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Coupe du Monde du football et prostitution
La nouvelle industrie du sexe

9 mai 2006

par Nouvel Observateur

Des mégabordels au coeur de l’Europe sous l’oeil des caméras du monde entier... A l’occasion du Mondial, en Allemagne, en juin, les proxénètes recrutent. On parle de 40 000 « filles » destinées au repos du supporteur. Foot, bière et sexe ? Derrière la caricature, un enjeu de taille : la traite des femmes. Et un débat qui resurgit : la prostitution est-elle un mal nécessaire ou une insupportable atteinte à la dignité humaine ? L’Allemagne d’Angela Merkel a choisi le camp de la légalisation. Et la France, celui de l’indifférence ? Pour la première fois, des personnalités françaises s’engagent ici en faveur de la pétition « Acheter du sexe n’est pas un sport ». Une enquête de Serge Raffy, François Caviglioli, Sylvie Véran, Alain Chouffan et Claire Fleury.

Un dossier du Nouvel observateur, le 5 mai 2006. -

NOTA BENE

Les articles du Nouvel Observateur sont aux archives de ce journal après quelques semaines. Les liens ci-dessous vous y mèneront.



Elle n’y croyait plus. Malka, l’abolitionniste infatigable, voyait ses adversaires gagner du terrain un peu partout en Europe. Ses ennemis ? Les marchands de sexe au look de manager. Redoutables, de plus en plus habiles, ces big boss de la prostitution de l’Europe du Nord devenus d’honorables commerçants, grâce aux lois légalisant le commerce des corps, menaient campagne jusque dans les allées du Parlement à Bruxelles. Malka Marcovich désespérait. A quoi bon lutter contre les julots devenus des magnats de l’industrie du sexe, ayant derrière eux une armée d’avocats et d’attachés de presse ? Pourquoi combattre un ennemi tout-puissant qui a le soutien tacite de la plupart des Etats, en particulier l’Allemagne et les Pays-Bas ? Comment lutter contre ce tsunami, son chiffre d’affaires planétaire, sa cagnotte de plusieurs dizaines de milliards d’euros, ses réseaux internet, ses clubs, ses discothèques, ses salons de massage, ses lobbys au discours libéral-libertaire bien huilé, revendiquant le droit à disposer de son corps, comme en 1968 ?

Lire l’article de Serge Raffy.

Suite du dossier

Pétition
"Acheter du sexe n’est pas un sport"

La pétition lancée par la Coalition contre la Traite des Femmes (CATW) a déjà récolté près de 35 000 signatures individuelles ou d’organisations à travers le monde. Disponible sur catwepetition.ouvaton.org, en voici les principaux extraits.
« Acheter du sexe n’est pas un sport. C’est une exploitation sexuelle qui porte physiquement [...] atteinte aux femmes [...].
Traiter le corps des femmes comme une marchandise viole les standards internationaux du sport qui promeuvent l’égalité, le respect mutuel et la non-discrimination. [...]
Les hommes d’honneur n’achètent pas du sexe car ils respectent la dignité et l’intégrité de l’être humain.
Non à l’organisation de la prostitution durant la Coupe du Monde de Football.

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Ils et elles s’engagent

« Le Nouvel Observateur » a demandé à des personnalités de prendre position. Voici leurs réactions recueillies par Claire Fleury.

Lilian Thuram*
« Un grand marché des êtres humains au coeur de l’Europe ! Dans un pays qui se dit attentif à la condition des femmes... Cela me paraît tout simplement incroyable. Comment les pays européens peuvent-ils accepter cela ? Comment pourront-ils ensuite se permettre de juger et de condamner d’autres atteintes au droit des femmes ailleurs dans le monde ? Les Allemands disent répondre à la demande des hommes. Faux : ce sont eux qui créent le besoin... Je signe sans hésiter la pétition du CATW. Le système allemand qui légalise la prostitution et l’exploitation des femmes est inadmissible. La Coupe du Monde va lui donner une visibilité extraordinaire. L’Allemagne devrait comprendre que son image va en prendre un coup. »
(*) Défenseur de la Juventus de Turin

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Daniel Cohn-Bendit : « Il faut sortir le foot du ghetto mâle »

Le député vert européen, fan de ballon rond, encourage les femmes à devenir supportrices.

Lire l’entrevue.

L’appel de Gisèle Halimi* à Angela Merkel : « De grâce, agissez »

Ainsi des records seront battus à Berlin, en marge de la Coupe du Monde de Foot : une prostitution massive, organisée, aseptisée. Un gigantesque bordel - 40 000 femmes de tous les pays - pour soulager nos glorieux sportifs et leurs admirateurs. Ainsi l’exploitation criminelle du corps des femmes conquiert de nouveaux galons en Europe. Une Europe de l’argent, du mépris, du déni de l’égalité des femmes et du respect de leur corps. La prostitution est le servage moderne des femmes, instauré par les hommes et pour eux. Assez d’hypocrisie sur ce « mal nécessaire ». Certains pays - la Suède par exemple - ont mis sur les rails un abolitionnisme concret : pénaliser le client et non la prostituée. Au contraire, Artemis est révélateur d’un énorme cynisme - le sport et ses valeurs universelles d’une part et le proxénétisme international légalisé d’autre part - et d’une incontestable lâcheté. Qui peut encore prétendre que ces femmes « choisissent » de se vendre, quelle est leur alternative ?

Adresse à Angela Merkel : je suis de gauche, et le mouvement Choisir la Cause des Femmes, que je préside, s’est réjoui publiquement de votre élection. Notre première chancelière ! Alors, de grâce, parlez, agissez. Prouvez que les femmes au pouvoir peuvent faire avancer l’humanité et ses valeurs. Une Europe du sexe ne sera jamais la nôtre. »

(*) Présidente de Choisir la Cause des Femmes

Lire ici.

Les mauvaises passes du football britannique

L’affaire a fait la une du « Sun » : Wayne Rooney giflé par sa fiancée ! Motif ? L’attaquant de Manchester United aurait fréquenté des call-girls. Quelques jours plus tard, l’une d’entre elles se répandait dans les tabloïds en affirmant avoir aussi eu pour client la star des stars, David Beckham...

Lire l’article d’Alain Chouffan.

Berlin, ville ouverte
Visite au mégabordel

Artemis, le supermarché de la prostitution construit en prévision de la Coupe du Monde, lance un nouveau concept : le sexe en troisième mi-temps.

C’est vraiment la rue sans-joie. Serrée entre une voie ferrée et un alignement d’entrepôts, à trois stations de S-Bahn du stade olympique de Berlin. Ehrhart, la cinquantaine un peu lasse, presse le pas, une lourde serviette à la main, comme s’il était en retard. On dirait un commercial qui va visiter le dernier client de la journée. Erreur. Le bâtiment de quatre étages dans lequel il entre avec l’assurance d’un habitué n’est pas un immeuble de bureaux. On lit sur la façade « Artemis » en lettres lumineuses. Ehrhart va au bordel. « Nous sommes un club de nudistes, corrige Eike Wilmann, porte-parole et gérant d’Artemis. Chez nous, il y a deux saunas, une salle de fitness, une piscine, un bar, un restaurant. Les filles, ça vient après. Il faut déculpabiliser le client. L’aider à croire qu’il vient pour le sport et la remise en forme. »

Lire l’article de François Caviglioli.

Les « managers » allemands sont prêts

L’anecdote a fait le tour de l’Europe : l’an dernier dans une agence pour l’emploi, une jeune Berlinoise a perdu ses indemnités de chômage car elle n’acceptait pas un emploi d’hôtesse dans un bordel. Preuve qu’outre-Rhin l’antédiluvienne industrie est devenue un secteur économique comme un autre.

Lire l’article de Sylvain Courage.

En Lettonie, les réseaux s’activent
Aller simple pour Berlin

Les filles ont déjà bouclé leurs valises. Les proxénètes leur ont fait miroiter le pactole. Pour la Coupe du Monde, elles seront... entraîneuses.

C’est un fascicule à couverture rouge intitulé « Riga this night ». On peut le trouver dans tous les hôtels, bars ou restaurants de la capitale lettonne. Le visiteur y est censé apprendre les rudiments de la langue. Première leçon : « Pavadisim nakti kopa ? », ce quiveut dire« As-tu envie de passer la nuit avec moi ? » Deuxième leçon : « Cik tas maksa ? », « C’est combien ? »...

Lire l’article de Sylvie Véran.

Légalisation mode d’emploi

Aux Pays-Bas, les « services sexuels » aux handicapés sont remboursés par des bureaux d’aide sociale au même titre que les chaussures orthopédiques.

Au Danemark, une prostituée peut déclarer une opération esthétique des seins au titre des « frais professionnels » parce que les « investissements pour améliorer et entretenir l’instrument de travail sont déductibles des impôts ».

A Amsterdam, la fondatrice d’une « école du sexe », destinée à apprendre aux personnes prostituées à mieux rentabiliser leur activité, déclare : « Vous pouvez parler de techniques de vente.Vous devez vous vendre et peu importe qu’il s’agisse de votre corps ou d’aspirateur. »

Le gouvernement néerlandais touche chaque année 1 milliard d’euros de taxes provenant de l’industrie du sexe.

En Australie, le plus important bordel de Melbourne, le Daily Planet, est coté en Bourse depuis 2003. Ses dirigeants projettent de construire un Disneyland du sexe.

Source : Les Clients de la prostitution, l’enquête, par Claudine Legardinier et Saïd Bouamama, Presses de la Renaissance.

 On peut écouter l’entrevue donnée par Malka Marcovich sur France 3, Europe Express.

 Extrait d’une entrevue donnée à Robert Frosi à l’émission Desautels, Radio-Canada. Écouter ici.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 5 mai 2006.

Nouvel Observateur

P.S.

Lire également l’entrevue avec Amos Gitai, réalisateur de Terre promise, sur la traite des femmes.

Et l’appel de la Suède au boycott des jeux




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