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Accommodements pour obligations religieuses - Pour qui ? Pourquoi ?

6 juillet 2007

par Diane Guilbault, collaboratrice de Sisyphe

Récemment, Le Devoir publiait une lettre ouverte (11/12/06) sur les accommodements raisonnables que devrait consentir la société québécoise pour faciliter le respect des obligations religieuses.

L’auteur, Pierre Anctil, reproche aux opposant-es à ces accommodements d’être des xénophobes qui s’ignorent, faisant valoir, à juste titre, que ce ne sont pas seulement des néo-Québécois-es qui demandent de tels accommodements, mais également des gens nés et élevés au Québec. Cependant, il oublie de mentionner que c’est principalement, sinon essentiellement, au nom de l’intégration des immigrant-es, que les défenseurs des accommodements prônent les arrangements pour obligations religieuses. Et lui-même appuie, paradoxalement, son argumentation en faveur de tels accommodements, sur le fait qu’il faut faciliter l’intégration des néo-Québécois-es, car il s’agit, écrit-il, « pour ces communautés de consentir à aller à la rencontre de la laïcité et de la modernité, sans renier les valeurs propres à leur foi, (...) cela signifie d’accepter la rupture de la pratique religieuse entre le domaine public et le domaine privé et (...) de s’adapter à la diversité des opinions. »

Ces points mettent, très bien, en relief les conflits de valeur qui sont en cause. En effet, dans les faits, ces demandes d’accommodements, galvanisées par la montée des intégrismes religieux dans le monde, traduisent un désir de redonner « droit de cité » au religieux dans l’espace public, un refus en quelque sorte des choix qui ont été faits au Québec depuis 50 ans. Lorsque les deux systèmes de valeurs entrent en conflit, faut-il faire primer les règles religieuses sur celles qui ont été, démocratiquement, choisies par la société ?

On sait qu’il existe encore des personnes qui refusent l’égalité entre les hommes et les femmes ou qui refusent que le respect des obligations religieuses soit réservé à la sphère privée. Parmi ces gens, il y en a qui sont nés au Québec, d’autres pas. Mais alors, si c’est au nom de l’intégration que l’on fait ces accommodements, quelle en est la raison lorsque le ou la demandeur-e est une personne née au Québec ? La réponse devrait-elle varier en fonction du lieu d’origine des citoyen-nes ? Poser la question, c’est y répondre.

Une société qui veut intégrer ses nouveaux arrivants doit être capable d’affirmer, haut et fort, quelles sont ses valeurs, si elle souhaite réellement qu’ils y adhèrent un jour. La société québécoise a travaillé très fort et très démocratiquement pour en arriver à laïciser ses institutions publiques. Rappelons notamment tout le travail qu’il a fallu faire pour en arriver à l’abrogation de l’article 93 de la Constitution canadienne qui protégeait les droits des catholiques et des protestants dans le système scolaire. Le Québec ne devrait pas avoir honte de ces choix qui ont été faits au nom du bien commun et devrait réitérer que les règles religieuses appartiennent, ici, à la sphère privée. De la même façon, les institutions publiques ont un devoir de favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est une valeur québécoise tout aussi importante que le français langue commune. Il ne devrait pas y avoir de négociation possible sur ce point.

Et si l’intégration des nouvelles et nouveaux arrivant-es est la seule raison valable qu’il reste en faveur des accommodements pour obligations religieuses, il est plus que temps d’évaluer si vraiment cela a facilité l’intégration des personnes immigrantes ou, au contraire, si en favorisant la multiplication des signes distinctifs dans l’espace public et en exacerbant ainsi les différences, on ne les a pas plutôt marginalisées...

Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 janvier 2007

Diane Guilbault, collaboratrice de Sisyphe


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