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Pour les droits des femmes et pour l’égalite, NON à la « constitution »

25 avril 2005

par ATTAC-France

L’objectif de ce document est de compléter l’analyse d’Attac sur le traité constitutionnel en y intégrant la dimension des rapports sociaux entre les hommes et les femmes. A l’heure où les derniers sondages font état d’une forte intention d’abstention (61%), encore plus forte de la part des femmes (66%), il semble indispensable de bien mettre en évidence les menaces que contient ce traité constitutionnel sur les droits des femmes et de l’égalité de genre.

Contre cette Europe-là, une autre Europe est possible.
L’expérience témoigne que les avancées sur le plan de l’égalité entre les hommes et les femmes sont synonymes d’avancées dans la réduction de toutes les autres inégalités. La place qui sera faite aux femmes et à l’exigence d’égalité est donc décisive pour la construction d’une Europe sociale où les valeurs de solidarité et de coopération remplaceront celles de compétition et de concurrence. Seule une Europe sociale où les droits fondamentaux et les services publics seront prioritaires par rapport au marché unique pourra garantir les droits acquis par les femmes, faire progresser l’égalité entre les sexes et harmoniser par le haut l’ensemble des droits.

Pour construire cette autre Europe, il est indispensable que tout le monde, et plus encore les femmes, dise non à cette Constitution-là !

L’égalité par le bas

Selon ses partisans, le Traité constitutionnel européen (TCE) représenterait une chance pour les femmes. Ils s’appuient sur l’idée assez répandue que l’égalité entre les femmes et les hommes est depuis longtemps une préoccupation des institutions européennes, ce qui favoriserait donc des avancées dans ce domaine. Cette idée ne résiste pas à la confrontation avec la réalité.
Qui peut croire, en effet, à une chance pour les femmes quand on voit comment sont concrètement mises en œuvre les directives européennes ? C’est par exemple au nom de l’impératif européen d’égalité que le travail de nuit a été étendu aux femmes, alors que le progrès aurait consisté à l’interdire pour tout le monde et à ne l’autoriser que pour des raisons d’intérêt collectif. Le principe d’égalité entre les hommes et les femmes mis en œuvre par les politiques libérales européennes est celui de ... l’égalité par le bas ! Or ce sont ces politiques qui sont maintenant inscrites en dur dans le (TCE).

Loin de représenter une avancée pour les droits des femmes, il contient au contraire de graves menaces de régression. Il n’ouvre aucun droit nouveau par rapport aux traités et directives en vigueur. Au contraire, des droits essentiels pour les femmes, en sont absents et certains d’entre eux sont en régression. La Charte des droits fondamentaux (deuxième partie du traité) est insuffisante ; sa portée juridique est très limitée et subordonnée aux autres dispositions du TCE. L’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas reconnue comme une valeur qui fonde l’Union, au même titre que la dignité ou la démocratie. Elle figure bien en tant qu’objectif de l’Union, mais, en l’absence de tout dispositif d’application, elle se réduit à une déclaration d’intention. Enfin, et c’est là le plus important, la doctrine libérale qui constitue le fondement de la Constitution est, en elle-même, une atteinte aux droits des femmes. Elle programme le recul social, la privatisation des services publics,
l’aggravation des inégalités et de la précarité qui touchent déjà majoritairement les femmes. La notion d’égalité femmes/hommes mise en œuvre par la Stratégie européenne de l’emploi est vidée de tout contenu progressiste pour être mise au service du libéralisme et servir à justifier toujours plus de flexibilité.

1. De graves carences

La Charte des droits fondamentaux « ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l’Union » et ne modifie pas les compétences et les tâches définies dans les autres parties de la Constitution (article II-111). Les droits « doivent être interprétés en harmonie avec les traditions nationales » (II-112-4) et les « législations nationales doivent être pleinement prises en compte » (II-112-5). Ce qui signifie en clair que la Charte des droits fondamentaux n’est pas contraignante. Elle ne crée aucun droit nouveau pour les femmes, il manque des droits fondamentaux et il y a même des régressions !

 Droit à la contraception, à l’avortement et à l’orientation sexuelle de son choix.

Le droit à la maîtrise de son corps et de sa capacité reproductive - droit à l’avortement et à la contraception - relève de la liberté fondamentale. Or, il est absent. Dans certains pays (Portugal, Irlande, Pologne, Malte, Chypre), l’avortement est interdit ou fortement restreint. L’argument selon lequel l’intégration dans la Charte du droit à l’avortement était impossible parce que l’Union n’a pas à l’imposer à ces pays ne tient pas : on l’a dit, la Charte n’a pas de pouvoir contraignant. Mais l’harmonisation par le haut des législations sur ces droits aurait dû être vue précisément comme un objectif.

Le droit à choisir son orientation sexuelle n’est pas inscrit. Le fait que toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle soit explicitement interdite (article II-81) ne suffit pas : l’interdiction de la discrimination n’est pas juridiquement équivalente à l’affirmation du droit au libre choix de l’orientation sexuelle. L’interdiction des discriminations en raison du sexe ne saurait remplacer l’affirmation du droit à l’égalité. D’autant que les discriminations sont très difficiles à prouver.

 Droit à vivre sans violence

Ce droit élémentaire est également absent. Les violences subies par les femmes commencent à sortir de l’occultation : elles concernent tous les pays à des niveaux toujours élevés. Le droit à vivre sans violence doit signifier une lutte intransigeante contre la violence sous toutes ses formes, violences domestiques, viols, commerce des femmes, mariages forcés, mutilations génitales, etc.

 Droit au divorce

Se marier et fonder une famille sont des droits garantis dans l’article II-69 mais pas le droit de divorcer.

 Interdiction de la traite des êtres humains à des fins de prostitution

L’article II-65, qui interdit l’esclavage et le travail forcé, ne vise pas explicitement la traite et le trafic de personnes à des fins de prostitution. Or, le développement de la prostitution est vu par certains comme un marché potentiel très profitable, au même titre que n’importe quel service ! Le corps deviendrait une marchandise comme une autre. Les restrictions aux mouvements de capitaux sont interdites (articles III-156 et 157) et rendent incontrôlable le blanchiment dans les paradis fiscaux de l’argent du trafic et de la prostitution.

 Principe de démocratie représentative

Le principe de démocratie représentative, défini dans l’article I-46, devrait préciser que la démocratie ne peut être représentative que si elle assure une représentation équilibrée des hommes et des femmes, c’est-à-dire la parité, et ceci à tous les niveaux de prise de décision économique et politique. La Convention qui a établi le projet de TCE s’est illustrée par sa composition très masculine...

 Citoyenneté

La définition de la citoyenneté de l’Union devrait être étendue aux résidents et résidentes pour les droits sociaux et pour les droits définis dans les articles II-99 à II-106 (droits de vote et d’éligibilité, de circulation, etc.) Les droits des femmes étrangères ou immigrées sont trop souvent dépendants de leur statut marital et elles sont soumises aux traditions oppressives de leur pays d’origine, à travers les codes de statut personnel.

 Droit d’asile

Le droit d’asile, défini dans l’article II-78, devrait être reconnu pour les motifs de violences, répression et persécutions subies par des femmes en raison de leur sexe ou de leur sexualité.

Des régressions, des droits qui disparaissent

 Droit à l’emploi

Le TCE reconnaît à toute personne « le droit de travailler » et « la liberté de chercher un emploi » (article II-75). Quelle chance ! Mais c’est bien différent du droit au travail ! Il s’agit d’une régression car le droit au travail est inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme de 1948. Alors que, dans l’Europe des 25, le taux de chômage moyen est de 9% (Eurostat, août 2004) et que le taux de chômage moyen des femmes est supérieur de 2 points à celui des hommes, il n’y a dans le TCE aucun objectif de réduction du taux de chômage. Le mot chômage n’y est d’ailleurs même pas mentionné !

Avoir un emploi est la condition de l’autonomie des femmes. Pourtant, elles se heurtent à de nombreux obstacles : chômage plus important, manque de crèches, de services de soins aux personnes dépendantes, inégalités professionnelles, emplois dégradés, etc. La disparition du droit à l’emploi, l’absence de tout objectif de réduction du chômage comme de toute norme de qualité de l’emploi, sont loin d’être des oublis : ces droits sont tout simplement incompatibles avec la doctrine libérale !

 Droit à un revenu minimum, à une pension, aux allocations de chômage

Ces droits ne sont pas reconnus. On régresse donc par rapport à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui déclarait que toute personne « a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et celui de sa famille (...) ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou, dans les autres cas, de perte de ses moyens de subsistance ». Il n’y a pas de reconnaissance du SMIC, ni a fortiori d’un SMIC européen. Or tous ces droits concernent particulièrement les femmes, majoritaires parmi les chômeurs, mais aussi parmi les chômeurs non indemnisés, les bas salaires et les bénéficiaires de minima sociaux. Elles représentent en France 80% des travailleurs pauvres et 83% des retraités qui perçoivent une pension inférieure au minimum vieillesse. Les femmes immigrées et les mères isolées cumulent les handicaps.

La suppression des droits à prestation n’est pas un hasard, c’est l’application des « grandes orientations de politiques économiques » qui définissent les politiques des Etats (article III-178). Ces orientations (GOPE) imposent la restriction des budgets publics et des prestations afin de veiller « à ce qu’il soit financièrement avantageux de rester actif sur le marché du travail ». En clair, le RMI ou les allocations de chômage sont trop élevés et n’incitent pas ceux qui les perçoivent à chercher un emploi. Comme si on choisissait d’être Rmiste ou chômeur-euse et de le rester !

Et de nouvelles menaces

Les Eglises et les communautés religieuses sont reconnues comme interlocutrices régulières (article I-52). Cette reconnaissance est superflue - les libertés d’expression, de conscience et de culte sont garanties par ailleurs - et surtout dangereuse. Partout, la montée des intégrismes religieux, tous misogynes, correspond à une menace croissante contre les droits acquis comme la contraception, l’avortement, etc. Les Eglises, d’une manière générale, et à plus forte raison les intégrismes théorisent des rôles sociaux différents pour les hommes et les femmes, voire un statut inférieur pour les femmes, avec toutes leurs conséquences en matière d’inégalités. Seule la réaffirmation du principe de laïcité de toutes les institutions et règles de l’Union serait en mesure de garantir les droits des femmes contre les pressions des Eglises.

2. L’égalité entre les femmes et les hommes ne fait pas partie des valeurs qui fondent l’Union

Elle est mentionnée dans l’article 1-2 intitulé « Les valeurs de l’Union », mais elle ne fait pas partie des « valeurs qui fondent l’Union », ce qui signifie, en particulier, qu’elle ne fait pas partie des critères d’adhésion pour les nouveaux pays. Les valeurs sont explicitement définies par la première phrase de l’article : « L’Union est fondée sur les valeurs de dignité humaine, liberté, démocratie, ... ». L’égalité hommes/femmes figure uniquement dans la seconde phrase de l’article, qui dit : « ces valeurs sont communes aux Etats membres dans une société caractérisée par (...) l’égalité entre les femmes et les hommes ». Ce qui ne signifie pas grand chose. La différence entre le statut des deux phrases est importante.

Ce n’est pas un hasard si le TCE a refusé jusqu’au bout d’intégrer l’égalité femmes/hommes dans les valeurs fondatrices, au même rang que la dignité, la liberté et la démocratie, comme le demandaient pourtant de nombreuses associations. Le commentaire officiel de la Constitution ne cite pas l’égalité entre les sexes parmi les nouvelles valeurs. Les partisans du Oui le taisent soigneusement, et font mine de considérer que l’égalité femmes/hommes est une valeur de l’Union et qu’il s’agit d’une avancée déterminante !

3. L’affirmation de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le TCE n’est qu’un emballage vide...

L’affichage de l’objectif d’égalité entre femmes et hommes (article I-3), l’interdiction des discriminations (article II-81) sont certes louables, mais il n’y a rien de nouveau. Tous ces droits et principes font déjà l’objet de différentes directives européennes et de conventions internationales. En réalité, tout un arsenal juridique existe déjà, construit progressivement depuis les années 70 simultanément à la montée des revendications féministes. Mais l’affirmation de principes est loin de suffire : la réalité témoigne de l’écart énorme existant entre le droit formel et le droit réel ! Ce qui est primordial aujourd’hui, c’est de passer aux mesures concrètes. Il n’y en a aucune...

Normalement, une Constitution se limite à l’affirmation de valeurs, de droits, d’objectifs et à l’organisation du fonctionnement des institutions (et émane de ses citoyen-nes !). Mais, on l’a signalé, ce projet de Constitution européenne va bien au-delà en imposant le néolibéralisme, et en organisant concrètement la mise en œuvre d’un droit et d’un seul, celui de la concurrence libre et non faussée ! S’il y avait eu une volonté d’avancer concrètement vers l’égalité entre les sexes, ainsi qu’affiché dans les objectifs, cela aurait supposé de doter l’Union européenne de compétences dans ce domaine et d’instruments ambitieux. Ce qui est loin d’être le cas. Ainsi, l’article III-124 ne fait qu’indiquer prudemment : « Sans préjudice des autres dispositions de la Constitution et dans les limites de compétence que celle-ci attribue à l’Union, une loi cadre européenne peut établir les mesures nécessaires pour combattre toute discrimination ». Et il faudra l’unanimité pour faire appliquer les mesures. Autant dire qu’on n’est pas près d’en voir le résultat ! De même, il est révélateur que soit programmée l’augmentation des budgets militaires (article I-41-3), mais aucun financement de programme communautaire pour l’égalité des genres !

Dans une Europe des 25, où le statut juridique des femmes est très inégal, une Constitution soucieuse de progrès social aurait dû tracer la voie d’une harmonisation par le haut de l’ensemble des droits des femmes (et a minima, inclure une clause de non régression !). Là encore, on en est à l’opposé puisque toute harmonisation est explicitement exclue (article III-210).

4. Au service de la logique libérale

Ce qui est programmé, c’est l’aggravation des politiques libérales actuelles, responsables du développement de la pauvreté, de la précarité et du temps partiel, chacun des trois concernant déjà particulièrement les femmes, et c’est aussi le démantèlement des services publics. L’expérience montre que le recul des services publics fait retomber sur les femmes la responsabilité des tâches qui ne sont plus assurées par la collectivité ou qui le sont à des prix élevés (voir par exemple les menaces de fermeture d’écoles maternelles en France). La restriction des dépenses publiques (article III-194) signifie des coupes budgétaires également dans le domaine de la protection sociale (remise en cause des allocations chômage, des minima sociaux) et de la santé, rendant les soins et les services plus coûteux et moins accessibles.

La Stratégie européenne de l’emploi - contenue dans le TCE à travers les lignes directrices de l’emploi (article III-206) - fait bien une place à l’égalité femmes/hommes, mais celle-ci a été vidée de tout contenu progressiste pour devenir un instrument au service de la logique libérale : elle vise à profiter de la main- d’œuvre féminine, légitimer le temps partiel et la flexibilité, élargir le champ des activités marchandes génératrices de profits et dégrader le statut des emplois pour tous.

 Les femmes comme potentiel de main-d’œuvre

La Stratégie européenne de l’emploi a fixé un objectif d’augmentation du taux d’emploi. Le but est d’atteindre 70% en 2010 pour le taux global, et 60% pour le taux d’emploi des femmes. Ce qui appelle deux remarques.

La première concerne la signification du choix du taux d’emploi : il permet de ne plus parler du taux de chômage. « Augmenter le taux d’emploi » se traduit, dans le TCE, par la formulation « atteindre un niveau d’emploi élevé » (article III-205). Cette formulation habile laisse croire à une volonté de réduire le chômage. Or il n’en est rien.[…]

La seconde remarque concerne la conception de l’égalité hommes/femmes mise en œuvre par la logique libérale : elle n’est qu’utilitariste.

Faire entrer les femmes sur le marché du travail n’est pas envisagé dans un souci d’égalité (en tant qu’accès à l’autonomie financière), mais simplement parce que c’est profitable du point de vue économique. Le constat est fait que trop d’inégalités touchant les femmes (salaires plus faibles, carrières plafonnées, discriminations à l’embauche...) les dissuadent d’y entrer ! On s’en préoccupe donc. Le TCE affiche bien (article III-214) le principe de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Mais l’égalité dans la sphère privée, elle, a complètement disparu : la conception libérale de l’égalité « made in EU » évite soigneusement de remettre en cause les rôles sociaux différents à l’origine des inégalités, qui font par exemple que les femmes « travaillent » moins souvent que les hommes ! Ce qui explique que l’objectif de taux d’emploi est fixé à un niveau plus faible pour les femmes que pour les hommes, et qu’il n’est pas prévu de faire diminuer l’écart entre les deux. Malgré les revendications des mouvements féministes, le partage équitable du travail domestique et parental a fait place à la notion de « conciliation entre la vie familiale et professionnelle ». Inutile de dire qu’elle ne vise que les femmes ! A elles de se débrouiller pour cumuler travail, enfants, ménage, etc.

 Temps partiel, flexibilité, précarité

Le temps partiel est présenté comme répondant à ce besoin de « conciliation ». C’est un affichage très pratique pour masquer qu’il est surtout bénéfique aux entreprises, et toujours très défavorable aux salarié-es (qui sont à 81% des femmes en Europe). Il est synonyme de salaire partiel, de retraite partielle et souvent de chômage partiel !

Aujourd’hui, « pour favoriser un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, et entre flexibilité et sécurité », la Stratégie européenne de l’emploi préconise la « diversification des contrats en terme de temps de travail ». L’article III-203 de la Constitution parle de « promouvoir une main-d’œuvre (...) susceptible de s’adapter ». Temps partiel, diversification des temps de travail affaiblissent pour tous la norme même de temps complet, l’enjeu étant le non-paiement des heures supplémentaires et la flexibilité totale. L’argument de l’égalité femmes/hommes sert donc à la légitimer. Une nouvelle directive sur le temps de travail prévoit de porter de 48 à 60 heures la durée maximale hebdomadaire du travail, et de généraliser l’individualisation des contrats de travail pour la plus grande satisfaction du Medef. Faut-il rappeler que l’offensive contre les 35 heures en France est censée répondre au désir de « travailler plus pour gagner plus », mais qu’il n’est pas prévu de permettre aux « temps partiels imposés » de passer à temps complet ! La réduction du temps de travail à salaire égal pour tous était et reste une revendication féministe pour permettre une meilleure qualité de vie et un partage équitable des tâches familiales... et de l’emploi. C’est tout le contraire qui est programmé par le TCE !

 La porte ouverte à tout type de « petit boulot »

Lorsqu’on rapproche l’objectif d’augmentation du taux d’emploi (article III-205) avec l’absence de définition de l’emploi, et à plus forte raison avec l’absence de norme sur la qualité de l’emploi, on comprend le risque de voir se développer, encore plus qu’aujourd’hui, n’importe quel petit boulot. Une norme exigeante sur l’emploi serait pourtant primordiale pour les femmes, majoritaires on l’a dit, parmi les contrats précaires et les bas salaires. Mais une telle norme va à l’opposé des politiques de l’Union européenne, qui accordent la suprématie à la « compétitivité de l’économie » par rapport à « l’amélioration des conditions de vie et de travail » (article III-209). Cette primauté de la compétitivité va justifier encore plus le développement du "dumping" social. Les délocalisations touchent des secteurs très féminins, comme l’électronique, le textile, les centres d’appel.

On peut aussi rapprocher l’objectif de « promouvoir une main-d’œuvre susceptible de s’adapter » avec les références à la « mobilité géographique et professionnelle des travailleurs » (III-219), des chercheurs (III-249), des étudiants et enseignants (III-282), des formateurs et personnes en formation (III-283). Le modèle libéral verrait bien les salarié-es, la valise à la main, prêts à rejoindre l’emploi là où les législations sociales ou fiscales seront les plus favorables aux profits, et à accepter un contrat de travail éphémère, de la durée qui conviendra le mieux à l’employeur. Inutile de préciser que ce modèle, très néfaste pour tous, est aussi un obstacle à l’égalité entre les hommes et les femmes et rend plus difficile la vie du couple bi-actif.

Niveau d’emploi élevé ne signifie pas disparition du chômage

Le taux d’emploi est le rapport entre le nombre de personnes ayant un emploi et celui de la population en âge de travailler (c’est-à-dire actifs et inactifs). Le taux de chômage est le rapport entre le nombre de personnes au chômage et la population active (qui regroupe à la fois les personnes en emploi et au chômage). On voit donc que le taux d’emploi peut augmenter à taux de chômage constant, si des personnes jusqu’alors inactives (par exemple les femmes) prennent un emploi. La stratégie libérale consiste précisément à combiner l’accroissement de la main-d’œuvre avec le maintien d’un volant conséquent de chômage, bénéfique pour faire pression à la baisse sur les conditions de travail et les salaires. Dans le système capitaliste, l’accroissement de la main-d’œuvre est en effet nécessaire pour produire toujours plus de biens et services, sources de profits. Dans cette optique, les femmes deviennent un potentiel intéressant pour fournir cette main-d’œuvre !

Des grands mots... pour des emplois au rabais !

Pour décharger les femmes des tâches domestiques et leur permettre de postuler à un emploi, les besoins en gardes d’enfants et services aux personnes sont bien identifiés par la stratégie libérale qui y voit une nouvelle opportunité d’activités lucratives. Non pas, bien sûr, par l’extension de services publics de qualité avec du personnel qualifié et disposant d’un statut, mais moyennant des emplois faiblement qualifiés et peu coûteux ! Ces emplois s’adressent « traditionnellement » aux femmes (il est même envisagé de faire appel aux « mamies » et aux immigrantes), renforçant par là-même la concentration féminine dans les secteurs de services et les inégalités salariales entre les sexes. Conscients du peu d’attrait pour ces professions difficiles et mal payées, les libéraux inventent de nouvelles appellations comme « l’ingénierie familiale » (rapport Borloo de 2004) censées les valoriser, tout en oubliant de faire suivre les salaires et de revoir les conventions collectives de ce secteur qui sont parmi les plus mauvaises !

 Publié dans Grain de sable
[ATTAC] INFO 503, 2 mars 2005.
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Mis en ligne sur Sisyphe, le 11 avril 2005

ATTAC-France


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