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Némésis

14 novembre 2004

par Faïza Skandrani, écrivaine, fondatrice et présidente du groupe Égalité et parité


Un monde de folie
A l’écoute d’un chant plaintif
Racontant
Les éclats d’obus
Les plages saccagées
Les cadavres amoncelés
Les coquillages ensanglantés
Les maisons brûlées
Les ponts brisés
Les mosquées bombardées
Les musées volés
Les prisonniers violés.
Un monde de folie
Faisant surgir des vieux violons
Les refrains de la guerre
Les vilains accords de la colère
Les airs grinçants de la galère
Faisant céder les mélodies
Des belles pages de poésie
Aux images en collier
De la guerre.
***
Je suis un enfant abandonné
Mon père a violé ma mère
Il a purgé seulement
Un instinct de survie
Ma mère, comme un pétale, flétrie
Victime d’un geste de folie
D’un soldat ennemi
Pris dans le violent orage
D’une plage de sa vie
Dans le mirage
D’une fleur rougie
A la suite d’un carnage
Ma mère comme un nénuphar
Donna naissance à un bâtard
Pour mon père je n’étais rien
Pour ma mère, victime du ravage
Ce n’était pas bien
D’avoir un bébé hors mariage
Elle me mit dans un couffin
A l’ombre d’un palmier
Un policier me trouva
Et m’emmena dans un vivier
D’enfants sans familles
Enfermés comme des chenilles
Dans les cocons de soie
Des foyers de l’Irak
Où les bambins ont droit
A un brin d’arnaque
A un brin de caresse
Parfumée de fleurs d’aloès
Avant de s’envoler comme
Des papillons à tire d’ailes
Comme de noires hirondelles
Oiseaux de mauvais augure
Annonçant une vie de cyanure
Avalé verre après verre
A cause des abus de la guerre
D’une terre sans iris
A cause de la colère d’Isis contre Nemesis
Lui reprochant sa justice sommaire.

***
Si j’avais de nouveau à élever mon enfant
je m’y prendrais autrement
je lui offrirais tout mon temps
tous mes instants
je lui servirais de paratonnerre
car le vent de la vie est violent
Il souffle sur les ans
et
les emporte comme des cerfs volants
car la foudre de la gloire
brûle les voiles de la mémoire
des rêves de soie moirée
du cœur assoiffé d’amour
de mon enfant de toujours
si j’avais de nouveau à élever mon enfant
je veillerais sur sa destinée
comme une étoile
en rebrodant à rebours
les minutes, les secondes et les toiles
des heures volées au firmament
tissées dans les rets du voile
de la vie, dans les fibres de nacre
d’un cœur d’enfant plein de tourments
d’un cœur rebelle et âcre
rêvant d’argent, de diamants
de fanfares et de billard
les yeux hagards et les liens épars
je veillerais sur son destin
comme un père câlin
comme une mère avare
de son amour
pour que son enfant
pour toujours
ne soit dénué d’amour
je forgerais la trame du jour
dans la dentelle des atours
dans la chapelle de l’amour
des parents de toujours.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 novembre 2004.

Faïza Skandrani, écrivaine, fondatrice et présidente du groupe Égalité et parité



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