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Le gouvernement Harper veut museler les groupes de femmes
10 octobre 2006
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Stephen Harper est un homme de droite, mais tous les gens de droite ne s’acharnent pas comme lui contre les droits de la personne. Stephen Harper s’est peut-être trompé de vocation. On l’aurait vu général dans l’armée davantage que Premier ministre du Canada. Il aurait pu servir sous les ordres de George W. Bush, son mentor.
Si l’on sait depuis longtemps que Stephen Harper n’est pas un militant des droits individuels et collectifs, on savait moins de quelle bassesse il était capable pour tenter de bâillonner ceux et celles qui se montrent critiques à l’endroit de son gouvernement. Cherchant à mettre au pas les groupes de défense des droits, il ne menace pas avec un fusil, le général Harper, il se sert des fonds publics et du pouvoir que lui a confié la population en l’élisant de justesse à la tête du pays.
Après avoir voulu museler la presse, dont il ne supporte pas la critique ; après avoir dégagé des milliards de dollars pour l’armée et l’engagement militaire du Canada en Afghanistan ; après avoir été le premier gouvernement à couper les vivres à la Palestine en imposant un odieux blocus économique aux Palestinien-es de la bande de Gaza et de Cisjordanie ; après avoir aboli le Programme de contestation judiciaire et imposé des coupures de l’ordre de 10 millions à l’Initiative canadienne sur le bénévolat, de 39 millions aux organismes de développement économique, de 18 millions aux programmes d’alphabétisation, de 55 millions aux Initiatives emploi-jeunesse, et j’en passe, le gouvernement Harper s’attaque maintenant aux groupes de femmes.
Tentative d’intimidation
Bassesse, c’est le mot qui convient pour désigner la tentative du gouvernement Harper de monnayer, en utilisant les fonds publics comme s’il disposait d’argent personnel, le silence des groupes de femmes, qui ne sont pas toujours tendres à l’endroit de ses politiques. Par la voix de la ministre Beverley Oda responsable à la Condition féminine (beau programme de la part d’une ministre à la Condition féminine !), ce gouvernement interdit aux groupes de femmes d’employer les subventions (d’ailleurs réduites) qu’ils reçoivent de l’État fédéral, à des "activités de défense des droits ou de lobbying". En clair, cela veut dire : « Tenez-vous tranquilles, taisez-vous, cessez de nous critiquer, ou nous vous couperons les fonds ! »
Dans les faits, que font ces groupes sinon défendre les droits des femmes et suppléer, par les services qu’ils offrent, aux lacunes et aux iniquités de l’État ? S’ils renoncent à des "activités de défense des droits", donc à leur vocation première, à quoi serviront les fonds que le gouvernement leur consentira ? Aussi bien se faire harakiri. À l’époque où nous vivons, les "activités de défense des droits" sont devenues une condition sine qua non de survie pour certains éléments de la société. Plus que jamais, il est nécessaire de protéger les plus vulnérables et les moins nanti-es des décisions arbitraires de personnages imbus d’eux-mêmes qui se font élire représentant-es de la population pour ensuite ne songer qu’à se maintenir au pouvoir et à servir les intérêts des puissances économiques et militaires nationales et internationales. Certain-es ont fait la douloureuse expérience qu’il faut même se protéger des comportements arbitraires de la Gendarmerie royale du Canada et du système judiciaire canadien !
Quand je parle de ces personnages imbus d’eux-mêmes qui, une fois élus, ne songent qu’à leur réélection, je pense autant au gouvernement Harper, minoritaire, qu’aux trois partis d’opposition qui le laissent agir à sa guise. Ces partis ne défendent pas plus que lui des principes et des droits fondamentaux, ou ils ne le font que lorsque cela leur semble rentable sur le plan politique, comme dans le cas des droits des personnes homosexuelles. Ils composent, tergiversent, calculent, pactisent. C’est à leurs intérêts qu’ils pensent d’abord lorsqu’ils laissent le gouvernement minoritaire de Stephen Harper saper les droits et les programmes sociaux alors qu’ils pourraient aisément le renvoyer devant l’électorat. Il faut dire qu’ils ont eux aussi des privilèges à préserver. Par exemple, ils puisent abondamment dans les fonds publics.
Au moment où le gouvernement Harper, qui dispose cette année d’un surplus de 13 milliards de dollars, soustrayait 5 millions au maigre budget de 13 millions de Condition féminine Canada et coupait dans plusieurs programmes à caractère social, demandant en plus aux groupes de femmes de renoncer à leur liberté d’action, à leur liberté d’expression et à leur raison d’être en retour de subventions, on apprenait que tous les partis politiques à Ottawa gaspillent l’argent des contribuables dans des frais de déplacement et de communication excessifs. On s’étonnera ensuite que les citoyennes et les citoyens se révoltent et critiquent vertement les femmes et les hommes politiques. L’estime et le respect se méritent, et très peu d’entre eux les méritent.
Les fonds publics n’appartiennent ni à Stephen Harper, ni à Beverley Oda, ni aux partis d’opposition. Ils appartiennent à la population au sein de laquelle les femmes sont majoritaires, mais souvent traitées comme une minorité, et les groupes qui les défendent ont le droit d’avoir leur part de revenus sans qu’on brandisse au-dessus d’eux une épée de Damoclès. Stephen Harper tente de réprimer les groupes qui défendent les droits et les libertés en les menaçant de les appauvrir. C’est rien de moins qu’une odieuse tentative d’extorsion et d’intimidation. Le gouvernement Harper a-t-il le droit de se livrer au chantage ou à l’intimidation en se servant des fonds publics ? Cette question devrait être examinée à la lumière de la Charte canadienne des droits et libertés.
Comme une mauvaise nouvelle ne vient jamais seule, des rumeurs veulent que le gouvernement Harper songe à présenter une loi pour protéger les droits des religions - comme si les droits des religions étaient menacés au Canada ! - s’il ne réussit pas à rouvrir le débat sur le mariage des personnes de même sexe. Le premier ministre a démenti ces rumeurs, mais il n’y a pas de fumée sans feu. Minoritaire, il ne réussirait sans doute pas à faire adopter cette loi, à moins que les partis d’opposition continuent de se comporter comme s’ils étaient ses valets et pensent davantage à préparer leurs futurs voyages qu’à défendre les intérêts de la population qu’ils sont censés représenter.
Avis au député de la circonscription où je vis. Économisez le papier sur lequel vous m’écrivez, l’argent des contribuables ainsi que le temps de votre personnel. Écrivez plutôt à votre chef, Gilles Duceppe, pour lui demander de faire un homme de lui en s’opposant sans équivoque à l’entreprise de démolition du gouvernement Harper. Exigez de votre parti et des autres partis d’opposition qu’ils défendent la liberté de militer pour les droits, quels qu’ils soient, de dénoncer la guerre ainsi que les dirigeant-es politiques réactionnaires et sans vision. Ce n’est pas seulement le droit de militer pour les droits qui est en cause lorsque Stephen Harper essaie de contraindre les groupes de femmes à monnayer leur raison d’être, leurs principes et leur droit d’expression, c’est aussi le droit de penser et d’agir librement en tant que citoyennes responsables. Des droits fondamentaux sont menacés. Si vous laissez faire ce gouvernement qui dépend de vous pour se maintenir au pouvoir, vous vous en faites le complice. Envoyez le général Harper réfléchir au Liban, en Palestine, en Afghanistan, là où vous voudrez, mais débarrassez-nous-en.
P.S. Si quelque membre du personnel du bureau de M. Harper ou de celui de Mme Oda passe par ici, inutile de chercher Sisyphe sur les listes du gouvernement. Ce site n’est subventionné par aucun gouvernement ni groupe.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 5 octobre 2006
P.S.
Lire aussi :
– La ministre à la Condition féminine du Canada interdit aux groupes de femmes de défendre... les droits des femmes.
– Pétition : non aux coupures !
Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2412 -