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Réflexions "scientifiques" du haut du Mont Grey Lock

30 novembre 2006

par Michèle Bourgon

Chouchou est un scientifique. Hélas, il a toujours des théories pour expliquer certains de ses comportements qui me hérissent au plus haut point. Le dernier de ses maîtres ? Steven Pinker, professeur et chercheur au département de psychologie de l’université Harvard, et auteur de nombreux ouvrages primés dont How the Mind Works (traduit aux Éditions Odile Jacob : Comment fonctionne l’esprit, 2000 (livre, par ailleurs, plus qu’intéressant) et The Blank Slate.

Nous cheminions depuis une heure et demie pour trouver le chemin du fameux Mont Greylock* au Massachusetts. Chouchou, les yeux baissés sur ses cartes, analysait gravement la situation. Pour la dixième fois, nous venions de passer devant la même station-service. Je décidai d’arrêter et d’envoyer Chouchou s’enquérir du chemin à suivre.

Nan ! Je n’avais qu’à y aller moi-même !!! Les hommes ne demandent pas leur chemin. Peut-être était-ce le complexe du Petit Poucet ? Baragouinant misérablement l’anglais, j’ai, dans un sourire crispé par la colère, aimablement demandé des informations sur l’itinéraire à suivre, à un charmant pompiste qui s’est fait un plaisir de m’expliquer la route pour atteindre le sommet. Devant la facilité de l’expédition, Chouchou décida que le Mont Grey Lock ne l’intéressait plus. Cinq minutes plus tard, nous admirions de haut la station-service. Observant un silence sépulcral devant l’immensité et la beauté de la nature, Chouchou m’expliqua son attitude. Pinker, paraît-il, aurait ainsi analysé la situation : les hommes chasseurs-cueilleurs étaient constamment en danger. Ils ne pouvaient faire confiance à personne, donc ils ne pouvaient pas s’arrêter pour demander de l’information à une station-service. Leur vie et celle de leur clan en dépendaient. Oui, monsieur ! Et v’lan dans les dents. Voilà pourquoi tous les Chouchous du monde détestent demander leur chemin. Ça vous en bouche un coin, hein

Vous voulez savoir pourquoi les hommes sont plus volages que les femmes ? Pardonnez-leur immédiatement. Ces pulsions ne dépendent pas d’eux, elles sont génétiquement inscrites dans leur patrimoine mondial. Comme l’espérance de vie des chasseurs-cueilleurs était courte, les hommes se devaient de répandre le plus possible leurs gènes et de le faire souvent avec des femmes différentes. Les gènes, pas fous, se donnent ainsi plus de possibilités de propagation. Toute structure a pour finalité le maintien de sa propre structure (Henri Laborit, une autre des icônes chouchouesques). Que voulez-vous, comme dirait l’autre. Que répondre devant une telle évidence ?

Pourquoi les femmes sont-elles coquettes ? Pour attirer un homme pour faire des enfants. Les femmes aiment les hommes grands et forts parce qu’ils ont plus de chance de les protéger et de protéger leurs enfants. Elles aiment aussi les hommes riches ou au statut social élevé pour les mêmes raisons. L’homme, lui, aime plutôt la femme très jeune. Elle flatte son orgueil bien sûr, mais elle est la preuve qu’il peut encore se reproduire et que son sexe est vigoureux. Très important aux yeux des autres hommes... Viagra nous en donne d’ailleurs la preuve indiscutable.

Lord Chesterfield, écrivain et pas scientifique pour deux sous, souligne à propos du sexe que le plaisir est momentané, la position ridicule et le coût épouvantable. Serait pas content, le Lord, de savoir combien d’enfants ont été conçus sur l’objet qui porte son nom en anglais !

Le chimpanzé a d’énormes testicules pour la taille de son corps. Pourquoi ? Je vous le donne en mille. Sa femelle a de multiples partenaires, donc la qualité de son sperme est très importante pour sa reproduction. Ceux du gorille sont tout petits par rapport à lui. Les femelles de son harem n’ont pas de chance de s’accoupler avec d’autres mâles parce que le gorille en chef fait peur aux autres. Gare au gorille ! comme chantait Brassens. Les testicules des hommes se situent quelque part entre ceux du gorille et du chimpanzé. Désolée, messieurs, du traumatisme que je vous cause. Ce n’est pas de moi, c’est de Chouchou et de Pinker ou d’un autre scientifique.

Dans Manhattan, film de Woody Allen, Diane Keaton dit : « Je pense que les gens devraient s’accoupler pour la vie, comme les pigeons et les catholiques. » Les ornithologues ont depuis pratiqué des tests d’ADN qui révèlent, ô horreur ! que les pigeons ne sont pas fidèles eux non plus. Restent les catholiques...

Nous avons déménagé récemment. Chouchou devait venir chercher les meubles avec un camion de location et parcourir une distance de cent cinquante kilomètres. Moi, j’étais déjà sur place et j’attendais qu’il arrive. Le temps passait. Point de Chouchou. Je l’imaginais dans le champ, blessé, pris sous le camion, le dernier râle râlé. Hé non. Chouchou, effectivement nerveux de conduire un tel mastodonte, s’était réveillé à cinq heures du matin. « Tiens, se dit-il, je suis nerveux. Je vais me rendormir et la nervosité va disparaître. » Et c’est ainsi que la nervosité de Chouchou l’a fait dormir longtemps, longtemps, longtemps. Il arriva finalement en pleine forme, à ... midi (il était attendu à dix heures). Mère Michèle, en larmes, était consolée par deux bons anges apparus miraculeusement. Merci Huguette et Gaëtan.

Je n’ai pas encore appris pourquoi les hommes, quand ils sont très nerveux, dorment sur leurs deux ou trois oreilles, mais je suis certaine que Pinker nous expliquera cela bientôt.

Voyez toutes les possibilités du sage du Mont Greylock. Peut-être que l’esprit de Mèche blanche* s’y promène toujours. Vous voulez l’itinéraire ?

* « Wawanoloath était un guerrier abénakis qui n’a jamais perdu une bataille et qui était respecté même par ses ennemis les Français et les Anglais. D’ailleurs, ils l’avaient surnommé “Mèche Blanche”, en anglais “Grey Lock”, et dans le New Hampshire une montagne porte son nom “Le mont Grey Lock”. » Tiré de ce site.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 27 novembre 2006

Michèle Bourgon


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