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Un sous-comité du Parlement canadien pourrait proposer la décriminalisation de la prostitution

23 février 2005

par Sisyphe

Au Canada, un "sous-comité sur le racolage" a commencé ses travaux, à la deuxième session de la 37ème législature, en octobre 2003, et les a poursuivis jusqu’à l’élection fédérale d’avril 2004. Il a repris ses activités, à la 1ère session de la 38ième législature, en décembre 2004 et poursuit ses réunions en ce moment jusqu’à une date indéterminée.

Quels sont les objectifs du sous-comité ?

Les objectifs de ce comité ne sont jamais exprimés clairement. Selon ce qui se dégage des questions et des propos de ses membres, on ne remet pas en question l’existence de la prostitution, mais on cherche plutôt à améliorer les conditions de vie des personnes prostituées et des résidents dérangés par leur présence. Le sous-comité étudierait la possibilité d’apporter certaines modifications au code criminel, notamment sur la réglementation de l’industrie et le retrait de la section interdisant la sollicitation en échange d’argent.

Il pourrait s’agir d’aménager des bordels ou des zones réservées, comme le proposait le projet de loi C-339 présenté par le député du Bloc québécois, Réal Ménard, qui visait à décriminaliser les activités reliées à la prostitution et permettait l’établissement de lieux de prostitution. Ce projet a été présenté et débattu en 2002, mais n’a pas été retenu.

Lors de discussions sur les pays où le comité devrait aller étudier le résultat des lois sur la prostitution, la députée Libby Davies (NPD) propose, le 2 octobre 2003 : "nous pourrions aller voir ce qui se passe aux Pays-Bas et voir quels genres de positions et de programmes ils ont dans ce pays... […] La Nouvelle-Zélande a, je crois, fait pas mal de choses dans le domaine de la décriminalisation. Ça pourrait vraiment valoir la peine d’aller voir ce qui s’y passe." Tout en faisant brièvement le constat qu’il s’agit d’un marché contrôlé par le crime organisé qui en tire des profits faramineux, d’autres députés proposent le Névada, l’Europe de l’Est, Bangkok, la Thaïlande, les Philippines, l’Australie et l’Angleterre.

Seul le député conservateur Art Hanger fait remarquer, le 2 février 2005 : "Lorsque nous parlons des autres pays, que ce soit l’Angleterre ou l’Australie, et que nous regardions ensuite au sud de notre frontière dans la région de Las Vegas, je dois dire qu’ils ont pratiquement légalisé la prostitution dans cet État. Mais ils ont aussi un très grave problème de prostitution juvénile, un des plus graves d’Amérique du Nord et peut-être même au-delà, à cause de la légalisation de la prostitution ; ils n’arrivent pas à remédier à ce problème, ce qui est assez intéressant. En fait, la population a dans cet État approuvé cette activité, en disant que la prostitution était une activité légale et acceptable."

Et plus loin, le député parle de la Suède en ajoutant : " Je crois savoir que la Suède a adopté une position beaucoup plus sévère, qui est contraire à l’orientation qu’ont pris les Pays-Bas." Ce à quoi Paul Fraser, auteur du rapport de 1985, lui répond que les Pays-Bas, la Suède et l’Angleterre seraient des pays où le comité devrait aller.

En lisant les procès verbaux (voir ci-dessous les liens cliquables), on peut se demander si le sous-comité n’a pas déjà opté pour la décriminalisation de la prostitution. Si c’est le cas, à quoi servent les auditions d’expert-es qu’il mène depuis plus d’un an ? Sinon, pourquoi choisit-il d’aller étudier la situation seulement dans les pays qui ont décriminalisé la prostitution ?

Avant de procéder à toute réforme du code criminel concernant le proxénétisme, la prostitution et la sollicitation, le gouvernement du Canada devrait entreprendre une étude sérieuse pour évaluer tous les enjeux de la décriminalisation de la prostitution, notamment les risques d’augmentation du trafic et du tourisme sexuels au pays et mener une vaste consultation publique sur le sujet.

Pour s’informer sur les travaux du sous-comité

Très peu de publicité a été faite à ces audiences. Nous donnons ci-dessous les renseignements nécessaires aux personnes qui seraient intéressées à suivre ces débats de près puisque les propositions qui en sortiront seront d’une importance cruciale pour l’ensemble de la société.

La présidente du sous-comité lors de la première session (2003-2004) était Hedy Fry (PL), les vice-présidentes Libby Davies (NPD) et Paddy Torsney (PL), les membres : Chuck Cadman (AC), Richard Marceau (BQ), Inky Mark (PC). On y a entendu : Richard Mosley et Lucie Angers du Ministère de la Justice ; Cherry Kingsley, conseillère spéciale de l’« International Centre to Combat Exploitation of Children » ; Roy Jones, directeur du Centre canadien de la statistique juridique de Statistique Canada ; Christine Bruckert, professeure au Département de criminologie de l’Université d’Ottawa et Colette Parent, professeure au Département de criminologie de l’Université d’Ottawa ; Lee Lakeman, représentante régionale pour la Colombie-Britannique et le Yukon de l’Association canadienne des centres contre les agressions à caractère sexuel.

On peut consulter les procès verbaux à cette adresse ou ici.

Le président du sous-comité est, depuis décembre 2004, John Maloney (PL), la vice-présidente Libby Davies (NPD), les membres : Paule Brunelle (BQ), Hedy Fry (PL) et Art Hanger (PC).

Ont témoigné ou témoigneront, le 31 janvier, Catherine Latimer de Justice Canada ; le 2 février, Paul Fraser, à titre personnel ; le 7 février, Yolande Geadah, Frances Shaver de l’université de Concordia ; le 9 février, Deborah Brock de l’université de York, Aurélie Lebrun de l’Université du Québec à Montréal, Richard Poulin de l’Université d’Ottawa ; le 14 février, Marie-Andrée Bertrand, professeure émérite en criminologie et sociologie du droit de l’Université de Montréal, Diane Watts, recherchiste et Gwendolyn Landolt, vice-présidente nationale de REAL Women of Canada, Cherry Kingsley, coordonnatrice nationale et Samantha Smythe, membre du comité directeur de Canadian National Coalition of Experiential Women ; le 16 février, Danielle Shaw, directrice des Relations gouvernementales et Dianna Bussey, directrice des Services correctionnels et de justice de l’Armée du Salut, Janet Epp Buckingham, directrice de Loi et politique publique et Greg Paul, membre de la Table ronde sur la pauvreté et le sans-abrisme, Alliance évangélique du Canada et Maggie deVries, à titre personnel.

 On peut également lire après quelques jours les derniers procès verbaux.

 Pour donner son avis, voir Appel au gouvernement du Canada contre la décriminalisation de la prostitution.

Lire également

 « Lettre ouverte au sous-comité sur le racolage. Il faut étudier l’expérience de la Suède, non seulement celle des Pays-Pays et de l’Australie », par Richard Poulin
 « Une trentaine de personnalités demandent la décriminalisation des personnes prostituées, mais non de la prostitution, par Élaine Audet et Micheline Carrier
 « La Suède voit la prostitution comme de la violence faite aux femmes », par Marie De Santis
 Guillaume Landry, « Prostitution - Le modèle suédois est-il une panacée ? », dans Le Devoir, 16 décembre 2004.
 Élaine Audet et Micheline Carrier, « Le modèle suédois : une source d’inspiration, non une panacée », réponse à Guillaume Landry
 
La Suède en lutte contre la traite des femmes, par Ingmarie Froman, journaliste indépendante, SWEDEN.SE, 15 mai 2003.
 Lutte contre la prostitution en Suède : l’homme au centre du dispositif, AFP, 11 mars 2003.
 « The Swedis Law That Prohibits the Purchase of Sexual Services. Best Practices for Prevention of Prostitution and Trafficking in Human Beings », par Gunilla Ekberg, Ministry of Industry, Employment and Communications, octobre 2004. On peut télécharger ce document en format PDF.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 février 2005.

Sisyphe


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