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Les promesses brisées de Stephen Harper

27 janvier 2007

par Andrée Côté

Il y a un an jour pour jour, le 18 janvier 2006, Stephen Harper déclarait, en campagne électorale : « Oui, je m’engage à soutenir les droits humains des femmes et je conviens que le Canada doit en faire plus pour respecter ses obligations internationales en matière d’égalité des femmes. Si je suis élu, je prendrai des mesures concrètes et immédiates, tel que recommandé par les Nations Unies, pour m’assurer que le Canada respecte entièrement ses engagements envers les femmes au Canada. » (Traduction.)

Le 23 janvier, son parti remportait les élections fédérales. Quoique minoritaire, le gouvernement Harper s’est empressé de mettre en oeuvre une série de politiques qui envoient un message non équivoque : l’égalité des femmes et la promotion de leurs droits humains sont le dernier souci de ce gouvernement.

Aboli, coupé, modifié

Malgré le fait que 65 % des femmes ayant de jeunes enfants travaillent en plus de s’occuper de leurs responsabilités familiales, le gouvernement Harper a aboli le nouveau programme pancanadien de financement des services de garde au printemps 2006. Il a remplacé ce programme par une allocation taxable de 100 $ par mois par enfant de moins de six ans. Si, au Québec, une telle somme peut aider les parents à payer les services de garderie à 7 $ par jour, en Ontario, ce montant ne couvre même pas les frais pour deux jours par mois en garderie.

En septembre 2006, le gouvernement Harper a annoncé qu’il ne retiendrait pas les recommandations du Groupe de travail sur l’équité salariale et n’adopterait pas une loi fédérale sur l’équité salariale. Pourtant, après plus de trois ans de recherche et de consultations, ce groupe de travail avait constaté que le régime prévu par la loi canadienne sur les droits de la personne est un lamentable échec et qu’une révision en profondeur s’imposait afin de mieux protéger les travailleuses des postes, des télécommunications, des banques et des autres entreprises relevant des compétences fédérales. Il a recommandé l’adoption d’une loi fédérale semblable à celle qui existe au Québec. [...]

En septembre 2006, le gouvernement Harper a aboli le financement du Programme de contestation judiciaire (PCJ), un programme qui a financé d’importantes causes-types portant sur les droits à l’égalité ou les droits linguistiques. [...] Sans l’appui financier du PCJ, les groupes de femmes n’auront plus les moyens d’intervenir pour contester des lois et des politiques discriminatoires ou plaider en faveur d’interprétations égalitaires du droit.

C’est aussi en septembre dernier que le gouvernement a coupé de cinq millions le budget de 13 millions de Condition féminine Canada, limitant ainsi sa capacité de faire de la recherche sur la réforme des politiques et de s’assurer que les différents ministères effectuent une « analyse comparative selon les sexes » avant d’adopter toute loi ou politique qui pourrait avoir un impact discriminatoire sur les femmes. Ces coupes vont aussi entraîner la fermeture de 12 des 16 bureaux régionaux de Condition féminine Canada.

Finalement, le gouvernement a annoncé, début octobre, qu’il adoptait de nouveaux critères de financement pour les groupes de femmes. Dorénavant, le Programme de promotion de la femme (PPF) ne financera plus la recherche ni la défense des droits des femmes auprès des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux.

À cela s’ajoute le fait que la promotion de l’égalité a été retirée du mandat du PPF, qui ne financera dorénavant que des projets visant à assurer la « participation » des femmes à la vie sociale, économique et culturelle dans leur communauté. En vertu des nouveaux critères de financement du PPF, des subventions pourront dorénavant être accordées à des entreprises privées et des organismes religieux. Ce faisant, le gouvernement tente de museler des groupes de femmes, par exemple l’Association nationale Femmes et Droit, qui oeuvrent pour une réforme égalitaire des lois et des politiques.

Ce qu’il reste à faire

Interrogée par les membres du comité permanent, la ministre responsable de la Condition féminine, Bev Oda, a déclaré que l’égalité des femmes est chose acquise et que les féministes qui disent le contraire « victimisent » les femmes. Selon elle, il n’est donc plus nécessaire d’adopter des mesures systémiques pour combattre la discrimination. [...]

Pourtant, la bataille pour la réalisation effective des droits à l’égalité des femmes est loin d’être terminée, comme en attestent tous les rapports sur la question. D’ailleurs, dans son rapport de janvier 2003, le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination envers les femmes était d’avis que le gouvernement fédéral devrait « redoubler d’efforts » pour atténuer la pauvreté dont sont victimes les femmes et éliminer la discrimination de droit et de fait envers les femmes autochtones.

Le comité recommandait aussi que le Canada améliore l’actuel programme des aides familiales en réexaminant notamment l’obligation de vivre chez leurs employeurs et en accélérant le processus d’obtention de la résidence permanente ; qu’il redouble d’efforts dans la lutte contre la violence faite aux femmes ; qu’il prenne des mesures pour augmenter la représentation des femmes dans la vie politique et publique ; qu’il en fasse davantage pour mettre en place un réseau de garderies abordables, etc.

Dans la conjoncture actuelle, alors que le gouvernement conservateur ouvre grand ses portes aux forces fondamentalistes de droite et aux groupes antiféministes, il est tout particulièrement important que les groupes de femmes puissent recevoir du financement pour continuer à défendre les droits des femmes et intervenir en faveur de réformes législatives égalitaires. C’est non seulement l’égalité des femmes mais aussi le fonctionnement démocratique de notre société et la préservation de nos acquis en matière de protection des droits de la personne qui sont en jeu.

Dans Le Devoir, 18 janvier 2007, section Opinion.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 janvier 2007

Andrée Côté


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