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La DPJ et la chasse aux sorcières contre les mères

13 juin 2006

par Lucie Poirier

La direction de la protection de la jeunesse, la DPJ, est de plus en plus blâmée pour ses injustices envers les enfants, les parents, les grands-parents, les familles d’accueil, son onéreuse et complexe bureaucratie, ses « power trip », c’est-à-dire, tels que relatés par des témoignages, des reportages, des sites et des documentaires, son manque d’approches consensuelles, de transparence, de crédibilité et pour l’attitude de ses délégué-es, agent-es et divers-es employé-es perçu-es comme abusifs/ves, irrespectueux/ses, agressifs/ves, menteurs/euses et manipulateurs/trices.

De plus en plus, on révèle que la DPJ inflige à des enfants des traitements pires que ceux dont bénéficient des criminels : privation de liberté, surmédicamentation, enfermement, contention ...

Parmi toutes les victimes de la cruauté institutionnalisée de la DPJ, celle-ci a ciblé une catégorie de personnes qui déjà souffre d’une mauvaise image, de préjugés tenaces, d’un discrédit constant. La DPJ prépare une offensive envers les mères célibataires pauvres et leurs enfants sans père.

Après l’Inquisition, l’antisémitisme, le lynchage, le McCarthisme, notre DPJ s’est trouvée une vindicte : purifier le Québec des filles-mères et de leurs bâtards en s’emparant de ceux-ci pour les faire adopter au plus vite grâce à la loi 125.

Ce projet de loi autoriserait une pratique de plus en plus courante, celle de l’adoption rapide d’un enfant retiré à sa famille d’origine. Contrairement à l’adoption simple qui existe en France et en Belgique et par laquelle des relations sont maintenues, l’adoption au Québec est plénière ; elle légalise la rupture irréversible du lien de filiation biologique, la fin absolue du droit aux contacts immédiats et éventuels, l’impossibilité à la connaissance généalogique et surtout la cessation du repère identitaire induit par la réalité biologique, l’effacement de tous les déterminismes officiels qui ont relié l’enfant à sa génitrice.

Certes, inconsciemment, l’enfant continue d’être porteur de ses origines, mais cette connaissance ne lui est accessible ni légalement ni consciemment puisque tout est structuré pour dénier et même abolir la filiation biologique. Même si la famille d’adoption est encadrante et affectueuse, les conséquences de la rupture et du silence sur cette rupture sont nombreuses, perturbatrices et graves. Il y a eu séparation et ne pas l’admettre, ne pas pouvoir en parler, cause une scission à l’intérieur de la personne même et entraîne divers troubles psychologiques.

La DPJ exige des rapports de psychiatres (dont elle ne tient compte que lorsqu’ils lui sont favorables). Comment peut-elle donc ignorer toutes les études, les livres, les conférences des psychologues, psychanalystes, psychiatres qui détaillent l’importance du lien maternel et les conséquences des traumatismes lorsqu’il y a séparation ?

À travers l’Histoire, les femmes qui ne se pliaient pas aux critères qui permettaient de les contrôler se sont fait enlever leurs enfants grâce à toutes sortes de subterfuges. La mentalité influencée par la religion fournissait de solides prétextes. Maintenant, on veut se baser sur la loi. Des mères autonomes, mais pauvres et défavorisées, ont quand même à cœur de garder leurs enfants, mais elles vivent maintenant avec la menace que la DPJ s’en accapare. On leur inflige une forme de régime totalitaire.

Il faut des enfants pour les familles traditionnelles, les familles avec un père et une mère à l’aise financièrement. La famille monoparentale est considérée comme une famille déficiente, incomplète, inadéquate, dysfonctionnelle, une famille indigente, pitoyable, à problèmes, une famille hors normes. De ce genre de familles dont on ne veut plus dans un Québec patriarcal et néo-libéral.

Nous reculons. La mono-parentalité, à l’instar d’autrefois, est perçue comme une justification de discrimination. On peut l’invoquer pour arracher un enfant à sa mère. La pauvreté aussi est considérée comme une tare justifiant un enlèvement d’enfant par la DPJ. Et, à la Commission des Affaires sociales, on dépose des mémoires à la ministre Margaret F. Delisle lors de la consultation générale sur le projet de loi 125 qui veut légaliser ces pratiques et en augmenter le nombre.

Nous reculons. Même s’il est sorti de son utérus, l’enfant d’une mère risque toujours de lui être enlevé. C’est un danger réel, actuel et malheureusement croissant.

Auparavant, on s’emparait discrètement des enfants des femmes pour favoriser les familles conformes au jugement moral. Aujourd’hui, on vole légalement les enfants des femmes pour favoriser les familles conformes au modèle néo-libéral.

Enfanter est un des plus grands pouvoirs naturels, mais le pouvoir ne doit jamais revenir à une femme. Les procédures de la DPJ et le projet de loi 125 font comprendre aux femmes que ce n’est pas à elles de décider de ce qui les concerne et de ce qui concerne leurs enfants, ce sont des moyens de circonscrire leur maternité, un des aspects de leur sexualité. Les femmes ne peuvent avoir les enfants qu’elles ont mis au monde, c’est aux représentants d’un système patriarcal de décider celles qui méritent d’en avoir ainsi que celles qui méritent de les garder. Et celles qui sont approuvées en tant que mères ne sont guère celles qui remettent l’organisation de la société, le système politique ou la structure économique en question. Ainsi, les activités syndicales d’une mère ont été évaluées négativement par la DPJ. Aurait-on eu la même évaluation si le rapport avait concerné un père ?

C’est aux femmes pauvres et seules de sacrifier leurs enfants pour celles qui ont un mari et de l’argent. Nostalgiquement, elles pourront entonner une nouvelle comptine en mémoire de l’enfant disparu :

Avant, on voyait la cornette de la pudibonde religieuse et l’enfant disparaissait à jamais. Dorénavant, on voit le nez en l’air de la sociale travailleuse et l’enfant disparaît à jamais.

Trêve d’ironie. Nous reculons dans un Québec de plus en plus enflé de contradictions et de mépris envers les enfants. Deux juges viennent d’approuver le geste d’une employée de garderie, qui ne perd pas son emploi, qui a giflé un enfant si fort qu’il a été projeté sur le mur. Toujours dans notre rétrograde Québec, des juges retirent à une mère la garde de ses trois enfants parce qu’il pourrait y avoir des risques et confient au père la garde des enfants dont l’un a été à l’hôpital à cause de la violence prouvée de ce père. Pour la DPJ, un risque abstrait avec une mère est plus grave qu’un fait violent de la part d’un père. Pourtant, la DPJ prétend hypocritement baser ses décisions sur le bien-être des enfants.

De tous temps, les femmes ont été opprimées dans leur maternité, condamnées à perdre leurs bébés parce qu’on faisait d’elles une honte sordide pour leur famille, des putains sales dans la société, des pécheresses impardonnables aux yeux de l’Église. Des femmes ont été détruites à jamais parce que d’autres les avaient privées de leurs enfants. C’était dans l’ancien temps, on a fini d’être de ridicules et délétères puritains ; en effet, dans les temps qui viennent, on est de dangereux et puissants fonctionnaires et l’Histoire se répète.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 13 juin 2006.

Lucie Poirier


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