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Le Conseil du statut de la femme rectifie des propos à son égard

9 février 2005

par Diane Lavallée, présidente du CSF

Le Conseil du statut de la femme a été plusieurs fois interpellé sur le site Internet Sisyphe au cours des dernières semaines. Son avis soumis pour consultation en commission parlementaire, Vers un nouveau contrat social pour l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que l’organisme lui-même ont fait l’objet de plusieurs critiques.

En effet, on affirme que le Conseil privilégierait une symétrisation des problèmes vécus par les femmes et de ceux vécus par les hommes, nierait l’analyse des rapports sociaux de sexe et reprendrait à son compte des prétentions masculinistes. On affirme aussi que l’ouverture aux hommes signifierait une mixité des structures. Enfin, on prétend que le CSF, sous l’influence de pressions politiques, renonce à la démarche féministe et à son ancrage dans le mouvement des femmes qui a marqué son action depuis 30 ans.

Qu’il nous soit permis, pour un meilleur éclairage, d’apporter quelques rectifications.

Le Conseil a répété à plusieurs occasions qu’on ne pouvait mettre sur le même pied les problèmes de discriminations systémiques subis par les femmes et les problèmes vécus par certains hommes. La section 2.4.1.1 de l’Avis (page 41) porte justement sur les balises qui devraient encadrer cette ouverture aux hommes comme acteurs de changement social. Il y est écrit que les problèmes de décrochage scolaire, de suicide etc. ne « proviennent pas, selon nous, de discriminations systémiques ou de rapports de pouvoir inégaux entre les sexes ». Nous disons que, par conséquent, ces problématiques ne doivent pas être placées au sein d’une politique de l’égalité. Quant à la mixité présumée du futur Conseil, quel que soit son nom, il n’en est fait nullement mention dans l’avis.

Alors pourquoi parler des hommes ? Selon nous, si les hommes ne sont pas interpellés pour qu’ils fassent leur part dans la sphère privée, les femmes vont continuer à supporter encore longtemps le fardeau de la double et triple tâche. Si les politiques en matière de violence ignorent la prévention à faire auprès des auteurs de cette violence, si à la base, on ne s’attache pas à transformer les mentalités des garçons comme des filles pour que soient instaurées des relations égalitaires et respectueuses entre les sexes, ne court-on pas le risque d’imposer aux femmes seules le poids de la progression vers l’égalité ?

Le levier sociétal, qui explique comment les hommes pourraient davantage participer à la quête d’égalité, a été proposé pour compléter un ensemble de moyens à mettre en œuvre par un État progressiste. C’est d’ailleurs ce que font les États les plus avancés en matière d’égalité sur la planète tels la Suède et la Norvège. C’est aussi ce que recommandait la Commission de la condition de la femme de l’ONU lors de sa session de mars 2004 et ce que suggérait déjà en 1981, la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Plus récemment, Judy Rebick, une féministe de grande réputation du Canada anglais, a évoqué cette idée comme ingrédient essentiel du féminisme de l’avenir (Le Devoir, 26 janvier 2005).

Une autre des critiques qui est faite à l’avis du CSF sur le site de Sisyphe a trait au fait que l’approche spécifique y serait minimisée. Or, dans la première partie de son avis, le Conseil propose de miser d’abord sur l’approche spécifique, celle qui a été la plus utilisée jusqu’ici pour faire avancer les droits des femmes et qui demeure nécessaire pour corriger la discrimination systémique et les inégalités que vivent encore les femmes. Loin d’être évacuée ou minimisée, cette approche inspire au contraire de nombreuses pistes d’actions suggérées pour la construction d’une prochaine politique. Il est explicitement dit dans l’avis : « Nous croyons que cette approche spécifique demeure nécessaire aujourd’hui. Elle a joué un rôle essentiel dans les avancées réalisées par les femmes dans le passé et elle constitue incontestablement, en tant qu’instrument ciblé à visée correctrice, une approche encore efficace pour s’attaquer aux inégalités, celles qui subsistent et celles qui prennent forme dans le nouveau contexte économique et social. » (p. 36)

Par ailleurs, les orientations qui font l’objet de la seconde partie du document semblent remporter l’adhésion de la plupart des groupes qui ont déposé des mémoires à la Commission parlementaire. Pour nous, cela est un signe que les analyses et les pistes d’action suggérées sont pertinentes.

Enfin, le CSF accorde un rôle crucial à l’État dans la correction des inégalités vécues par les femmes. Il réitère, plus fort que jamais, l’importance du rôle que l’État doit jouer en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Il en fait même l’objet d’une orientation et explique comment cette responsabilité doit être étendue, avec une obligation de reddition de compte, à l’ensemble des institutions gouvernementales, notamment en région (municipalités, commissions scolaires, CRÉ, etc.). Il propose aussi des avenues novatrices comme une table des partenaires et une commission parlementaire quinquennale pour responsabiliser les parlementaires face au suivi gouvernemental en matière d’égalité.

Voilà l’essence des suggestions du Conseil du statut de la femme, rien de moins et rien de plus. Nous comprenons que tout ce débat soulève des craintes dans le contexte actuel, un contexte marqué notamment par une montée de groupes antiféministes et par un resserrement des finances publiques. Toutefois, ces craintes ne justifient pas, selon nous, un arrêt de toute réflexion et de toute tentative d’innovation.

Le rôle du Conseil, comme l’y enjoint sa loi constitutive, et conformément à son mandat et à sa tradition, a été de proposer, librement et après mûres réflexions, sa vision de comment l’État pourrait soutenir dans l’avenir, l’évolution des femmes du Québec vers l’égalité de fait. C’est d’ailleurs la troisième fois dans son histoire que le Conseil est sollicité pour éclairer le gouvernement afin d’élaborer une politique gouvernementale.

La présente commission parlementaire, une première, constitue un vaste forum pour en débattre, un lieu où peuvent s’exprimer une grande variété d’opinions sur cette proposition que le CSF a formulée et sur l’égalité des sexes en général. Il s’agit d’une occasion pour tester des idées et pour prendre acte du pluralisme des stratégies, de la diversité du mouvement des femmes et de la réflexion de plusieurs partenaires sur cette question. Groupes de femmes, syndicalistes, chercheuses, personnes engagées, groupes d’hommes progressistes, élus, tous ont quelque chose à dire. Toutes et tous peuvent contribuer, dans leur sphère respective, à la force du mouvement vers l’égalité entre les femmes et les hommes du Québec.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 7 février 2005.

Diane Lavallée, présidente du CSF


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