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L’élection d’André Boisclair : une élection complimentaire

16 août 2006

par Michèle Bourgon

À vaincre sans périls, on triomphe sans gloire.



Voilà ! C’est fait ! André Boisclair a été élu député de Pointe-aux-Trembles. Quelque 70% des suffrages, mais moins de 30% d’électeurs et électrices. Une mini-campagne électorale aisée. Ni le PLQ, ni l’ADQ n’a présenté de candidat. Entre un saut à la piscine, une margarita à parasol, un cornet de glace et deux épis de blé d’Inde, le chef du PQ a pu se la couler douce. Il n’en sera pas de même dès la rentrée parlementaire. Il aura à faire face à un Jean Charest féroce, déjà en mode électoral, qui montrera qu’il a lui aussi les dents longues.

Depuis quelque temps, les manoeuvres de Charest apparaissent comme des stratégies électorales habiles : d’abord, l’affaire de la France. Il acquiesce au fait que le Québec a les moyens d’être indépendant et il en REMET devant les médias français. Ici, tout de suite, on se gausse de cette erreur monumentale. Erreur ? Difficile à croire. Jean Charest a été élevé à la décharge électrique maximale quand on prononce les mots souveraineté ou indépendance. Il aurait soudainement, à cause de la fatigue, oublié le danger ? Allons donc ! Il peut ainsi remettre rapidement, sur le tapis, l’affreux spectre du référendum. Il force Boisclair à parler de référendum. Il rythme la cadence.

Ensuite, Ti-Jean marche sur les terres nouvellement défrichées du Dédé : il injecte 320 millions de dollars dans l’éducation post-secondaire. Un écran de glace sèche avant le spectacle. Les gens adorent.

Boisclair aura sans doute besoin de toute sa verve pour convaincre que le peuple s’est trompé, il y a quelques années, et qu’il a la force morale nécessaire pour conduire le Québec à sa souveraineté. L’affaire n’est pas dans le sac. Pourtant, comme il apparaissait facile, il y a quelque temps, à peine un an, d’écraser le Parti libéral qui a tant gaffé pendant les trois dernières années. Comment se fait-il qu’une élection assurée pour le PQ devienne soudainement moins certaine ? Qu’il y ait des doutes ? D’où cela peut-il venir ? Cela tient justement en partie à la personnalité du chef, à son passé et à sa quasi-absence sur la scène politique depuis novembre. Cela tient aussi à la façon cavalière qu’il a eue de vouloir tasser des gens importants. Le départ de Pauline Marois aura été une occasion de plus de voir comment on remercie les pilliers... Même Charest avait compris l’importance de cette femme.

Les électeurs et électrices auront donc l’occasion d’observer le comportement de M. Boisclair à l’Assemblée nationale. Et si besoin est, on ressortira probablement l’épisode de la consommation de cocaïne, soyez-en certains. J’ai peine à croire qu’un ministre ayant consommé de la cocaïne alors qu’il était élu par le peuple puisse un jour mener les Québécois-es à la Terre Promise. Mais bon...il a bien été élu chef du parti.

Benoît Bergeron, un membre du PQ, a fait campagne comme candidat indépendant contre son chef. Plusieurs personnes, dit-il, sont extrêmement déçues du leadership du nouveau chef. La course sauvage à la chefferie en novembre dernier a laissé des cicatrices qui ne sont toujours pas refermées pour certain-es, qui sont inguérissables pour d’autres. André Boisclair est porté ce soir sur un trône bien fragile. Tellement fragile que Jacques Parizeau monte au créneau (Lysette aussi, bien sûr, mais elle l’avait déjà fait pendant la course à la chefferie), mais Pauline Marois, elle, n’y sera pas. Vous avez vu Bernard ? Pas Louis ; Landry.

Toutefois, dans Taillon, Marie Malavoy remporte une belle victoire (45% du suffrage) et son discours relate l’importance qu’a eue Pauline Marois dans ce comté. Reconnaissance méritée. En faisant preuve d’humilité, Madame Malavoy s’en est trouvée grandie. Les électeurs et électrices l’ont trouvée digne de Lévesque et de Marois. Même si ce comté est un comté traditionnellement péquiste, Jean Charest devra analyser la défaite de la candidate libérale, Véronique Mercier. Les derniers « bons coups » du PLQ n’ont toujours pas fait oublier les mauvais.

Les Québécois-es se laisseront-ils convaincre de donner une autre chance au Parti libéral après une aussi mauvaise prestation ? Je ne gagerais pas mon âme là-dessus ; mais je ne la gagerai pas plus sur une victoire facile du Parti québécois... « Rien n’est acquis ». Effectivement.

André Boisclair va marcher sur une corde raide sur laquelle des œufs sont disposés en équilibre instable. On attendra beaucoup de lui en peu de temps. Il n’aura, cette fois-ci, pas droit à l’erreur. Le chef péquiste est coincé avec un programme de parti ultra-rigide qui commande un référendum dans les plus brefs délais après l’élection. Soyez convaincus que cela deviendra un argument solide pour l’équipe libérale et vous verrez à ce moment-là que le Québec aura pas mal moins les moyens de devenir indépendant.

Triste époque pour les nationalistes qui se croyaient si près du but et qui, maintenant, doutent seulement de l’atteindre un jour.

Le Parti Vert ? Belle performance. Le problème majeur, c’est qu’on a souvent l’impression que ses représentant-es ne défendent qu’un seul dossier : l’environnement. Vous direz que c’est important, voire même capital ; certes, mais il manque une vision plus globale ou du moins une meilleure communication du programme du parti.

Mais le grand perdant de ces élections partielles est certainement Québec Solidaire. Le parti est trop lent à prendre sa place sur l’échiquier politique. Il a intérêt à déployer d’immenses efforts. On peut être conscient-e de ce qu’est la naissance d’un parti, mais il semble que là, il faudrait une césarienne. Ça presse, le bébé manque d’oxygène.

L’ADQ ? Elle aussi manque d’air. Super Mario va devoir prendre des cours de réanimation cardio-respiratoire (RCR).

Il y aura des élections probablement d’ici un an. Pour qui les Québécois-es voteront-ils ? Bien malin celui qui peut le prédire. Il semble, à la lumière de la situation actuelle, que nous serons forcé-es de voter pour le moins pire, pas nécessairement pour le meilleur. Nous nous confierons aux runes, pas aux urnes. Triste perspective.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 15 août 2006

Michèle Bourgon


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