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Femmes et enfants tués par des hommes ou par des inconnus au Québec en 1998
Dates et circonstances

décembre 1998

par Martin Dufresne

Dans un travail de sensibilisation populaire et de confrontation des pouvoirs établis, le Collectif masculin contre le sexisme recense les noms et résume les circonstances des incidents où des femmes et des enfants ont été tué-es par des hommes (ou des inconnus) au Québec depuis le massacre perpétré par un antiféministe à l’École Polytechnique de Montréal, le 6 décembre 1989. Nous faisons ce travail depuis maintenant onze ans.

Nous n’utilisons que les données publiées et donc disponibles en bibliothèque, en nous en tenant aux éléments qui permettent de rappeler le nom et l’identité des protagonistes de ces drames et la dynamique qui a mené au meurtre. Sans un tel travail, nous croyons que ces traces seraient immédiatement oubliées par tous sauf par les proches des victimes.

Nous faisons ce travail pour qu’une prise de conscience collective de l’ampleur du désastre sexiste amène une levée de boucliers contre le laxisme de notre société à l’égard des privilèges masculins, dont celui de s’en prendre à une conjointe, surtout à l’occasion d’une séparation. Si le fait de rappeler ces crimes et leur contexte pouvait éviter ne serait-ce qu’une tuerie de plus, est-ce que cela n’en vaudrait pas la peine ? Notre affiche est apposée au mur de dizaines de maisons d’hébergement au Québec. Ce tragique décompte les aide à jauger les risques réels auxquels leur conjoint les expose. J’ose croire que cette liste a pu sauver des vies et justifier de saines colères.

Martin Dufresne
Secrétaire
Collectif masculin contre le sexisme

"Où que ce soit au monde, s’il n’y a pas de noms, il n’y a pas de mort-es." (Laura Bonaparte, une des Mères de la Place de Mai, en Argentine)
*


Femmes/enfants tué-es par des hommes ou par des inconnus en 1998 :
au moins 46 (33 femmes, 13 enfants). De ces nombres - au moins 30 femmes victimes d’un conjoint, ex-conjoint, partenaire sexuel ou membre de leur famille (91% des femmes)- 11 enfants tué-es par leur père (85% des enfants)

Micheline Bond, 55 ans, poignardée, le 5 janvier à Saint-Émile, par Claude Vachon, 60 ans, dont elle s’était séparée 3 mois plus tôt. Vachon était passé très tôt le matin soi-disant pour chercher ses affaires. Il s’est pendu après le meurtre.

Jeannine Marineau, 62 ans, étranglée le 16 janvier à Deux-Montagnes par son ex-partenaire sexuel, Amédée Dupuis, 71, deux semaines après leur séparation. Dupuis s’est ensuite suicidé en buvant du solvant. (À l’époque, la police n’a même pas divulgué aux médias le nom de la victime.)

Estelle Letendre, 43 ans, abattue de 5 coups de fusil de chasse, le 19 janvier à La Prairie, par son ex-partenaire sexuel, Mikael Kovacs, 62 ans, qui la harcelait depuis leur séparation, cinq ans plus tôt. Kovacs, qui avait été reconnu coupable de violence conjugale quelques années plus tôt, a laissé une rose sur le cadavre puis s’est rendu abattre la sœur de Letendre et son mari, mais sans succès. Il a également tenté de se suicider, sans plus de succès, et a été condamné à 25 ans pour meurtre avec préméditation.

Christiane Boucher, 31 ans, abattue de plusieurs balles dans sa voiture, le 1er février à Saint-Thomas, par un tueur à gages engagé par son mari, Sylvain Coutu, 27 ans, qui avait une aventure avec une jeune fille de 15 ans.

Joanne Foessl, 38 ans, étranglée le 6 février à Candiac dans la maison où elle vivait avec ses enfants, apparemment par des cambrioleurs qui auraient emprunté une fenêtre du sous-sol.

Nathalie Chassie, 22 ans, abattue dans son lit, le 5 février à Chapleau, d’un coup de fusil de chasse par son partenaire sexuel, Brian Fleury, 24 ans, à son retour d’une expédition de trappe. Le meurtrier s’est ensuite suicidé.

Cathy Caretta, 22 ans, étranglée le 10 février à Laval, par son ex-partenaire sexuel, Jean-Paul Gerbert, un Français de 31 ans qu’elle venait de quitter et qui la harcelait depuis des semaines. Elle avait accepté de le revoir une dernière fois, chez son père. Gerbert a annoncé à la police son intention de se suicider mais s’est contenté de se saouler pendant leur siège de la maison.

France Pelletier, 30 ans, une mère de 2 enfants, abattue de plusieurs coups de fusil de chasse à son départ du travail, le 12 février à Sainte-Angèle, par son ex-partenaire sexuel Norman Thibeault, 27 ans, un fermier qu’elle avait décidé de quitter quelques semaines plus tôt. Après avoir déjoué un barrage de police, l’assassin s’est rendu aux autorités le lendemain. Après avoir obtenu un nouveau procès où il n’a été déclaré coupable que d’homicide involontaire » et n’avoir purgé que 5 21/2 ans de sa sentence, il a été libéré et « banni de la région » pour 3 ans. La défense avait plaidé « dépression majeure avec éléments psychotiques et éléments de panique »

Alex Maheux Royer, 7 mois, étouffé le 1er mars à St-Georges de Beauce par son père, Serge Royer, 35 ans, qui voulait l’empêcher de pleurer la nuit. Le meurtrier était maniaco-dépressif mais avait néanmoins tous les week-ends la garde du poupon, qui était en famille d’accueil durant la semaine. Royer a été accusé d’homicide involontaire.

Hermeline Leblanc-Bourdages, 78 ans, tuée à coups de batte de base-ball et de couteau le 25 avril à Bonaventure par deux jeunes qui étaient entrés chez elle par effraction pour la voler. En raison de leur jeune âge, ils seront éligibles à une libération en 2005.

Raymonde Poulin-Lapointe, 61 ans, poignardée à plusieurs reprises le 3 mai à Saint-Hubert par son partenaire sexuel, le postier Pierre Lefebvre, 53 ans, qu’elle tentait de quitter. Le meurtrier s’est infligé quelques coupures mais a survécu à cette « tentative de suicide ». D’abord condamné pour meurtre au 2e degré, il a interjeté appel jusqu’en Cour suprême, a finalement négocié une accusation d’homicide involontaire à laquelle il a plaidé coupable mais la Couronne a égaré une pièce du dossier. N’avait pas encore été condamné en octobre 2004, à l’indignation de la famille de la victime.

Hanh Nguyen, 22 ans, étranglée, ligotée et arrosée de combustible le 29 mai à Montréal par Luc Tran, 26 ans, dont elle avait rejeté les avances. Le meurtrier a aspergé d’essence sa victime et y a mis le feu.

Josée Jobidon, 29 ans, décapitée d’un coup de fusil de chasse, le 9 juin à La Sarre, par son partenaire sexuel Guy Jolin, 34 ans, à qui elle avait annoncé qu’elle le quittait.

Isabelle Champoux, 29 ans, volontairement écrasée en voiture, le 11 juin à Charlesbourg, par Jean Bourdeau, 40 ans, son voisin d’en face, un batteur de femmes récemment divorcé qui s’imaginait que toutes les femmes étaient des espionnes. Bourdeau a été acquitté en utilisant une défense d’aliénation mentale.

Lyne Villeneuve, 52 ans, tuée d’une décharge de fusil de chasse à la tête, le 11 juin à Saint-Jérôme, par son partenaire sexuel Yvon Lavallée, 54 ans, qui lui faisait souvent des scènes de jalousie. Il s’est ensuite suicidé.

Marilu Ortiz, 14 ans et ses deux frères Luis Antonio Ortiz, 9 ans et Alonzo Ortiz, 3 ans, étranglés à Montréal le 11 juin par leur père Humberto Ortiz, 41 ans, un ex-policier péruvien. La mère des enfants se mourait du cancer. L’assassin s’est infligé quelques coupures au bras mais a survécu à cette « tentative de suicide ».

Rachel Marcoux, 55 ans, poignardée dans son sommeil le 7 juillet à Mansonville, en même temps que son père de 83 ans, par son frère Norbert Marcoux, 50 ans. L’assassin venait de passer la nuit à boire avec le cinéaste-vedette Pierre Falardeau.

Chantal Tremblay, 22 ans, poignardée le 15 juillet, à Sainte-Barbe, par son ex-partenaire sexuel Jean-Luc Brassard, 24 ans, un mois après leur séparation. Brassard a ensuite tenté de se suicider mais a survécu. Il a été accusé d’homicide involontaire.

Marie-Jeanne Bouchard, 63 ans, tuée de 23 coups de couteau le 22 juillet, à Val d’Or, par son mari Émile Lafontaine, 69 ans, qui faisait secrètement régner chez lui la terreur depuis des années et était craint depuis fort longtemps par sa famille, ses amis... et les gens de la ville qui le connaissaient suffisamment sous son vrai jour.

Madame Bouchard était consciente du crime qui se préparait et se résignait à
ce sort pour protéger ses sept enfants. Un mois plus tôt, sa fille aînée l’avait convaincue de quitter la maison familiale où Lafontaine, atteint d’un cancer, devenait de plus en plus incohérent et violent. Il s’est alors présenté à la demeure de sa fille et a proféré des menaces afin que sa femme revienne. La fille a contacté les policiers pour qu’ils procèdent à une arrestation mais ceux-ci ont objecté que Lafontaine ne possédait aucun casier judiciaire. Comme cela se produit souvent, celui-ci, extrêmement contrôlant, a réussi à culpabiliser suffisamment sa victime pour qu’elle revienne prendre soin de lui. Un mois plus tard, il l’assassinait de façon
qui s’est avérée préméditée, sans que le reste de sa famille ne prenne en compte les indications du drame imminent.

Le meurtrier a été condamné à 10 ans. Lors de son arrestation, il a été incarcéré à la prison d’Amos en attendant son procès. Son avocat a prétendu qu’il n’était pas dangereux pour les autres, dans une analyse qui convergeait avec les propos de Lafontaine, qui disait souhaiter mourir tranquille chez lui. Par contre, il répétait à qui voulait l’entendre qu’il détestait sa fille aînée, laissant sous-entendre à ses visiteurs qu’il aimerait bien être débarrassé d’elle. Sur recommandation d’un psychiatre, Lafontaine n’a pas obtenu sa libération conditionnelle. Il est décédé trois mois plus tard au pénitencier Archambault des suites de sa maladie.

Sun Ok Hu, 27 ans, et ses deux enfants Jae Woo Hu, 6 ans, et Jean In Hu, 2 ans, poignardés le 28 juillet à Montréal par leur père Soung Mun Koak, 34 ans, un Sud-coréen qui vivait illégalement à Montréal et qui s’est ensuite pendu.

Maxime Ayotte-McPhee, un bébé de 5 mois, battu à mort le 28 juillet à Verdun par son père Patrick Ayotte, 21 ans. Condamné à 8 ans.

Marguerite Boka, 31 ans, poignardée le 31 juillet à Montréal par Felix Kuadio, 31 ans, qu’elle avait quitté 2 semaines plus tôt. Les deux étaient des immigrants récents de Côte d’Ivoire. Kuadio a ensuite fait une tentative de suicide en sautant devant le métro, mais il a survécu.

France Beauregard, 34 ans, trouvée coupée en morceaux dans une valise le 8 août à Montréal. Le suspect, Louis Lafond, 33 ans, un magasinier à l’université du Québec, s’est enfui dès sa libération conditionnelle. On croit qu’il se cache dans l’Ouest canadien.

Tina Diaz, 18 ans, poignardée le 22 août à Montréal par son nouveau partenaire sexuel Sean Small, 32 ans, au cours d’un incident de violence conjugale. Diaz a été retournée chez elle par l’hôpital ou elle s’était présentée, après qu’on a jugé que ce n’était qu’une coupure mineure. Elle y est morte. Small, d’abord libéré par la police après que Diaz eût refusé de l’incriminer, a finalement été accusé d’homicide involontaire.

Laurette Jarry, 76 ans, battue à mort et arrosée d’essence, le 26 août à St-Jean-de-Matha, par son mari Leopold Laflamme, 68 ans. Laflamme s’est ensuite suicidé en laissant une note où il affirmait que leur maladie ne leur laissait « pas d’autre issue ».

Yvonne Arsenault, 52 ans, tuée de plusieurs coups de feu au visage le 27 août à Dubuisson, alors qu’elle était dans son lit. Son mari Raymond Arsenault, 51 ans, qui alléguait avoir été à l’extérieur de la maison a été arrêté et accusé de meurtre prémédité, même s’il avait laissé des signes d’effraction dans la maison.

Jayshri Patel, 42 ans, poignardée à plusieurs reprises, le 11 septembre à Montréal, par son beau-frère Kiran Patel, 32 ans.

Maxime Giasson Saint-Hilaire, 7 ans, abattu d’un coup de fusil de chasse, le 27 septembre à Montmagny, par son père adoptif, Pascal Giasson, 23 ans, quelques semaines après sa séparation de la mère de l’enfant. Giasson, qui avait obtenu la garde alternée malgré des menaces de mort adressées à la mère, a tué l’enfant au cours d’une promenade en forêt, puis s’est suicidé.

Agnes McKormick-McKenzie, 95 ans, tuée le 28 septembre à Pointe-Claire par son fils, Ron McKenzie, 58 ans, près de la tombe de son mari. Il avait mis un somnifère dans son café et amené une conduite de gaz d’échappement à l’intérieur d’une voiture en mouvement où il a tenté de se suicider avec sa mère. Elle est morte, lui non, et il a été acquitté.

Myriam Chrétien, 6 ans, et Audrey Danjou Chrétien, 3 ans, abattues à coups de fusils de chasse, le 30 septembre à Hull, par leur père René Chrétien, 32 ans. Celui-ci bénéficiait de la garde alternée, est passé les chercher à une date indue, à l’école et à la garderie, soi-disant pour les amener en camping. (Ce double infanticide a sans doute été influencé par celui de Maxime Giasson St-Hilaire quelques jours plus tôt.)

Diane Massicotte, 52 ans, propriétaire d’une agence de voyages, tuée à coups de marteau le 4 octobre à Saint-Adolphe d’Howard, par son mari Roger Del’Salvadore, 56 ans, à leur maison de campagne. Il s’est ensuite poignardé à plusieurs reprises avant d’appeler la police.

Micheline Cuerrier, 26 ans, poignardée et égorgée le 15 octobre à La Pêche par son ex-partenaire sexuel, Gilles Lemieux, 39 ans, un employé de dépanneur, 3 jours après avoir rompu avec lui. Lemieux s’était déjà reconnu coupable de harcèlement et de menaces de mort en mai 1997, mais il n’avait été condamné qu’à un an de probation et assigné à un programme de « thérapie ». Cuerrier avait supplié sa mère et son frère de venir habiter avec elle pour la protéger. Lemieux a été accusé de meurtre prémédité.

Milia Abrar, 22 ans, poignardée à plusieurs reprises le 20 octobre à Montréal. Son cadavre a été retrouvé dans une toilette du Parc Angrignon. Elle s’était défendue contre son agresseur Aucun suspect n’a été arrêté même si la police soupçonne « une connaissance » ; sa famille désapprouvait le fait qu’elle avait rompu avec son fiancé pour amorcer une autre relation.

Cédric Bourgeois-Cadieux, 9 mois, suffoqué le 20 octobre à Brownsburg après que le partenaire sexuel de sa mère, Serge Malette, 27 ans, l’ait bâillonné avec du papier collant pour ne pas être dérangé alors qu’il baisait avec celle-ci. Malette et la mère de l’enfant ont été condamnés.

Lisette Poulin, 39 ans, tuée le 21 octobre à Saint-Agapit par son partenaire sexuel, Émile Bergeron, 42 ans.

Linda Condo, 37 ans, Trouvée tuée d’un coup de feu à la tête dans un fossé à Nouvelle, près de la Réserve amérindienne de Maria. Comme beaucoup de meurtres d’Amérindiennes, celui-ci n’avait pas été signalé par les médias à l’époque.

Lucille Gignac-Gélinas, 75 ans, battue à mort à coups de fer à repasser chez elle, le 31 octobre à Shawinigan-Sud par Martin Castonguay, 18 ans, et Sébastien Marcouillier, 17 ans, qui venaient lui extorquer de l’argent. Ils ont tous deux condamnés à perpétuité. Gignac-Gélinas avait participé à une marche des femmes contre la violence quelques semaines plus tôt.

Marlène Hogue, 30 ans, danseuse, poignardée à plusieurs reprises le 1er novembre à Saint-Damase sur un chemin de campagne par François « Spike » Beauregard, 26 ans, et Yann Desrosiers, 20 ans, qui lui avaient réclamé des services sexuels après son spectacle et qui l’avaient suivi en voiture lorsqu’elle était partie à pied. Les meurtriers, qui se sont, au procès, renvoyé la responsabilité ont été respectivement acquitté et accusé de simple complicité.

Martine Lefebvre, 24 ans, employée de dépanneur, poignardée à plusieurs reprises devant son fils de 5 ans par son partenaire sexuel Daniel Labonté, 33 ans, un infirmier des Forces canadiennes. Elle avait déjà fait appel à la police pour le faire accuser de voies de fait mais on n’avait porté aucune accusation. Labonté s’est ensuite suicidé.

Lorraine Pelletier, 54 ans, tuée le 27 novembre à Sainte-Julie par son partenaire sexuel, Paul Laporte, 56 ans.

Marie-Pier Joly, 4 ans, tuée le 3 décembre à Montréal par son père Guy Joly, 29 ans.

Martin Dufresne


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