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Pourquoi tous contre une ?

22 août 2006

par Lucie Poirier

Pourquoi, en septembre 2005, après avoir insulté une victime de viol, Gilles Proulx a-t-il perdu ses emplois, la chaîne de télévision TQS s’est-elle dissociée de ses commentaires alors que Dan Philips a l’appui de son conseil d’administration et que la Ligue des Noirs ne présente pas d’excuses ?

Pourquoi dans tout le processus suivant un viol - policiers, médecins, avocats, juges, médias - persiste un consensus tacite pour mépriser, dénigrer, haïr la victime ?

Pourquoi l’aide à la victime est-elle encore et toujours déficiente et la compassion envers elle, inexistante ?

Pourquoi en plus de n’être pas prise au sérieux dans sa douleur est-elle même invalidée dans ses propos ?

Pourquoi les policiers l’ont-ils négligée ?

Pourquoi en plus d’être abandonnée de tous est-elle revictimisée à travers une vindicte contre tous les Blancs ?

Pourquoi les Noirs ne craignent-ils pas de perdre leur crédibilité ?

Pourquoi demandent-ils que l’on soit sensible à la misère des Noirs quand eux-mêmes se montrent si cruels envers celle d’une femme ?

Pourquoi, si la victime avait été une Noire et le groupe de violeurs des Blancs, le discours de Dan Philips aurait-il été différent ?

Pourquoi encore et toujours au Québec, malgré des réclamations féministes, en sommes-nous à prétendre qu’une femme violée est consentante ?

Pourquoi est-on si incapable de reconnaître des droits humains fondamentaux d’intégrité physique quand il s’agit d’appliquer ces droits aux femmes et, particulièrement, au sexe des femmes ?

Pourquoi quand ça concerne une femme le dérapage des commentaires véhéments est-il si rapide alors que les mêmes faits, concernant un homme, auraient entraîné des réactions différentes ?

Pourquoi est-il difficile d’imaginer les réactions si la victime est un homme violé par un groupe d’hommes ?

Pourquoi est-il impossible d’imaginer la situation si la victime est un homme violé par un groupe de femmes ?

Pourquoi encore et toujours est-ce que ce n’est pas clair que pour une personne, quels que soient son sexe, son âge, son origine, le lieu, le moment, les circonstances, un viol est un viol, un abus, une absence de consentement, une contrainte, une imposition, un déni de sensibilité, un acte de pouvoir, une violence infligée à cette personne infériorisée, vulnérabilisée, dominée, réduite à l’endurance parce que ce n’est pas elle qui décide, pas elle qui a le dernier mot, pas elle qui gagne, pas elle qui a le dessus ?

Pourquoi n’est-il pas admis que, même chez les personnes qui y survivent, un viol est à jamais une blessure irrémédiable ?

Pourquoi au lieu d’établir un réseau d’aide on récupère un fond de haine que l’on répand au détriment de la personne maltraitée ?

Pourquoi est-on capable d’aller au-delà des différences de races, de couleurs, d’ethnies quand il s’agit d’être tous d’accord pour diffamer une femme ?

Pourquoi en définitive, depuis le début et dans tous ses aspects, à travers les attitudes et les déclarations, la seule unanimité observable est : tous ont été misogynes ?

Pourquoi au-delà d’une tentative de conscientiser les méchants qui crachent leur fiel sur votre souffrance, qui vous réhumilient, vous discréditent, c’est à vous, la victime, celle dont le vécu est occulté, celle dont on se sert mais à qui on ne pense pas, c’est à vous, la blâmée sur la place publique, la responsable d’avoir été frappée et pénétrée avec une arme, la coupable d’avoir été mordue au sein, à vous qui prouvez qu’au Québec une femme violée qui porte plainte prolonge son calvaire, devient la cible des calomnies, s’expose à la réitération de son agression, c’est à vous que j’ai envie de m’adresser pour vous souhaiter d’être en contact avec des influences bienfaisantes, d’être entourée par des gens réconfortants, d’entretenir des pensées douces, pour vous souhaiter d’être bien et pour vous dire, vous, avec tout votre courage : je vous admire ?

Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 août 2006

Lucie Poirier


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