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Déchirées par la guerre, les femmes d’Irak sont la cible des trafiquants du sexe

3 février 2007

par l’Agence de presse IRIN

Ce rapport ne reflète pas nécessairement les vues des Nations Unies.*



Mariam, 16 ans, a échappé à une vie comme "travailleuse du sexe" à Dubaï pour retourner à Bagdad.

DUBAI, 26 octobre 2006 (IRIN) - Mariam, 16 ans, revit le jour où son père à Bagdad l’a vendue comme travailleuse domestique dans l’une des nations prospères du Golfe. Au lieu de cela, elle a été forcée à la prostitution.

« J’étais vierge et je ne comprenais pas ce qu’était le sexe. Ils m’avaient dit (les trafiquants) qu’ils allaient recevoir une forte somme d’argent pour ma première nuit avec un vieil homme local qui payait pour ma virginité. Il était agressif et m’a frappée tout le temps », a raconté à IRIN*, Mariam, qui refuse de révéler son vrai nom.

Des agences des Nations Unies ont rapporté que des trafiquants peu scrupuleux de “travailleuses du sexe” profitent de milliers de femmes irakiennes, cherchant à exploiter pour le profit des jeunes filles dans des situations socio-économiques désespérées.

Dans le cas de Mariam, elle a été conduite à Dubaï dans les Emirats arabes unis (UAE) et gardée en maison avec 20 jeunes filles, toutes des “travailleuses du sexe”, a-t-elle dit. Avant de quitter l’Irak, elle et ses trois sœurs étaient soignées par leur père. Leur mère avait été tuée lors de l’invasion américaine du pays en 2003.

Mariam a dit que son père n’arrivait pas à s’occuper seul des enfants et voulait qu’elle parte à l’étranger, surtout avec la montée de l’insécurité et de la violence quotidiennes en Irak.

En novembre 2005, un membre du cercle des trafiquants a offert à son père une avance de paiement de 6 000$US pour elle, disant qu’elle travaillerait pour une famille à Dubaï. On lui a promis que sa fille retournerait en Irak après la fin d’un an de contrat.

Mariam a dit qu’elle était confrontée à des menaces quotidiennes de la part des trafiquants, la mettant en garde de ne pas partir. Elle a cependant réussi à s’échapper et est à présent à Bagdad et prise en charge par une ONG locale, l’Organisation pour la liberté des femmes.

Des milliers de femmes sont mises en marché pour le “travail sexuel”

L’histoire de l’adolescente n’a rien d’inhabituel. Bien que des statistiques fiables soient difficiles à obtenir, l’ONG Organisation pour la Liberté des femmes estime que près de 3500 Irakiennes sont manquantes depuis le début de l’invasion conduite par les États-Unis, en 2003, et qu’il y a un grand risque que beaucoup aient été vendues pour le “travail sexuel”. Elle prétend que 25% de ces femmes dont beaucoup ignoraient leur destin ont été envoyées à l’étranger pour le trafic, depuis le début de 2006.

« Les gens sont au désespoir pour trouver de l’argent pour supporter leurs familles... simplement pour avoir quelque chose à manger. Si le gouvernement n’agit pas contre ce problème, plus de femmes seront abusées hors d’Irak », dit Nuha Salim, la porte parole de l’ONG. Le gouvernement irakien affirme qu’il enquête sur les cas de femmes exploitées dans le trafic et qu’il a arrêté certains des trafiquants, mais sa priorité première est de s’attaquer à l’insécurité.

Outre la nécessité d’une action gouvernementale, les militantes des droits des femmes disent qu’aussi longtemps qu’il y a un marché pour les femmes à l’étranger, le problème va continuer et empirer. Elle réclame plus d’interventions contre les pays qui détournent les yeux du trafic sexuel.

« Des femmes sont emmenées hors d’Irak et perdent ce qui est le plus précieux pour elles - leur dignité », dit Salim.

Le trafic et la prostitution sont illégaux dans les six pays du Golfe, bien que la région soit une destination populaire et commune pour les femmes trafiquées. On estime à 10 000 les femmes venant du sub-Sahara africain, d’Europe de l’Est, d’Asie et de parties du Moyen-Orient qui seraient victimes du trafic sexuel en UAE, d’après un rapport du Département d’État américain intitulé « Trafic de personnes », publié en juin.

Les gangs du Golfe

Sharla Musabih est une militante des droits humains qui gère à Dubaï un refuge pour femmes violées et trafiquées. Elle dit que les “travailleuses du sexe” dans les UAE opèrent surtout à partir d’hôtel et que des gangs organisés sont souvent derrière ce commerce.

« Ce n’est pas organisé dans les UAE mais il y a une mafia organisée à l’extérieur (du pays) qui possède les hôtels dans les UAE et qui organise... Mais, d’autre part, les nationaux des émirats impliqués dans l’immigration sont réellement préoccupés et essaient d’y faire quelque chose. »

Musabih a dit qu’il était habituel de promettre un travail domestique aux filles et de leur imposer de force un “travail sexuel”. « J’ai entendu que les filles commençaient d’abord à payer $10 000 pour venir dans les UAE. Elles sont payées de 20 dirhams ($6) à 20 000 ($6 000) par nuit, selon le client.

D’après le rapport du Département d’Etat, le gouvernement de l’UAE ne s’est pas occupé du problème de manière adéquate, bien que des incursions aient eu lieu.

« Ainsi, beaucoup de victimes (du trafic) sont emprisonnées avec les criminels et déportées », peut-on lire dans le rapport. « Les poursuites pour trafic sexuel sont extrêmement faibles comparé à l’ampleur du problème. » Le rapport constate que malgré 100 plaintes répertoriées pour trafic d’exploitation sexuelle en 2005, le gouvernement des UAE n’a rapporté que 22 condamnations pour crime de trafic sexuel.

Cependant, le rapport félicite les autorités de l’UAE pour un examen plus approfondi des demandes de visa dans ses ambassades dans les pays d’origine ; pour avoir mis en place une division de trafic humain pour enquêter sur les crimes de trafic ; et pour former des policiers, des procureurs, des juges et d’autres officiels gouvernementaux pour combattre le trafic.

Personne n’était disponible à l’immigration et à la police de Dubaï pour commenter la question.

Trafiquées vers la Syrie

Les UAE ne sont pas les seules destinations pour le trafic des femmes irakiennes. La Syrie devient de plus en plus une destination populaire pour les trafiquants, d’après des agences humanitaires.

Un rapport publié en mai par le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies (UNCHR), le fonds des enfants des Nations Unies (UNICEF) et le Programme alimentaire mondial (WFP) parle « de réseaux organisés s’occupant de commerce sexuel » en Syrie. Il établit une corrélation entre la détérioration des conditions des citoyens irakiens et une augmentation de la prostitution et du trafic de “travailleuses du sexe” irakiennes.

« Il est impossible de dire l’importance du problème du trafic de l’Irak vers la Syrie, mais nous savons qu’il existe, dit Ann Maymann, une responsable de la protection à l’UNHCR à Damas. C’est quelque chose dont on ne parle pas parce que les gens ont peur d’en parler. » Des militants locaux en Syrie disent qu’il faut faire beaucoup plus pour protéger cette communauté vulnérable et de plus en plus exploitée.

En septembre dernier, l’Organisation internationale pour la migration (IOM) a organisé un atelier avec le Ministère de l’Intérieur pour susciter une prise de conscience en faveur d’une lutte contre le trafic.

Maria Rumman, cheffe de mission de l’IOM à Damas, a dit que l’organisation aidait un comité du gouvernement syrien créé pour rédiger une loi anti-trafic, et attendait des fonds de donneurs internationaux pour ouvrir un refuge afin d’aider les victimes du trafic. En l’absence d’une telle infrastructure, il devient impossible d’enquêter sur le nombre de personnes introduit par trafic en Syrie.

Le gouvernement est d’accord qu’il faut une nouvelle législation et un refuge », a dit Rumman. « Mais nous n’avons reçu aucune réponse des donneurs, y compris les US, depuis un an. A l’instant où nous aurons le moindre engagement d’un donneur, nous commencerons. »

* Ce qui ne lui enlève nullement de sa crédibilité. Le Integrated Regional Information Networks (IRIN) est une agence d’information humanitaire couvrant le sub-Sahara africain, huit pays d’Asie centrale et l’Iraq.

Sources :

 Version originale anglaise sur le site de l’IRIN.
 Traduction française :
liste des FEN, 7 janvier 2007.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 février 2007

l’Agence de presse IRIN


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