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L’enjeu du biopouvoir, c’est le contrôle du monde

30 décembre 2002

par Élaine Audet

Le dimanche 25 novembre 2001, le président de la société Advanced Cell Technology affirmait avoir réussi à produire les premiers embryons humains clonés connus dans le monde en transférant le noyau d’une cellule dans des ovules préalablement énucléés de femmes, technique déjà utilisée avec succès pour le clonage de la brebis Dolly.



ACT affirmait avoir également réussi à induire le développement embryonnaire d’un ovule humain sans aucune fécondation ni clonage (parthénogénèse), en soumettant l’ovule à un choc chimique qui a produit quelques cellules avant de mourir.
Quand on parle de production de cellules souches, on a tendance à oublier que cette marchandisation du vivant ne peut se faire sans ovules et que ces ovules essentiels à la production d’embryons proviennent de femmes réelles.


L’usinage des femmes


La compagnie a payé des femmes jusqu’à 4.000 $US pour le don de leurs ovules et dit "avoir appliqué à des ovules de femmes volontaires les techniques de clonage jusqu’à présent réservées aux animaux". Elles font déjà partie de la chaîne de montage de la biotechnologie. Leur corps, complètement instrumentalisé, devient ainsi le champ de cette culture hautement lucrative.


Les chercheurs disent avoir activé 22 ovules humains par parthénogénèse et réalisé un transfert de noyaux dans 17 ovules. Pour pouvoir cultiver des cellules souches, il faut que les embryons fournissent au moins 100 cellules, ce qui se produit entre le cinquième et le septième jour.


Dans l’expérience d’ACT, les embryons n’ont pas survécu au troisième jour et n’ont atteint que six cellules. Il n’est pas difficile d’imaginer le nombre élevé de femmes et d’ovules qui seront nécessaires dans ce processus douloureux, dangereux, très coûteux et aléatoire dont, en bout de ligne, seuls les plus riches pourront profiter, contrairement à ce qu’on veut faire croire au public pour obtenir son assentiment.


Les apprentis sorciers n’ont pas besoin de se cloner pour se multiplier


En ce qui a trait au principe de précaution, rien ne peut nous assurer que des ovules ne seront pas détournés pour des fins autres que thérapeutiques avec tous les risques de réactions en chaîne imprévisibles et irréversibles qui pourraient en découler. C’est faire preuve d’une inconcevable naïveté de croire qu’une fois acquise la possibilité de clonage reproductif par la création de cellules souches, le milieu scientifique résistera à la tentation d’une telle performance.


Pour Louise Vandelac, "dans ce domaine, il faut ouvrir d’abord les têtes avant d’ouvrir les ventres et le travail de légitimation idéologique par de telles annonces intempestives jouent un rôle idéologique de premier plan pour légitimer le clonage sous toutes ses formes".


Tant qu’une loi contre le clonage n’est pas adoptée par tous les pays, touchant à la fois la recherche privée et publique, les apprentis sorciers trouveront refuge pour leurs expériences dans des pays laxistes comme le Canada. Le gouvernement fédéral semble beaucoup plus intéressé à passer à la vapeur son projet de loi répressif C-36 (dit anti-terroriste) que de combler ce vide juridique inadmissible.


Le clonage est une bombe à retardement beaucoup plus nocive à long terme que tout ce que l’humanité a connu à ce jour, car quiconque s’emparera du biopouvoir contrôlera le monde.


Article paru en décembre 2001 dans l’aut’journal


Mis à jour sur Sisyphe le 28 décembre 2002


Pour plus de renseignements sur Clonaid, Raël et le clonage :
Le Devoir


Le Monde


Sur le vide juridique face au clonage :
Libération

Élaine Audet

P.S.

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COMPLÉMENT DE DOSSIER

Le clone et ses fantômes, un documentaire radiophonique de Doris Dumais, à l’émission Des idées plein la tête, Radio-Canada. On peut écouter le documentaire sur le site même de Radio-Canada.

Glossaire de la biotechnologie, sur Sisyphe




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