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Le féminisme musulman mettra les terroristes en échec

27 août 2005

par Anne Collet

Avec les attentats de Londres et de Charm El-Cheikh, le problème de la lutte antiterroriste est redevenu prioritaire dans le monde entier. Dans ce contexte, "pousser les femmes musulmanes à se révolter" est une possibilité que le quotidien britannique The Independent n’hésite pas à évoquer. "L’un des dogmes de l’idéologie islamiste repose sur l’infériorité et la faiblesse supposées des femmes. Dans le discours des extrémistes islamistes dominent la misogynie, la répression contre les femmes et l’obsession d’un apartheid sexuel. Or, le meilleur moyen de miner la confiance des islamistes est de pousser les femmes musulmanes - leurs mères, leurs filles, leurs sœurs - à se rebeller", affirme le quotidien londonien. "En 2003, en Irak, par exemple, les femmes, en manifestant, avaient empêché l’introduction de la charia dans la Constitution provisoire", rappelle The Independent.

Il ne faut cependant pas se réjouir trop vite. Si les femmes sont parvenues, voici deux ans, à repousser une fois la charia, aujourd’hui, une commission d’élus irakiens travaille sur le texte définitif de cette Constitution et ils essaient à nouveau de faire en sorte que "l’islam devienne la source principale du droit irakien, ce qui serait une menace pour le droit des femmes", indique Le Temps de Genève, qui s’appuie sur les premières informations qui ont filtré. Les droits des femmes ne seraient en effet garantis que tant qu’ils demeureraient compatibles avec la charia.

"Même le nombre de femmes susceptibles d’être élues est objet de débat et risque d’être revu à la baisse", s’inquiète The New York Times. Le brouillon du texte auquel le quotidien fait référence et qui circule discrètement depuis quelques jours a déjà provoqué la colère de groupes de femmes. "L’un des passages les plus dangereux du texte stipule que les problèmes juridiques liés au mariage, au divorce et à l’héritage devront être jugés en fonction de la religion de la famille", ajoute The New York Times. Ainsi, chez les chiites - majoritaires dans le pays -, les femmes ne pourront pas se marier sans l’autorisation de leur famille. Quant aux hommes qui voudront divorcer, il leur suffira d’indiquer trois fois leur intention en présence de leur épouse.

Or, malgré la dictature de Saddam Hussein, la Constitution qui était en vigueur dans l’ancien Irak était une des plus progressistes du Moyen-Orient. "Si le nouveau texte est adopté, ce sera la victoire du clergé chiite et des politiciens religieux", continue le quotidien new-yorkais.

De toute façon, les Irakiennes ont déjà perdu beaucoup de leurs droits depuis la chute du tyran. "Autrefois, nous avions Saddam, maintenant nous avons les religieux et les milices, pour qui le sourire d’une femme est un crime", explique une habitante de Bassorah, citée par The Christian Science Monitor. "Depuis quelque temps, on voit des hommes armés à l’entrée de l’université. Ils sont là pour voir si les femmes sont correctement habillées et si elles ne sont pas trop maquillées", raconte une étudiante de cette ville du Sud, autrefois l’une des plus ouvertes, citée par le quotidien de Boston. "Salina, une jeune femme qui appartenait à un petit orchestre entièrement féminin qui se produisait dans les fêtes et les anniversaires d’enfants, a été tuée pour le simple fait qu’elle était musicienne", raconte encore Thawra Yousif Yaakub, la belle-sœur de la victime.

"Les femmes ont déjà fait preuve d’une ténacité et d’une force intellectuelle incroyables", insiste The Independent. Et le féminisme musulman est la menace la plus grande qui plane sur les islamistes. "La discrimination positive envers les musulmanes qui vivent en Occident serait déjà un bon début. Ensuite, aider les femmes à créer leur entreprise ou leur exploitation agricole en leur prêtant de l’argent à des taux d’intérêt très réduits serait un bon moyen de leur donner une certaine indépendance. Le Bangladesh est un bon exemple : beaucoup de femmes ont trouvé une certaine liberté grâce cette indépendance financière", ajoute le quotidien britannique, qui conclut avec un brin d’optimisme : "Aucune idéologie ne peut survivre indéfiniment en terrorisant la moitié de la population."

Publié le 16 août 2005 dans le Courrier international. Merci au journal de l’autorisation de reproduire ce texte sur Sisyphe.

Mis en ligne sur Sisyphe le 16 août 2005.

Anne Collet


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