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"Méfaits divers", de Xavier Cantat, un livre non grata

22 avril 2005

par Caroline Boudreau et Monic Caron

Le dimanche 3 avril, l’émission "Tout le monde en parle", de Radio-Canada, accueillait Xavier Cantat, frère de Bertrand Cantat et auteur du livre Méfaits divers. Les propos qu’il a alors tenus nous ont à ce point choquées que nous ne pouvions pas garder le silence.



Xavier Cantat est en quelque sorte venu présenter un plaidoyer en faveur de son frère Bertrand, meurtrier de la célèbre actrice française Marie Trintignant, décédée le 1er août 2003. Nous souhaitons réagir à certaines affirmations qu’il a ardemment défendues.

Revenons tout d’abord sur la distinction qu’il a faite entre les termes « assassin » et « meurtrier ». Nous croyons que l’insistance sur la sémantique avait pour but non avoué de minimiser la gravité de l’agression et des gestes. Que l’acte ait été prémédité ou non, le résultat est le même : la mort violente d’une jeune femme de 41 ans, mère de quatre enfants.

Xavier Cantat s’est attardé à décrire les nombreuses égratignures dont les avant-bras de son frère auraient été marqués, insinuant que Marie Trintignant aurait aussi agressé Bertrand Cantat. Faut-il s’étonner qu’une personne, pressentant sa mort, tente désespérément de se défendre ? De quels moyens de défense dispose une femme en présence d’un agresseur possédant une force physique largement supérieure à la sienne ? M. Cantat, si quelqu’un tentait de vous tuer, resteriez-vous impassible ? Ne vous débattriez-vous pas ?

Comment Xavier Cantat ose-t-il prétendre que Marie Trintignant n’a reçu que quatre gifles alors que son cerveau a subi des dommages tels qu’elle en a été plongée dans le coma, un coma dont elle n’est pas ressortie vivante ? Ose-t-il contredire les chirurgiens qui ont traité Marie Trintignant et qui ont constaté l’extrême violence des coups qu’elle a reçus ? Sans doute est-il moins incriminant de décrire ce meurtre par quatre gifles !

Tout en niant qu’il ait été motivé par un sentiment de jalousie, selon Xavier Cantat, cette même journée, Bertrand Cantat aurait harcelé Marie Trintignant avec une question à laquelle elle refusait de répondre. Est-elle restée muette par instinct de survie ? Appréhendait-elle les réactions violentes de son partenaire ? Après une seule année de fréquentation, soupçonnait-elle déjà chez lui un potentiel de violence ? Nous ne saurons jamais quelles pensées occupaient son esprit en ces derniers instants. Toutefois, rappelons qu’au Québec, près de 14 % des femmes victimes de violence conjugale ont déjà pensé que leur vie était en danger.

Du côté de la victime

Par ailleurs, Xavier Cantat a tenté, de manière implicite, de référer à une santé psychologique prétendument précaire chez Marie Trintignant, allant jusqu’à la qualifier d’hystérique, pour expliquer le sort qui lui a été réservé. On cherche souvent du côté de la victime la faille qui justifierait l’agression mais, au fond, en toute éthique, ne faut-il pas plutôt chercher du côté de l’assassin ou, si vous préférez, du meurtrier ? Les études démontrent que l’homicide conjugal n’atterrit pas sur un terrain vierge ; il constitue plutôt l’aboutissement de multiples autres agressions, toutes motivées par le contrôle et la domination.

Par ailleurs, Xavier Cantat a évoqué à quelques reprises le chagrin qui terrasse son frère, entre autres parce qu’il a perdu la femme qu’il aimait. Avouons que ce dernier n’est pas étranger à cette disparition. À aucun moment il n’a exprimé la moindre compassion pour les proches de la disparue ; au contraire, il a profité de l’occasion pour écorcher la famille Trintignant au passage.

Il a dit anticiper douloureusement quelle sera la vie de son frère à sa sortie de prison, dans quelques années. La famille Trintignant, quant à elle, n’a plus la possibilité d’envisager l’avenir de Marie puisqu’elle a été arrachée à la vie. De plus, comment la tristesse de Bertrand Cantat pourrait-elle se mesurer à celle de la mère de Marie Trintignant, à celle de son père, à celle de son frère et, plus encore, à celle de Roman, Paul, Léon et Jules, les quatre enfants de Marie, qui doivent se résigner à grandir sans elle ?

Xavier Cantat a également profité de son passage à l’émission Tout le monde en parle pour faire la promotion de son livre Méfaits divers. Au nom des 17 femmes qui, en moyenne chaque année au Québec, sont tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, et en la mémoire de Marie Trintignant, nous vous prions de ne pas acheter ce livre. Soyez plutôt solidaires de la lutte contre la violence conjugale en versant un don équivalent au coût du volume (33 $) à la maison d’aide et d’hébergement de votre localité.

Merci aux auteures d’avoir autorisé Sisyphe à publier leur texte paru d’abord dans Le Devoir, édition du 14 avril 2005.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 22 avril 2005.

Caroline Boudreau et Monic Caron


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