilier ce genre d’explication donc, avec l’absence d’écarts entre les filles et les garçons dans certaines commissions scolaires ?

Les taux de testostérone varieraient-ils d’une commission scolaire à l’autre ? Les enseignantes se seraient-elles tout à coup masculinisées dans certains endroits, mais pas dans d’autres ? Et les féministes, les mères monoparentales et les femmes, volatilisées ? Qu’en est-il des cerveaux de la population étudiante de ces commissions scolaires, vient-on de découvrir le début d’une mutation jusque-là insoupçonnée ?

Comme "il est permis de croire qu’il puisse exister des différences importantes entre les établissements scolaires eux-mêmes [quant aux écarts garçons-filles dans le retard scolaire]" (p. 4), que faire de toutes ces hypothèses masculinistes citées plus haut ?

2 - La langue d’enseignement

Quand on compare les résultats des garçons et des filles par matière, on sait que seuls ceux en langue d’enseignement présentent des écarts relativement constants. Or, nous apprend le rapport, une comparaison fine des résultats dans cette matière "permet également d’observer des écarts de réussite encore plus grands entre les garçons eux-mêmes" (p. 5). Qui plus est, en lecture, les notes moyennes des garçons québécois dépassent les garçons du Canada, de la Finlande, de la Belgique, de l’Australie, des Etats-Unis et ... de la France (p.6).

Avec de tels constats, que faire avec toutes ces thèses naturalistes auxquelles réfèrent les masculinistes, qui insistent pour répéter que c’est l’école qui est inadaptée aux garçons ou encore que ceux-ci seraient des victimes du système scolaire ? On le voit, les résultats par matière sont sensiblement les mêmes chez les garçons et chez les filles, sauf dans une matière précise.

3 - La diplômation

Le rapport synthèse du MEQ scrute aussi la diplômation accompagnant la fin des études secondaires, ou encore ce qu’il est convenu d’appeler "le décrochage scolaire". D’une part, et contrairement à ce que soutiennent les masculinistes, la situation scolaire des garçons s’est améliorée sur ce plan depuis quelques décennies. Par contre, elle s’est détériorée depuis quelques années ... celle des filles aussi puisque l’écart entre les deux est resté stable (p.6). Rien donc pour crier à la discrimination, comme le font les masculinistes.

D’autre part, "on observe [...] des taux de diplômation présentant des écarts relativement importants chez les garçons, entre les secteurs publics francophone et anglophone" (p.7). Comment expliquer cet écart de 7% à l’avantage du secteur anglophone ? De toute évidence, les prétentions masculinistes ne tiennent pas la route. Certains d’entre eux auraient sans doute besoin de retourner faire leurs devoirs !

En bref

Se pourrait-il que "les garçons" ne soient pas tous pareils, qu’ils n’aient pas tous les mêmes besoins éducatifs, que certains n’aient pas vraiment besoin d’une aide spécifique alors que certaines filles en profiteraient, qu’une analyse par milieu social serait également à développer plus amplement ? C’est l’une des conclusions que tire le rapport du MEQ qui résume ainsi : "C’est donc dire que les difficultés scolaires, même si elles sont proportionnellement plus importantes chez les garçons que chez les filles, ne sont pas liées à une caractéristique du genre masculin. C’est là une courte illustration du fait que les garçons comme les filles ne constituent pas des groupes homogènes" (p.23).

Peut-on être plus clair ?

Source : "La réussite des garçons. Des constats à mettre en perspective", Ministère de l’Éducation du Québec

* Affiché aussi sur antipatricat.com

Le 19 octobre 2004

Jean-Claude St-Amant, chercheur en éducation, Université Laval


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