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Le facteur "sexe" dans la course à la direction du Parti québécois

14 novembre 2005

par Micheline Carrier

Certains prétendent que le facteur « sexe » ne joue pas dans le choix d’une ou d’un chef à direction du Parti québécois.

Le président d’une firme de sondage dit en voir la preuve chez les répondant-es à ses sondages qui affirment être prêt-es à élire une femme première ministre. Qui est assez naïf pour croire que tout le monde dit la vérité aux sondeurs ?

Pour qu’on puisse élire une femme première ministre, il faudrait d’abord élire une cheffe de parti, ce que le Québec n’a jamais fait contrairement à certaines provinces de l’Ouest ou des Maritimes, ou encore, à des partis fédéraux.

Bernard Landry, qui donnait pour consigne au début de la course à la direction du Parti québécois : « N’importe qui, sauf Pauline » (et 8 hommes d’annoncer leur candidature…), prétend que le choix de l’électorat se fait en fonction de « facteurs profondément reliés aux capacités de la personne », non en fonction du sexe des candidats.

Si Bernard Landry disait vrai, toute personne sans préjugés reconnaîtrait aisément qu’en fait de « capacités » Pauline Marois est la mieux placée, et de loin, pour diriger le Parti québécois et éventuellement le Québec.

Il est clair que les critères selon lesquels on évalue la seule candidate en lice diffèrent de ceux employés pour évaluer les huit hommes candidats.

Croyez-vous vraiment que Pauline Marois ou toute autre femme aurait bénéficié de l’indulgence, voire de la complaisance, dont on a fait preuve à l’égard du candidat André Boisclair qui a admis avoir consommé de la cocaïne lorsqu’il était ministre, ou de Gilbert Paquette, arrêté en état d’ébriété au volant de sa voiture quelques semaines après avoir annoncé sa candidature à la direction du PQ ?

Dans des circonstances semblables et même moins graves, on aurait sommé Pauline Marois de renoncer à se porter candidate « pour le bien du parti ». La façon dont on la traite dans les rangs mêmes de son parti n’autorise aucun doute à ce sujet.

D’une part, un homme reçoit le pardon inconditionnel et même des gratifications pour un acte estimé assez grave pour figurer dans le code criminel canadien, et d’autre part, on accuse Pauline Marois de futilités fondées sur des impressions.

Invitée à l’émission Le Point, de Radio-Canada, l’ancienne députée Suzanne Tremblay, partisane déclarée d’André Boisclair, a dit, entre autres inepties, que la position de Pauline Marois dans la course à la direction du PQ pouvait être influencée notamment par le fait que la candidate a « trop maigri »… Les « gens » penseraient qu’elle est malade (sous-entendu, elle ne peut pas diriger un parti).

Imaginez un peu que l’on reproche à un candidat d’être laid, trop gros ou trop maigre, de perdre ses cheveux, de prendre des médicaments pour contrôler sa tension artérielle, de ne pas porter de cravate ou encore d’avoir une tache sur sa chemise. Serait-ce sérieux dans une campagne à la direction d’un parti politique ?

Mme Tremblay affirme qu’elle ne fait que rapporter ce qui se dit "sur le terrain". Si c’est le cas, le "terrain" péquiste est bien stérile et peu prometteur pour l’avenir du parti et du Québec.

Pauline Marois serait « bourgeoise », dit-on, parce qu’elle est à l’aise financièrement, comme d’autres chefs de parti dans le passé, mais ce n’est pas pareil, ils étaient des hommes (Jacques Parizeau, Robert Bourassa, Bernard Landry, etc.). Tant mieux que la future cheffe du PQ et peut-être du gouvernement québécois soit à l’aise financièrement ! Elle sera moins tentée par les "à-côté". Au fait, lequel des hommes candidats à la direction du PQ est démuni ? Y a-t-il parmi eux des sans-abris ?

« Froide et hautaine », trop « élégante », dit-on aussi de Pauline Marois, alors que l’arrogance et les idées creuses chez d’autres passent pour des vertus.

Évalue-t-on les candidats Legendre, Paquette, Ouimet, Boisclair et autres en prenant en compte le bilan professionnel de leur conjoint-e ? Non, mais on le fait pour Pauline Marois.

Enfin, ô crime, Pauline Marois serait opportuniste, ambitieuse et aspirerait au pouvoir. Quelqu’un pourrait-il m’expliquer comment on peut à la fois être dépourvu d’ambition et aspirer à diriger un parti et le Québec ?

Bien entendu, André Boisclair, qui avait quitté son siège à l’Assemblée nationale et accepté un poste dans les milieux d’affaires torontois, n’a pas fait preuve d’opportunisme, lui, en rappliquant illico au Québec lors de la démission de Bernard Landry.

Les autres hommes qui veulent diriger le PQ n’ont pas d’ambition non plus, c’est sûr. Si jamais l’un d’eux est élu, je suppose qu’il démissionnera en rejetant ce pouvoir qui lui répugne…

Quand le Parti québécois, traditionnellement parti d’idées et de débats sensés, a-t-il sombré dans l’insignifiance ?

On peut dire ce qu’on voudra aux sondeurs et ces derniers peuvent croire ce qu’ils veulent, la vérité, c’est qu’on n’accepte pas encore au Québec qu’une femme ait de l’ambition et souhaite exercer le pouvoir.

Alors, prétendre que Pauline Marois n’est pas défavorisée dans cette course parce qu’elle est une femme, c’est de l’inconscience ou de l’hypocrisie pure et simple.

Aussi distinct que le Québec veuille être, la politique y demeure une chasse-gardée farouchement patriarcale.

 Lire : Le Parti québécois élira-t-il son fossoyeur le 15 novembre ?

Mis en ligne sur Sisyphe, le 31 octobre 2005.

Micheline Carrier

P.S.

Lire

 Pauline Marois, mon premier choix, Le Devoir, 31 octobre 2005
 Pauline Marois, un choix responsable et prometteur




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