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Petites sépultures et autres berceaux
II - La Terre18 novembre 2002
par
« L’eau est la mémoire de la terre ».
Serge Bouchard
I
Une grande forme en mouvement
Dispersion de poussière et d’étoiles
Aux quatre coins de l’espace
Grande rotation d’héliotropes
Premier envol de particules
Premier rayonnement cosmique
La terre est un grand oiseauAphélie enterrée sous les cils
Exil dans sa détresse
De la terre plein la bouche
Et son cri inaudible
Marie-Ambre et sa terreur
Inscription sur sa poitrine d’enfant
D’être enterrée vivanteJe m’y couche dans la nuit
M’y love sous les mousses
La terre c’est mon berceauC’est ma panthère sous la lune
Je la chevauche en solitaire
Elle bondit jusqu’aux volcans
Et me dévore à petit feu
La terre c’est mon tombeauQu’est-ce qui fait bouger les arbres ?
C’est le vent dans l’oiseau
Qui rend la terre aérienne ?
C’est l’oiseau dans son nid d’aigleII
Qu’est-ce qui fait trembler la terre ?
C’est le souvenir qu’elle a de l’eau
De ses grands cimetières marins
De ses atlantides insolublesQu’est-ce qui fait trembler sa mémoire
Et ses quatre saisons irrésolues ?
C’est le grand mystère de DéméterQu’est-ce qui fait bouger les pierres ?
C’est l’amour qu’a la terre pour l’eau
Qui fixe les mines d’or
Les minéraux de ton corps ?
C’est la terre ton ossuaireLa terre est le socle
Où tu te tiens debout
Tu es son territoire souverain
La statue vive dans sa têteOù vont les étoiles de tes yeux ?
Où va le regard éperdu de l’amour ?
Il se perd dans l’univers
Il compose les parfums et les sons
Il est à l’origine des fleurs
Au coeur du coeur des fruitsIl imagine la saveur crée la couleur
Il est le paradis sur terre
La perfection de la formeTon regard m’invente
Au soleil de minuitIII
Voici venu le temps
De l’archéologie du futur
Les monuments du présent
Aux prises avec les flammes
D’un viol collectif le sang gicle
Des fenêtres pulvériséesDeux grandes formes en mouvement
Une saignée brutale
Les hautes stèles funéraires
Bourrées d’être vivants
S’effondrent sous nos yeux
Brûlant leurs épitaphesLes tours se dissolvent en poussière
L’espèce humaine se dissout
En poussière blanche
L’odeur de crémation
Incommode les survivants
Ils cherchent leurs morts ou leurs vifs
Triant les décombresLa danse des particules de l’origine
Se poursuit défie la gravité
Repousse l’hiver nucléaire
Les prochaines générations
Se gaveront de nouvelles
Nourritures terrestres
A saveur humaineTerre Terre !
Crie l’enfant émergeant
Des grandes eaux de sa mère
Terre Terre !
Faisant ses premiers pasTerre Terre !
Tombant plus tard
Du ciel en parachuteLes Damnées de la Terre
Leurs cris désertés
Leurs paroles effacées
Tous les autres DamnésLes voix étouffées
Les cruautés de la Terre
Et les autres insanités
Les chants ensevelisLa Terre et ses splendeurs
Ses colons ses Himalaya
La musique planétaire
Les ailes du poème enraciné
Revue Le Sabord, #61, février 2002
Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 novembre 2002