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Écoles hassidiques illégales - L’État doit être ferme

14 septembre 2006

par Yves Casgrain

Dans des reportages saisissants, la Société Radio-Canada a mis au jour l’existence d’« écoles » religieuses illégales, dont une est intégrée au sein des murs d’une institution scolaire d’enseignement primaire tout à fait légale.* Ces pseudo-institutions scolaires sont fréquentées par environ 800 jeunes entre 13 et 16 ans.

Selon Radio-Canada, les jeunes hassidiques qui fréquentent l’« école » Toldos Yakov n’apprennent presque rien d’autre que les lois de la Torah et le Talmud, livres religieux juifs. Pas de sciences, pures ou humaines. Pas de nouveaux cours d’histoire des religions. Exit le français. Exit l’anglais. Exeunt les cours optionnels. Pour expliquer cette situation, le directeur de l’école Toldos Yakov affirmait sereinement, comme s’il s’agissait là d’une vérité universelle, que la philosophie religieuse importe plus que tout le reste !

Ces « écoles » parallèles fonctionnent au su et au vu du gouvernement depuis plusieurs années. Étonnant ? Pas vraiment ! Les personnes qui suivent de près l’évolution des relations entre les religions, sectaires ou non, et l’État québécois savent à quel point les fonctionnaires et les élus sont incapables d’avoir une pensée logique en cette matière. Pourquoi ? Une des raisons de cette absence de cohérence réside sans aucun doute dans la peur. Peur du pouvoir politique de ces mouvements et des communautés qui les appuient. Peur de brimer leurs libertés accordées par la Charte québécoise des droits et libertés.

Peu de réactions

Certes, le gouvernement clame à qui veut bien l’entendre que cette situation est inacceptable et que tous doivent obéir à la Loi sur l’instruction publique, qui stipule à l’article 14 que tout enfant qui est résidant du Québec doit fréquenter une école jusqu’à l’âge de 16 ans. Pour que la communauté hassidique respecte cette loi, le gouvernement préfère le dialogue à la répression. Cette démarche a semble-t-il été à la base de l’ouverture d’écoles primaires privées ayant un permis délivré par le ministère de l’Éducation.

Cependant, le dialogue entre le gouvernement et les communautés hassidiques perdure depuis de très nombreuses années. Le gouvernement et la société doivent se montrer plus fermes devant cette volonté de sectarisme et d’isolement manifestée par certains groupes religieux.

À cet égard, il est symptomatique que très peu d’intervenants du monde de l’éducation, de sociologues, de religiologues et de syndicalistes se soient manifestés afin d’apporter leur contribution à la réflexion suscitée par l’existence de ces écoles parallèles. Dans une société qui se veut laïque et ouverte sur le monde, une telle situation aurait normalement dû susciter un torrent de réactions diverses.

Au lieu de cela, on se contente de suivre de loin les actualités en spectateurs, comme si le fait que près de 800 jeunes hassidiques de 13 à 17 ans ne reçoivent qu’un enseignement religieux n’était qu’un vulgaire fait divers. Il est dès lors facile de comprendre pourquoi les familles hassidiques et leurs leaders ne soient pas pressés de changer certaines de leurs coutumes qui sont en décalage complet par rapport aux exigences de notre société laïque et ouverte sur le monde.

Une vision de l’éducation

La position du directeur général de l’Association des écoles juives, Charley Lévy, illustre d’ailleurs très bien ce décalage. Le site Internet de Radio-Canada rapportait ainsi sa réaction dans ce dossier : « Est-ce qu’il y a éducation malgré tout ? Est-ce qu’il y a une éducation poussée et quand même de qualité ? Je crois qu’on devra convenir que oui. »

À l’évidence, M. Lévy possède une autre vision de l’éducation que celle du ministère de l’Éducation. En effet, sur son site Internet, ce dernier écrit : « L’école doit aider l’ensemble des jeunes à développer les habiletés qui leur permettront d’être des individus cultivés, des citoyens engagés, des travailleurs compétents, et ce, tout en continuant de leur donner accès aux savoirs des générations précédentes. »

Le refus des communautés hassidiques d’accorder à leurs adolescents la même éducation que celle reçue par ceux qui fréquentent les institutions scolaires québécoises prouve leur fermeture. Le fait que les jeunes adultes hassidiques éprouvent de la difficulté à se trouver un emploi (ils ne possèdent pas les exigences nécessaires) et qu’ils préfèrent travailler au sein d’entreprises juives, comme le révélait un sondage effectué en 1997 dans les communauté hassidiques, est une autre preuve que l’éducation dans ces « écoles » ne répond pas à ce que la société et le gouvernement demandent aux écoles reconnues.

Vie en parallèle

Dans toute cette affaire, d’une très grand importance, il ne faut pas perdre de vue un point fondamental : des écoles parallèles permettent à des microsociétés parallèles de survivre. Et c’est justement ces microsociétés qui font éclore des sentiments d’incompréhension, voire de haine.

Si notre société a le devoir sacré de respecter les différentes cultures qui forment la nation québécoise, ces mêmes cultures doivent à leur tour faire du respect des lois et des coutumes de la nation un devoir sacré. Pour y arriver, le gouvernement et la société québécoise doivent affirmer sur toutes les tribunes ce qui constitue pour eux des piliers que personne ne doit abattre sous peine de voir s’écrouler la culture québécoise. Ils doivent également se montrer intraitables devant les gens qui forment leurs enfants à devenir des citoyens d’une société parallèle !

Et le meilleur moyen de contrer les propagandistes sectaires est la création d’un État pleinement laïque et respectueux des différentes cultures, y compris religieuses. Bien que catholique et pratiquant, je crois fermement qu’il n’y a pas d’autres issues viables et démocratiques pour sauvegarder la paix mondiale, déjà fortement affaiblie par les visées antidémocratiques de sectaires qui n’hésitent pas à se servir de la violence pour arriver à leurs fins.

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M. Casgrain participe au congrès mondial « Les religions après le 11 septembre 2001 », qui se déroule au Palais des congrès de Montréal du 11 au 15 septembre 2006.

* L’auteur parle d’une situation touchant des écoles de Montréal.

Publié également dans Le Devoir, 13 septembre 2006. Merci à l’auteur de publier cet article sur Sisyphe.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 13 septembre 2006.

Yves Casgrain


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