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La prostitution, une forme de violence et non une activité commerciale
Rapport minoritaire des Conservateurs membres du Sous-comité d’examen des lois sur le racolage

13 décembre 2006

Sisyphe présente quelques extraits des recommandations du rapport du Sous-comité de l’examen des lois sur le racolage déposé à la Chambre des Communes, le 13 décembre 2006. Le rapport s’intitule Le défi du changement : étude des lois pénales en matière de prostitution au Canada. Le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile avait confié au sous-comité le mandat d’« examiner les lois sur le racolage dans le but d’améliorer la sécurité des travailleuses et travailleurs du sexe et de la collectivité dans son ensemble, et de soumettre des recommandations visant à réduire l’exploitation et la violence dont les travailleuses et travailleurs du sexe sont souvent victimes ».



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La position minoritaire des représentants du Parti conservateur au sous-comité

« Comme bon nombre de témoins qui ont comparu devant le Sous-comité, les membres du Parti conservateur considèrent que la prostitution est une activité dégradante, déshumanisante, souvent contrôlée par des individus manipulateurs et opportunistes, qui s’en prennent à des victimes souvent incapables de se prémunir contre les sévices et l’exploitation. Ils estiment que la façon la plus réaliste, la plus compatissante et la plus responsable d’aborder la prostitution est de commencer par voir la plupart des personnes prostituées comme des victimes.

Remise en question de la notion de consentement et du caractère inoffensif de la prostitution

Contrairement aux autres partis, les conservateurs ne croient pas qu’il est possible pour l’État de créer des conditions d’isolement où le consentement à des relations sexuelles en échange d’argent ne nuit pas à d’autres. Ils sont d’avis que la prostitution sous toutes ses formes a un coût social et que tout effort de l’État pour la décriminaliser appauvrira les Canadiens et les Canadiennes - les Canadiennes en particulier - en donnant aux hommes l’impression qu’il est acceptable de considérer le corps de la femme comme une marchandise et d’en faire une exploitation intrusive. Selon les membres conservateurs, c’est une approche qui viole la dignité des femmes et mine les efforts déployés pour construire une société dont tous les membres, quel que soit leur sexe, jouissent du même niveau de respect. De plus, comme les difficultés sociales et économiques propres aux femmes sont souvent ce qui les entraîne dans la prostitution, les conservateurs se demandent dans quelle mesure le « consentement » est vraiment donné par choix, et non par nécessité.

Les membres conservateurs pensent aussi qu’en raison des éléments négatifs qu’elle attire, la prostitution est inacceptable en n’importe quel lieu, commercial, industriel ou résidentiel, y compris les salons de massage et les maisons privées. Selon eux, il serait contraire à l’éthique pour un gouvernement d’avilir ou de mettre en danger un quartier en permettant une plus grande circulation de prostituées, de clients et de proxénètes et, par conséquent, en exposant les résidants à des niveaux élevés de harcèlement, de leurre et de consommation de drogue.

L’approche conservatrice

Les membres conservateurs conviennent que le statu quo dans l’application des lois est inacceptable, mais que la décriminalisation n’est pas la solution. Ils citent l’exemple de la Suède, qui a décriminalisé la prostitution dans les années 1960, puis l’a criminalisée à nouveau en 1999 après avoir conclu que la décriminalisation avait en fait aggravé les problèmes qu’elle espérait résoudre. Les conservateurs sont aussi très préoccupés par l’expérience d’autres pays qui démontre un lien entre la décriminalisation et l’accroissement de la prostitution adulte et juvénile ainsi qu’avec un contrôle accru du crime organisé sur la prostitution.

Par conséquent, ils demandent des réformes juridiques et sociales qui permettraient de réduire la prostitution sous toutes ses formes grâce à des sanctions criminelles qui ciblent clairement les exploiteurs (les clients et les proxénètes) et rendent les personnes qui se livrent à la prostitution - les victimes - plus à même de quitter le milieu. Ils proposent une nouvelle approche de la justice criminelle, en vertu de laquelle les auteurs d’un crime financeraient, par de lourdes amendes, la réadaptation et le soutien de leurs victimes. Ces amendes serviraient aussi d’importante mesure dissuasive. Quant aux personnes prostituées, les conservateurs recommandent un système qui aide celles qui en sont à leur première infraction et celles qui ont été forcées d’adopter ce mode de vie à s’en sortir et leur évite un casier judiciaire. Toutefois, les personnes qui, de leur plein gré, cherchent à tirer profit du « commerce » de la prostitution seraient tenues responsables de la victimisation qui résulte de la prostitution dans son ensemble. Pour s’attaquer au problème du commerce sexuel à deux paliers, ces membres estiment que la loi doit s’appliquer de la même manière à toutes les formes de prostitution (pratiquée dans la rue ainsi que dans les services d’escortes, les salons de massage, les maisons closes et ailleurs).

Les conservateurs rejettent toute velléité de présenter les dispositions du Code criminel figurant à l’annexe D comme une protection suffisante pour les personnes prostituées ou pour la collectivité. Ils sont d’avis qu’une telle tentative découle d’une volonté de décriminalisation qui éliminera les outils nécessaires pour protéger les collectivités contre la prostitution, et les personnes prostituées contre l’exploitation et l’abus. Tout en reconnaissant que les lois sur le racolage pourraient être améliorées, ils estiment que la marginalisation n’est pas le produit des lois, mais est plutôt le résultat des efforts déployés pour les contourner. Ces efforts témoignent d’ailleurs de la nécessité d’intervenir.

Les conservateurs sont d’avis que la prostitution comporte un important volet santé publique, mais ne peuvent appuyer la recommandation 7 formulée par la majorité, dans la mesure où elle permet aux personnes prostituées de conserver un mode de vie dangereux et dégradant. Le Parti conservateur réclame l’établissement de vastes stratégies et programmes d’éducation qui visent à réduire toutes les formes de prostitution et à encourager toutes les personnes prostituées à participer à des programmes d’abandon. » (Extrait du rapport, p. 104)

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Le sous-comité s’est prononcé unanimement :

  contre l’exploitation sexuelle commerciale des mineur-es,
  contre la traite des personnes,
  contre le statu quo sur les lois concernant la prostitution, celles-ci ne pénalisant en réalité que les personnes prostituées,
  pour l’adoption de lois et de programmes visant à prévenir la prostitution et à venir en aide aux personnes qui veulent s’en sortir,
  pour le financement de recherches notamment sur le crime organisé, le trafic de la drogue et la traite des personnes aux fins de prostitution,
  pour que le ministère de la Justice coordonne la réalisation d’une étude sur la prostitution qui engloberait l’examen des pratiques exemplaires adoptées au Canada et à l’étranger.

Les représentant-es du Parti Libéral, du Nouveau Parti démocratique et du Bloc Québécois croient que :

  La prostitution relève avant tout d’un programme de santé publique, pas seulement d’un problème de droit criminel, et propose une approche pragmatique qui reconnaît l’importance de la prévention, de l’éducation, du traitement des toxicomanies et des mesures de réductions des préjudices (éducation sexuelle, distribution de condoms, listes de clients violents, etc.).
  L’approche du Canada à l’égard de la prostitution est contradictoire, c’est-à-dire que la prostitution adulte est légale en soi, mais pratiquement impossible à pratiquer sans enfreindre la loi, et qu’il faut modifier les lois sur la prostitution afin de faire porter les sanctions criminelles sur les situations de préjudices.
  Les activités sexuelles entre adultes consentants qui ne nuisent pas à autrui, qu’il y ait échange d’argent ou non, ne devraient pas être interdites par l’État et on devrait pouvoir s’en remettre aux dispositions d’application générale du Code criminel visant diverses formes d’exploitation et de nuisance, comme le fait de troubler l’ordre public, d’exposer des choses indécentes, la coercition, l’agression sexuelle, la traite des personnes, l’extorsion, l’enlèvement, etc.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 décembre 2006.




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