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Violence faite aux femmes
Si Amnesty international savait parler aux hommes

2 décembre 2005

par Nathalie N.

Après avoir découvert au journal télévisé que la campagne d’Amnesty International contre la violence conjugale se ferait autour du thème de la virilité (le spot télévisé présenterait des célébrités hommes boxant contre un professionnel avec le slogan "si tu bats ta femme, t’es pas un homme"), j’ai par curiosité visité le site d’Amnesty pour en savoir plus.

Voici le texte de la campagne (pour ma part, il m’horripile) : Si tu bats ta femme, t’es pas un homme.

« Regarder un match avec des potes. No soucy. Boire quelques mousses, parler penalty, avant-centre, jantes alu, nouvelle bagnole, vieux souvenirs. No soucy. Faire monter l’adrénaline sur ta bécane, te bodybuilder en salle, pratiquer le taekwondo, la boxe, le foot, même les 3èmes mi-temps, si tu veux. Plein de mecs font ça. Par contre, battre ta femme ne fera jamais de toi un homme. Jamais. Et si la violence contre les femmes n’est assurément pas un droit de l’homme, elle n’est pas non plus une fatalité ».

À mon avis, cette campagne axée sur la virilité n’est pas très judicieuse.

Elle pose problème à plusieurs niveaux :

1. L’analyse des rapports sociaux de sexe démontre que la virilité se construit notamment par la violence et en vue de sa reproduction, et que les violences conjugales en sont une conséquence parmi d’autres. Or, cette campagne évacue complètement cet aspect social et pose la virilité comme une essence, voire une énergie d’origine "testostéronale" qu’un "vrai homme" évacue sainement dans le sport et les bagnoles (virilité positive) contrairement à l’"homme indigne" qui l’évacuerait dans la violence conjugale (virilité négative).

Une campagne qui n’identifie pas correctement la cause d’un problème ne peut être efficace.

2. Ce texte nous présente une série de clichés supposés définir ce qu’est un homme. Il est par définition sexiste.

3. Par conséquent, la plupart des hommes ne se reconnaîtront pas dans cette description : la campagne manque sa cible.

4. Le texte s’adresse aux hommes violents d’une manière débilitante suivant le principe que l’homme violent ne peut qu’être un Cro-magnon et qu’il faudrait par conséquent lui parler cro-magnon. Or, seule une minorité des hommes violents correspond à ce cliché ; la plupart du temps, l’homme violent est parfaitement intégré socialement et professionnellement, son "problème" (ou plutôt celui de sa compagne) passe inaperçu car relégué dans la seule sphère du privé.

5. La dernière phrase ("la violence contre les femmes n’est assurément pas un droit de l’homme") est maladroite. Elle laisse entendre que les Droits de l’Homme ne s’adressent qu’aux personnes de sexe masculin. Or, l’un des objectifs de cette campagne devrait être de rendre aux femmes, aux yeux de ces hommes, leur statut de personne humaine.

Texte reproduit de la liste belge Malvira avec l’autorisation de l’auteure.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 24 novembre 2005.

Nathalie N.


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