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LE VIOL ou La vengeance au bout du phallus !...
Témoignage

10 janvier 2007

par Lilith

Il a été mon amant pendant dix-huit mois. Pour lui, j’ai abandonné un autre homme qui m’aimait profondément. Passade de jeunesse ? Envie de changement ? Découverte de celui qui, pour de multiples raisons, vous fait oublier le passé ?

Il est marié... Je l’ai appris il y a quelques jours. En bonne féministe attachée à des principes, j’ai immédiatement rompu notre relation. Mais je veux une explication claire : je désire impérativement comprendre pourquoi ce mensonge ? Pourquoi m’avoir caché la vérité ? Pourquoi m’avoir trompée si longtemps ? Comment est-il possible que deux personnes soient si proches et si éloignées à la fois, de par ces non-dits qui les excluent l’une de l’autre, imperceptiblement, mais inéluctablement ?

Telle est, encore, ma naïveté de femme de la quarantaine éprise de pureté idéologique.

Sur son invitation (son épouse est en vacances), j’arrive vers dix-huit heures, à son domicile, dans le but d’obtenir une réponse exhaustive à mes questionnements. C’est la première fois que je viens chez lui.

Il prépare un repas frugal. Nous énonçons des banalités. Et je pose la question qui me tient à coeur : « Pourquoi m’as-tu menti ? » Il est primordial, pour moi, de connaître la ou les raisons qui m’ont transformée involontairement en maîtresse d’un homme marié et père de famille. « Si tu avais su que j’étais marié, tu aurais refusé de sortir avec moi. » Je ne peux cacher mon scepticisme et ma déception devant cette réponse que je juge aussi insignifiante qu’insuffisante.

Mes interrogations répétées et mon insistance ont pour effet de l’énerver. C’est, sans doute aussi, la traduction de sa perplexité de « pseudo-intellectuel » peu apte à une réflexion poussée ou prolongée. (À l’époque, j’ignorais encore que ses C.V. étaient falsifiés et que j’avais eu droit, comme mes ami-e-s, à des mises en scène pour donner le change). Devant la montée en puissance de son agressivité, et celle, concomitante, de mes angoisses, je prends soin de cacher un couteau qui traîne sur la table, de peur qu’il ne s’en serve contre moi.

Petit à petit, il devient furieux, me menace puis commence à me molester. Je suis paniquée, le repousse et tente d’appeler la police. Il arrache alors le fil du téléphone. Puis, il claque la porte et m’enferme à double tour dans l’appartement. « Je vais appeler du secours par la fenêtre », me dis-je. Ce à quoi il pense probablement, car il revient, peu de temps après, et propose de poursuivre cette discussion chez son beau-frère avec qui il a rendez-vous à Paris.

Mon envie, toujours très prégnante, de trouver une justification valable à son comportement ultérieur, ce besoin viscéral d’obtenir une vérité, qui puisse apaiser ma conscience et me rassurer quant à mon manque de discernement à son égard, s’ajoute à la stupeur qui a été la mienne devant sa violence soudaine et à une appréhension diffuse.

Déstabilisée, par ce qui vient de se passer, je souhaite, intensément, que tout cela se termine au plus vite et j’accepte sa suggestion qui me permet, dans l’immédiat, de sortir de son appartement.

Sous la pluie, je conduis ma voiture une heure et demie durant dans les embouteillages de la banlieue et de Paris, aux heures de pointe, les yeux embués de larmes et le cerveau brouillé par les événements récents et par la découverte de cette violence masculine, qui n’est plus seulement l’affaire des femmes dont je m’occupe, mais qui devient la mienne, maintenant.

Au studio, où le beau-frère est, miraculeusement, absent, mon ancien amant semble se calmer devant ma détresse. En bonne intellectuelle que je suis, pour laquelle les mots ont une valeur propre et bien déterminée, j’ai besoin, avant de quitter définitivement cet homme et en dépit de l’angoisse sourde qui m’étreint, de recevoir une réponse digne de ce nom. Une réponse autre qu’une excuse alambiquée, évanescente, tortueuse, autre qu’un faux-semblant ou qu’un autre mensonge, pour expliquer les précédents. C’est le combat de mon intellect contre le sien et là, j’espère gagner malgré ma fatigue intense, mais il repositionne alors le débat sur un tout autre plan, dont l’issue m’échappe sur le moment.

Il me propose, gentiment, de venir m’asseoir près de lui pour discuter, après m’être déshabillée... « Pourquoi veux-tu que je me déshabille ? », dis-je, stupéfaite et totalement désorientée par la tournure que prennent les évènements. Devant mon refus d’obtempérer, il réitère doucement sa demande et insiste sur cette condition pour me donner une explication complète.

A posteriori, je me pose la question : qu’espérais-je entendre de nouveau ? Mais sur le moment, compte tenu de l’état d’épuisement physique et psychique dans lequel je me trouve et désireuse d’en finir, arriver si près du but m’incite à accepter ce qui me paraît, somme toute anodin, puisque nous étions amants, il y a quelques jours encore. Et puis, je l’aime et je lui fais confiance, malgré sa violence récente qui m’incite pourtant à accélérer mon départ de toutes les manières possibles. Adhérer à sa proposition est une façon, me semble-t-il, d’en terminer au plus vite.

Il est environ vingt-trois heures. Je quitte mes chaussures et mon jean, et je m’assois non loin de lui. Il répète les mots qu’il a déjà prononcés : « Je ne voulais pas te perdre, c’est pour ça que je ne t’ai pas dit la vérité, parce que je connaissais tes idées. » Je ne suis pas plus avancée, mais véritablement dépitée d’avoir, une fois de plus, été flouée par cet antillais à la rhétorique mensongère. (Mes ami-e-s et moi apprendrons plus tard qu’il serait « mythomane ». Vrai ou faux ?)

Mais je n’ai pas vraiment le temps de réfléchir à ma situation, car tout s’enchaîne très vite : il se jette brutalement sur moi, me renverse sur le lit et essaye de me violer. Je le supplie d’arrêter ; je me débats et tente d’empêcher la pénétration ; je le griffe. Rien ne l’émeut ! Rien ne l’arrête ! Je suis alors sacrifiée sur l’autel de SA VÉRITÉ.

Devant l’aspect irréel, car trop cruel, de ce qui se passe, j’ai l’impression de vivre un cauchemar. Mon corps hurle de douleurs. Mon esprit s’affole. Je suis broyée par ce qui m’arrive ! Je vis dans ma chair meurtrie ces moments horribles, tout en entendant mon cerveau marteler ces mots : « Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas possible ! »

Mais la réalité s’impose à moi quand il me dit ouvertement, en me regardant benoîtement enfiler mon jean, quelques instants plus tard : « Il y a longtemps que j’avais envie de te violer pour venger les femmes noires violées par les hommes blancs ! ». Je suis anéantie, vidée, nauséeuse, hoquetant d’incompréhension, de dégoût, de honte, de désespoir, de rage, de haine et de peur, devant cet être qui a violé mon intimité, bafoué ma dignité, qui m’a souillée et qui s’en explique tranquillement. Ce n’est pas cette explication-là que j’étais venue chercher ce soir !

Je titube vers la porte pour fuir, profondément traumatisée, choquée, par ce que je viens de vivre. Il me conseille d’attendre avant de prendre la route, sans doute pour ne pas avoir sur la conscience l’accident qui risque de se produire après ce qu’il m’a fait endurer. Je quitte ce studio dont je cherche, depuis, à oublier jusqu’à l’emplacement exact.

J’emprunte le périphérique dans le brouillard le plus total à cause des larmes qui ruissellent sur mon visage, obstruant ma vue et mon discernement. Je roule dans un état « semi comateux ». Comment suis-je arrivée chez moi restera un mystère. Ma voiture m’a ramenée au bercail ! Il faut croire que ma dernière heure n’était pas inscrite sur le calendrier de cette journée. Toujours est-il, que je parviens à mon domicile, vers deux heures du matin, extérieurement intacte mais intérieurement brisée.

Je me précipite sous la douche que je fais couler à grands flots pour me laver, dans le but d’ôter la souillure qui s’est introduite au plus profond de mon corps et d’extirper les stigmates de cette violence imposée à ma chair. Mes larmes coulent autant que l’eau qui me recouvre et qui me cache. Je reste longtemps... longtemps... sous cette eau protectrice et purificatrice, déchirée par les sentiments d’incompréhension, de rage et d’impuissance devant l’horreur de ce que je viens de subir.

Je voudrais mourir !

Me venger ne me vient pas à l’esprit, à ce moment. Plus tard, je renoncerai à poursuivre cet homme en justice faute de preuves officielles.* Grâce à mon silence, il évitera les sanctions, la prison et l’opprobre ! Ni sa femme, ni ses enfants ne seront mis au courant de son crime, parce que son CRIME** de VIOL avec PRÉMÉDITATION est resté IMPUNI !

Il a agi sciemment. Il ne s’agissait pas d’une « pulsion imprévisible et incontrôlable », ce fallacieux prétexte invoqué par le sexe masculin pour satisfaire, à peu de frais, ses envies de domination et d’exploitation du corps des femmes. C’était la vengeance gratuite et facile du descendant d’esclaves noirs via la femme blanche que je suis et qui, pour lui, représente la femme du colonisateur. Ça a été le point d’orgue de la guerre fratricide que se font les hommes sur toute la planète, par femmes interposées. MON CORPS DE BLANCHE A SUBI LE VIOL COMME une ARME DE GUERRE, tel un COÏT VENGEUR !

Cela ne constitue en rien une excuse pour l’acte barbare que cet homme a commis, ni pour les horribles souffrances qu’il m’a infligées.

Notes

* Il est extrêmement difficile, dans des moments aussi douloureux, d’avoir présent à l’esprit :
• qu’il ne faut jamais se laver après un viol ;
• qu’il faut consulter rapidement un médecin qui rédigera immédiatement un constat, après recherche de sperme et de traces de lutte ;
• puis effectuera des prises de sang échelonnées, pour dépister une éventuelle infection par le VIH-Sida.
Ceci permettra d’engager une procédure avec de meilleures chances de succès.
** En 1980, le viol a été reconnu comme un CRIME, en Droit Français.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 2 janvier 2007

Lilith


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